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publié par Emmanuelle Nemoz, Maud Rm le 31/01/23
Guillaume Perret : "chaque projet est une recherche personnelle" -

Le saxophoniste Guillaume Perret était en résidence fin décembre 2022 à la Maison des Artistes de Chamonix pour parfaire son projet Simplify, un duo avec le batteur Tao Ehrlich, que nous avions découvert l’été dernier au festival Jazz sur la Plage [1]. Rencontre et plongée dans son univers musical au gré de ses récentes créations et projets en cours.

Guillaume, tu es actuellement en résidence à la Maison des Artistes où tu vas nous présenter en fin de semaine un de tes derniers projets : Simplify. Comment est née l’envie de ce format duo sax - batterie ?

Je crois que j’étais motivé par l’envie de revenir à un procédé d’écriture différent. Après avoir fait un album solo [Free, conçu et enregistré à la Maison des Artistes, sorti en 2016], puis un en quartet [A Certain Trip, sorti en 2020 [2]], j’avais besoin de revenir à un mode scénique un peu différent du "concept traditionnel". Et puis créer de nouvelles possibilités dans pleins de domaines, aller vers de nouveaux horizons.

Avec Tao nous préparons l’album. Il est impliqué dans ce projet et nous avons du temps ensemble ici pour travailler tous les deux en studio. Simplify est en cours de construction. C’est un projet qui tourne déjà depuis un an et qui évolue sur la route.

Qu’est-ce qui a motivé le choix de Tao Ehrlich pour t’accompagner sur cette création ?

C’est un batteur assez magique. Pour Simplify, j’ai besoin d’ouvrir un petit peu la porte à la collaboration. Clairement, je trouve que de par son âge, son pedigree ou son éducation musicale - c’est le fils de Loy Ehrlich, du groupe Hadouk -, il a un truc vraiment musical. C’est très ancré en lui, très naturel aussi et il est très autodidacte, ce que j’apprécie particulièrement. Son approche est complémentaire à la mienne.

Il a une réflexion assez profonde sur les synthétiseurs, les sons, les arrangements. Tao est aussi bassiste, et ses connaissances en la matière m’ont permis de beaucoup avancer cette semaine dans notre projet. Il a carrément les épaules pour s’impliquer à mes côtés, c’est cool !

Dans chacun de tes projets, le choix des musiciens semble animer par une rencontre humaine. Est-ce essentiel pour toi qu’un lien d’amitié se tisse ?

Oui, c’est une famille ! Fabien Terrail, mon ingénieur son, est aussi très important dans ce projet.

Simplify, est-ce la symbolique d’un retour aux racines pour se (re)trouver ?

Je pense qu’au travers de chaque projet, c’est une recherche personnelle qui se fait. Je ne sais jamais où cela va m’amener, j’ai des envies et j’essaie. Parfois tout est embrumé et le fait de travailler, le ciel se dégage petit à petit et je trouve. C’est un processus de création avec de l’inattendu à chaque fois. Pour Simplify, je souhaitais à la base réaliser quelque chose d’extrêmement simple, juste avec la batterie. Quelque chose d’épuré, mais chassez le naturel, il revient au galop ! Je ne sais pas au final si c’est très épuré ? [rires]

Beaucoup de défis techniques à relever ?

Oui, et nous avançons sur ce point, notamment pendant cette résidence.

Une résidence "lumière" précédera ton concert du 24 février au VIP de Saint-Nazaire. L’envie d’une scénographie particulière pour Simplify ?

Je commence en effet à mettre en place avec Jonathan Chassaing, mon ingé lumière, des outils de captation d’images, de mouvements sur scène. L’objectif est de faire des choses qui interagissent en direct. Une création vidéo et lumière qui évolue avec le spectacle. Nous travaillons sur des outils interactifs que je souhaite simples et efficaces.

Quel est l’échéancier de Simplify ?

Nous entrons en studio au mois de mars pour enregistrer l’album. Puis je souhaite sortir un ou deux titres d’ici cet été, et nous serons prêts pour la rentrée !

Toujours avide de nouvelles expériences, tu as récemment travaillé sur un ciné-concert 16 levers de soleil. Ce film documentaire, dont tu as composé la BO, retrace l’épopée spatiale de Thomas Pesquet à bord de l’ISS. Quelques mots sur cette aventure avec ton quartet ?

Le réalisateur Pierre-Emmanuel Le Goff m’avait initialement commandé un "space opera". J’avais habillé le film avec mes musiques suivant un minutage très précis qu’il m’avait communiqué. J’avais rempli cette mission avec des musiques qui prenaient vraiment leur place, comme sur les décollages de fusée qui durent un certain temps : avec juste le bruit des moteurs, je mettais un morceau bien fat avec une accélération calée sur le décollage. Je souhaitais que ce soit assez orchestral et punchy. J’ai adoré ce travail. Puis j’ai découvert le film lors de la projection au Festival de Cannes aux côtés de Thomas Pesquet. J’étais frustré parce que je n’ai pas reconnu mon travail. Beaucoup de choses ont été modifiées dans le montage final. Pour ce ciné-concert, c’est différent puisque j’ai réalisé le montage avec le réalisateur et mon ingé lumière. C’est un réel second souffle pour le documentaire avec la musique calée ainsi. Tu vois, ressens toute l’écriture, la structure et la force des morceaux par rapport aux images. Il m’a laissé un peu les commandes et a validé mes propositions de cuts pour le film. J’ai vraiment kiffé !

Des dates sont prévues pour ce ciné-concert 16 levers de soleil ?

Oui, il y aura des dates en 2023.

As-tu d’autres actus musicales à nous confier ?

Oui, plusieurs ! En fait, je me suis trouvé une maison que j’adore, en Loire Atlantique. J’y ai aménagé mon petit studio et j’ai tout ce dont j’ai besoin pour vivre. Il se trouve que la région m’accueille trop bien, dans le sens où il y a pleins de choses qui se sont développées : en termes de participation à des festivals dans la région en tant qu’artiste des Pays de Loire, en termes de création avec "16 levers de soleil", fabriqué à Vannes, ou encore de résidence au VIP. Très récemment, j’ai été reçu par la Fédération Régionale du Jazz qui va me permettre d’être en résidence pendant deux ans sur plusieurs salles du territoire. Une superbe opportunité !

Tu es aussi très investi localement auprès des jeunes musiciens...

Oui. Dès que je suis arrivé dans cette région, j’ai collaboré avec des écoles de musique. J’ai travaillé avec celle de Saint-Brévin et, actuellement, avec les options musicales du lycée Aristide Briand à Saint-Nazaire. Toujours à Saint-Nazaire, un énorme projet se met en place : l’année prochaine, un nouveau conservatoire va voir le jour et j’interviendrai pendant deux ans pour des workshops, des créations, des travaux avec des petits et grands ensembles.

Tu as donc une fibre pédago, tu t’investis beaucoup dans l’enseignement ?

Je développe de plus en plus une activité de transmission, via des visites ponctuelles dans divers endroits. J’aime varier les formes d’intervention : parfois je fais des arrangements de mes propres morceaux, comme en ce moment "Shoe Box" avec le lycée Aristide Briand, et d’autres fois sous forme d’atelier, de conférence. C’est hyper vivant et nourrissant. Enseigner te fait toujours avancer. Actuellement, je compose une pièce pour 30 saxophonistes pour le conservatoire de Strasbourg et ça va être génial !

Une actualité riche de projets et de surprises !

Oui ! D’ailleurs, nous préparons un gros évènement en avril avec les saxophones Selmer… Une surprise incroyable ! Et autre nouvelle : John Zorn a libéré les droits pour rééditer mon premier album, qui était sorti sur son label, Tzadik, et le sortir en streaming. Cela coïncide avec les 10 ans d’Electric Epic, donc sortie vinyle de cet opus qui sera prête pour le Disquaire Day. Alors oui, une année riche en perspective !

Nous suivrons ça de près sur Le Cargo ! Merci Guillaume !

Notes

[1] Voir notre article ici.

[2] Voir notre article ici.

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publié par le 31/01/23