accueil > articles > albums > Wilderness

publié par arnaud le 13/05/06
Wilderness
- Vessel States
Vessel States

Unanimité

On ne peut pas dire du premier album de Wilderness qu’il faisait l’unanimité, mais il aura du moins su charmer une partie de la critique et s’imposer sur nos platines au fil des écoutes. Objet intrigant, aux visuels criards, flirtant avec le dada, le nonsense dans un bel habit post-punk qui ne rechigne pas à lorgner vers les atmosphères post-rock, le disque éponyme semblait chargé en émotions, variant au gré des déclamations de son chanteur, James Johnson. Quelle ne fut pas notre surprise de voir annoncé, dès la fin d’année, un nouvel opus des Américains, seulement quelques mois après la sortie du premier et quelques dates données en compagnie d’Explosions In The Sky ou de Cerberus Shoal (bonjour l’eclectisme). Et pourtant, c’est entre octobre et novembre 2005 qu’a été enregistré Vessel States, disque une nouvelle fois distribué par Jagjaguwar.

Léger

Comme l’an dernier, Wilderness a soigné ses visuels, proposant encore un collage surréaliste et improbable, sur fond vert et rose fluo ! Mais si l’écrin est identique, on constate assez rapidement que le bijou a changé. En effet, si Blood On The Wall ou Beautiful Alarms, titres d’ouverture de Vessel States, nous présentent encore une fois un Johnson en grande forme, débitant sa prose abstraite, découpant les syllabes au gré de ses envies, musicalement Wilderness se fait moins nerveux. La batterie, qui était mixée très en avant sur leur précédent album, est un peu plus équilibrée ; les guitares moins percutantes, se laissant porter par un tempo plus nonchalant et moins tendu que sur l’imposant Arkless qui, l’an dernier, imposait d’entrée de jeu son ambiance inquiétante. En comparaison, Blood On The Wall apparaît plus apaisée, Beautiful Alarms plus légère, et Emergency, qui leur emboîte le pas, confirme la tendance : basse bien plus présente que sur le premier album, soulignant de manière efficace les lignes de guitares.

Aérien

A l’écoute de cette entame, on a l’impression d’avoir échangé la folie pure du premier album, ses répétitions dans le chant, contre des ambiances plus aériennes et sages. Pas pour autant un défaut, juste une manière différente d’aborder Wilderness, qui garde comme fil rouge ce son de guitare réverbérée, entre Chameleons et Explosions In The Sky quand elle joue avec les échos (sur le break de fin de Last ou l’intro de Death Verses). Car en dépit d’un certain coup de mou côté tempo, le groupe préserve la curieuse alchimie de ses chansons, ce charme même qui sévissait sur le disque précédent, une façon de sonner qui semble refuser la facilité des mélodies, du moins les aborder de manière moins frontales que la moyenne. A l’image de Blood On The Wall par exemple, dont la six cordes rampante donne une assise fragile à la voix de Johnson, jusqu’à amener le morceau vers une cassure plus prononcée, mais presque improbable, Vessel States illustre un travail subtil sur les ambiances et sur la manière cryptique d’installer la mélodie.

Décalage

C’est ainsi que fonctionne la voix du chanteur, luttant à contre courant de la musicalité, et paradoxalement, soulignant quand même chaque changement des instruments. On appréciera les effets appliqués sur les parties vocales de Death Verses ou du fantastique Gravity Bent Light, quand la frontière entre déclamation et chant se fait de plus en plus mince, créant pour l’occasion un décalage savoureux qui procure à l’album un parfum de renouveau. Même chose dans l’instrumentationde Gravity Bent Light justement, plus élaborée, introduisant des overdubs de guitares (assez rares chez Wilderness), un orgue crépusculaire qui vient colorer le son de la chanson, l’assombrir, pour sonner comme une version hybride et moins tape à l’œil de la pop-new wave des Texans d’I Love You But I’ve Chosen Darkness. A la différence que chez nos natifs de Baltimore, on fonctionne sur la frustration, en donnant le sentiment à l’auditeur que tout va s’emballer pour exploser, et puis finalement ... rien !Le groupe agit de la même façon sur le brillant Fever Pitch, dont la batterie se traîne par moment, comme pour susciter l’attente, nous laisser imaginer la suite pour finalement jamais rentrer dans le jeu, fuyant les scenari trop prévisibles.

Canular

Et c’est ainsi que Vessel States prend à contre pied pendant à peine 40 minutes, virevoletant, de manière certes moins flamboyante que sur le précédent effort de la formation, mais toujours surprenant, à l’image de son final, Monumental, répétitif à souhait, presque chanté : « a standard frame » clame Johnson comme pour souligner la volonté de recoller à la norme, pour finir sur un pied de nez. Comme une blague de potache (comme on le présentait déjà l’an dernier), le groupe s’amuse à ne pas terminer son morceau, préférant couper la bande au beau milieu d’une note. Plus court et moins éblouissant que son prédécesseur, Vessel States brille pourtant de mille feux, mais de manière discrète, invitant l’auditeur à creuser chacune de ses galeries pour y trouver sa pépite. « Where is your goldmine ? » s’enquiert le groupe sur sa dernière chanson : peut-être pas si loin de ce disque... il suffit de prendre sa pioche et de ne pas avoir peur d’aller vers l’inconnu, quitte à prendre des chemins sinueux.

Partager :

publié par le 13/05/06
Informations

Sortie : 2006
Label : Jagjaguwar/Differ-ant

Pour le même artiste