accueil > photos > concerts > Lucy Rose

publié par Mickaël Adamadorassy le 13/05/19
Lucy Rose - Le Café de la Danse, Paris - 09/05/2019

Du début du concert de Lucy Rose au Café de la Danse, on retient deux choses : 1 - il fut précédé par “The Great Gig in The Sky” de Pink Floyd joué dans la sono (on y reviendra) , 2 - c’est la première fois en tant que photographe qu’on nous demande avant le concert par trois fois de faire attention au bruit du déclencheur (ce qui est tout à fait normal en soi).

On comprend vite pourquoi alors que le set commence avec Lucy au piano à queue, accompagnée d’un bassiste/choriste, un percussionniste, un violoniste et un guitariste électrique. On pourrait croire que tout ça constitue une certaine masse sonore mais en fait Glen Hansard ou Shannon Wright en solo acoustique non amplifié feraient plus de bruit. Mais loin de nous l’idée de se plaindre, on savait que ça allait être sobre, délicat, poignant, à l’image du disque et de la session tournée récemment avec elle. Et tant pis pour les photos, comme le reste du Café de la Danse on respect un silence religieux pendant que Lucy entame une superbe version de "Solo(w)", un extrait du dernier album No Words Left . Les yeux mi-clos, penchée sur le clavier ou la tête rejetée en arrière on sent le plaisir qu’elle prend à attaquer les touches du piano (elle expliquera que ce n’était pas prévu à la base et qu’en le voyant qui "traînait" là elle a demandé à l’équipe du Café si elle pouvait l’utiliser), le chant est tout en douceur et le morceau prend tranquillement de l’ampleur avec les autres musiciens qui la rejoignent progressivement, jouant tous avec beaucoup de parcimonie et de retenue.

On continue avec "Nobody comes around here" aussi extrait du nouvel album où là encore tout est construit autour du piano-voix de Lucy, c’est tout aussi feutré que la précédente et tout aussi beau. Inconsciemment et malgré notre premier rang, on tend le cou comme pour se rapprocher un peu plus de la musique, pour l’entendre plus. Lucy nous expliquera à un moment qu’elle a conscience de l’ambiance très solennelle de cette tournée, qu’elle discute avec son père du côté triste de la musique, que quelque part c’est difficile pour elle même si elle aime ces morceaux et elle remercie l’assistance de lui permettre de les jouer, de venir aux concerts. Et il faut dire que les spectateurs parisiens à qui on reproche souvent leur froideur sont tout simplement le public idéal pour ce concert. Si côté scène le volume est réduit, dans les gradins du café c’est le silence quasi-absolu. Il y a juste trois ou quatre anglais qui osent quelques commentaires entre les morceaux et quelques rires quand Lucy nous explique qu’elle souhaiterait que ces musiciens ne soient que des filles, avant de réaliser que cela pouvait être mal interprété (en vrai il y a un esprit de camaraderie assez évident et des sourires de complicité récurrents entre eux).

Mais cela pose une question par contre tout à fait valide : y avait-il besoin d’un groupe autour de Lucy (héhé désolé il fallait que je la fasse) ? En général découvrir qu’une artiste folk joue avec un groupe en live, c’est plutôt une bonne surprise, car en dehors de quelques monstres scéniques tel que le Glen Hansard précédemment cité, la folk solo peut finir par lasser, vers les 50 minutes de show , dans le meilleur des cas, et avec un groupe c’est beaucoup moins le cas. Pour Lucy, en fait les conditions sont posées pour qu’on ait pas besoin du groupe : déjà ils sont loin de jouer en permanence, la seconde guitare par exemple. Les percussions à force d’être discrètes en deviennent presque insignifiantes, dépourvus de l’impact et de la base rythmique qu’elles sont censées apporter. La basse, pas franchement rythmique, apporte un peu de présence dans le bas mais aucun groove, aucun accent ; le violon a de beaux moments mais pareil il n’intervient que de temps en temps. Prenons la chanson qui suit dans le set : "Second Chance", sur disque il y a un basse-batterie complet qui donne une dynamique au morceau qu’on ne retrouve pas en live, le percussionniste n’étant de toute façon pas équipé pour.

Cette approche du live est à double tranchant : le show qui comporte une majorité de titres du dernier disque (un très beau "conversation", "the confines of this world" au refrain imparable jouée sur une vieille quart-de-caisse électrique) mais quelques anciens comme "Shiver", "Moirai","Nebraska" est pourtant totalement cohérent mais d’un autre côté on se dit que ce très bon concert aurait encore pu être meilleur en exploitant un peu plus cette formation, avec un batteur plutôt qu’un percussionniste qui sonorise plus qu’il ne porte le rythme.

Mais bon on est là dans le pinaillage de compétition, s’il n’y avait qu’une chose à retenir c’est que Lucy Rose est magnifique, émouvante, captivante en live comme sur son dernier disque et si elle chante ce répertoire triste du bout des lèvres, l’émotion chevillée au corps, l’espace d’un titre elle nous rappellera qu’elle est aussi capable d’aller chercher une performance vocale à la manière du "Great Gig in The Sky" précédemment évoquée, en moins long et en moins "démonstratif" certes mais de quoi se dire qu’il ne faut pas catégoriser trop vite cette jeune anglaise qui enchaîne albums et tournées depuis presque une décennie dans le registre folk dépressive.

Partager :