accueil > articles > albums > Lidwine

publié par Mélanie Fazi le 29/06/17
Lidwine
- A L I V E
A L I V E

Ce n’est pas sans un petit pincement au cœur que nous chroniquons aujourd’hui cet album de Lidwine. Alors que nous l’écoutions pour la première fois, elle venait d’annoncer sa décision de prendre sa retraite musicale pour se consacrer à de nouveaux projets. Outre que Lidwine faisait partie de ces rares artistes à susciter l’unanimité parmi nos matelots aux goûts souvent très divers, nous suivions son parcours de près depuis quelques années. Des sessions en interview, de chroniques en concerts, nous avions fini par nouer une forme de collaboration suivie, devenue au fil du temps une histoire de confiance et d’amitié. La perspective de ne plus vivre ces instants magiques et lumineux qu’elle savait créer en concert laisse d’ores et déjà un manque.

Retour à la source

On éprouve, en se plongeant dans cet A L I V E, une paradoxale impression de retour aux sources au moment même où le chemin se termine. Chacune de ces chansons nous est déjà connue sous une version sinon plusieurs. L’une des caractéristiques du travail de Lidwine était de ne jamais considérer la forme d’une chanson comme figée et de les revisiter régulièrement au fil de ses EPs, albums et concerts. L’idée d’A L I V E est née lors d’une tournée minimaliste entreprise dans des églises et autres lieux intimistes choisis pour leur acoustique particulière. Nous avons eu la chance d’assister à l’une de ces dates, superbe, en novembre 2016 à La Passerelle.2 (café-disquaire parisien hautement recommandable). A L I V E est la captation sur disque de cette formule live à deux, reproduite ici en studio.

D’emblée, l’album nous prend par les sentiments : la chanson qui nous accueille en ouverture est l’une de celles qui nous chamboule le plus depuis le tout début. « In The Half-Light » ici présentée dans une formule ultra dépouillée où seules de discrètes notes d’harmonium soulignent la voix avant que l’instrumentation ne s’étoffe peu à peu, et qui nous a serré la gorge à la première écoute. Une chanson aussi belle et poignante qu’au premier jour, qui tiendra toujours une place à part dans mon cœur de matelote. Tout l’univers de Lidwine est déjà là dès les premières secondes, toute l’émotion que nous venions chaque fois y chercher.

Caresse et réconfort

A L I V E pourrait être cependant, pour le néophyte, une parfaite porte d’entrée vers son répertoire. La plupart des chansons qui nous ont marqués sur les EPs ou sur l’album Before Our Lips Are Cold s’y trouvent reprises. Sa musique a toujours oscillé entre deux tendances, l’une acoustique et minimale, l’autre plus électronique. C’est la première que l’on retrouve ici, assez proche du parti-pris adopté sur le magnifique EP No Monkey enregistré à l’église Saint-Merri. Le principe est semblable mais la couleur des morceaux diffère légèrement. De tous les enregistrements, c’est peut-être celui qui accorde la place la plus centrale à la voix, qui la remet au cœur de tout et lui rend une forme de pureté, à peine accompagnée par quelques notes de harpe ou d’harmonium ou des percussions discrètes. Cette voix singulière et reconnaissable entre toutes dont on avait appris chaque inflexion par cœur et qui sait tutoyer nos émotions comme personne.

Il y a quelque chose d’étonnamment apaisant à l’écouter ainsi dénudée, à se replonger dans ces chansons comme dans un bain purifiant dont on ressortirait immaculé, à l’instar de celui de « The Pool ». Il y a là une douceur, une délicatesse, qui caressent l’âme et la réconfortent. On imagine sans mal comment ces versions devaient sonner dans l’acoustique si particulière des églises qui ont accueilli la tournée ; par moments, comme sur « The Coast » qui clôt l’album et appelle à la contemplation, le chant mis à nu fait vibrer quelque chose en nous qui est presque de l’ordre du sacré.

Retrouver son souffle

Si certaines chansons restent au plus près des versions que nous leur connaissions déjà, d’autres se redécouvrent. « Before Our Lips Are Cold » se défait de ses couleurs épiques et la force de la mélodie émerge intacte, plus douce et plus intime, magnifiée par des vocalises finales qui la font tendre, là encore, vers le chant sacré. Une version étonnamment réussie tant c’était ce souffle puissant qui nous emportait sur la première version. « Protective » enchante et surprend dans son final poignant où la voix s’envole vers des aigus insoupçonnés. Et l’émotion renaît intacte sur certaines chansons dont les écoutes répétées n’ont jamais émoussé l’intensité (la toujours sublime « Blow The Horns »).

Même les versions très proches semblent occuper l’espace différemment, de par la place accordée à chacun des éléments, de par le relief qui naît de l’acoustique et le très léger écho qui habille la voix. Quelque chose ici invite à un recueillement teinté de légèreté, celui qu’on peut éprouver au contact de la nature ou de l’eau, l’impression de se défaire du superflu, de retrouver son souffle, d’habiter à nouveau sa propre peau. Aux dernières notes de « The Coast », on quitte l’album tout doucement, sur la pointe des pieds, après un au revoir discret mais poignant.

Cueillir la vie

S’il y a une tristesse à l’écoute de cet album, c’est nous qui l’y projetons en raison de son histoire. En réalité, l’impression dominante est celle d’une mue, d’une forme de renaissance : se dépouiller de tout pour mieux se transformer. Ce titre, A L I V E, qui claque comme un cri de joie, est presque une profession de foi : être vivante et partir ailleurs pour y entreprendre un nouveau voyage. Ce n’est pas une fin en soi mais une page nouvelle qui s’ouvre. Une belle illustration, s’il en est, des paroles de « Before Our Lips Are Cold » : cueillons la vie tant qu’elle est là, avant que le temps ne vienne à manquer. Les chansons resteront, toujours aussi fortes. Si vous ne les connaissez pas encore, il est plus que jamais temps de vous y plonger. Elles vous attendent. On vous envierait presque d’avoir à les découvrir.

Il ne nous reste plus, pour conclure, qu’à souhaiter à Lidwine que ses entreprises à venir soient aussi belles que le furent ses chansons, aussi fortes dans l’empreinte qu’elles laisseront, et à la remercier de tout cœur pour le si joli bout de chemin fait en sa compagnie.

NB : A L I V E est disponible en vente directe sur le site officiel de Lidwine, ainsi qu’en numérique sur toutes les plateformes.

Partager :

publié par le 29/06/17