Comment décrirais-tu ta musique, Hildur ?
Je ne sais pas... beaucoup de gens la trouvent triste. Ceux qui me connaissent ont du mal à croire que je puisse faire quelque chose d’aussi sombre, moi qui suis généralement assez joviale ! En fait c’est une façon pour moi d’extérioriser mes angoisses, je pense. Et puis le violoncelle est un instrument chargé d’émotion, au son assez intime. ça joue évidemment beaucoup sur la couleur finale.
Quelle est la connection avec Fever Ray ?
En fait, je connais Olof, le frère de Karin [Dreijer Andersson]. Comme lui, j’ai vécu à Berlin, et nous avons le même cercle d’amis. J’ai joué du violoncelle pour l’opéra qu’ils [The Knife] ont composé sur Darwin. Karin a aimé mon travail et m’a demandé de faire ses premières parties. Nos musiques peuvent paraître assez différentes mais il y a tout de même quelques similarités, cette sorte de tension abstraite, de charge émotionnelle... Comme elle, je travaille avec beaucoup de pistes sur l’ordinateur, même si je manipule essentiellement des éléments acoustiques.
- en première partie de Fever Ray à Stockholm, 1er décembre 2009
Tu fais tout toi-même ?
Oui, presque tout. J’ai la manie de tout vouloir contrôler ! Quand j’enregistre, je tiens à obtenir la bonne "couleur" pour chaque morceau. Chaque chanson est composée de 50 ou 60 pistes, je fais beaucoup d’overdub, je multiplie les couches sonores. Mais je joue chaque partie du début à la fin sans interruption. Il n’y a jamais de coupe ou de boucle dans les parties instrumentales. C’est assez difficile à imaginer parce qu’il y a pas mal de choses répétitives, alors les gens pensent que j’utilise des boucles, mais ce n’est absolument pas le cas.
Même sur scène ?
Ah, sur scène c’est différent, j’essaye d’être un orchestre à moi toute seule ! J’ai des pédales MIDI et un ordinateur à partir duquel je peux déclencher des samples, je structure les choses de manière différente, comme une perpétuelle superposition de couches.
Le violoncelle est le seul instrument dont tu joues ?
Non... en fait j’essaye de jouer de tout ce qui m’entoure. Ce qui ne veut pas dire que j’y arrive ! J’ai commencé l’alto pour Múm, je n’avais jamais essayé. Je me suis entraînée deux jours et puis j’ai dit "ok c’est bon, je pense que je peux en faire quelque chose !". Sur mon album il y a aussi quelques musiciens additionnels : Jóhann Jóhannsson aux claviers, Skulli Sverrisson à la basse, et mon papa Guðni Franzson à la clarinette. J’y joue aussi un peu de cithare, sur le précédent je jouais du vibraphone, donc voilà, je touche un peu à tout.
- avec Múm à Stockholm, 20 novembre 2009
Tu as commencé la musique très jeune ?
Oui, c’est venu naturellement, mes parents étant tous les deux musiciens : mon père clarinettiste donc, et ma mère chanteuse d’opéra. Elle écoutait beaucoup de violoncelle pendant que j’étais dans son ventre, et elle était persuadée que je deviendrai violoncelliste ! C’est ce qu’elle dit, en tout cas... Et effectivement, en entrant à l’école de musique, j’ai choisi cet instrument "de moi-même"... mais elle m’a probablement poussée un peu !
C’était pour lui faire plaisir, en quelque sorte ? :)
Non, enfin je ne sais pas... je devais avoir 4 ou 5 ans donc je ne savais pas trop où j’allais. En tout cas je ne regrette absolument pas ce choix !
Tu as joué les suites de Bach, comme tout bon violoncelliste ?
Oui, j’ai fait des études classiques, mais à l’adolescence je me suis aussi mise au chant et à la basse, dans des groupes de pop, rock ou musique expérimentale. En fait, je n’ai jamais joué de violoncelle dans un groupe, avant Múm. Et je n’ai commencé à utiliser l’instrument pour mes créations expérimentales qu’à partir de 2001 ou 2002, quand j’ai arrêté mes études. Je me suis alors sentie beaucoup plus libre et je crois que c’est à ce moment-là que j’ai commencé à faire ce que je voulais de l’instrument, à le maîtriser.
- propos recueillis le 20 novembre 2009 à Stockholm (Suède) -