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publié par benoît le 30/05/09
Fever Ray
- Fever Ray
Fever Ray

Presque trois mois que cet album hante la platine du Cargo, et on se décide enfin à vous en dire un mot. Il en aura fallu, du temps, pour s’accoutumer à cette substance inhabituelle, s’en injecter des doses croissantes dans l’espoir de s’immuniser. Pour ne rien vous cacher, on en avait un peu peur, de ce disque, sauvage comme un félin magnifique que l’on voudrait apprivoiser mais que l’on sait capable, aussi, de vous arracher un bras à la première saute d’humeur.

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L’artiste à la dentition parfaite grimée ici n’est pourtant pas une inconnue, ni une débutante : la suédoise Karin Dreijer Andersson a formé il y a dix ans le duo électro The Knife avec son frère Olof, tout en étant tenancière du label Rabid Records (dont le présent objet est la 39ème sortie). Elle est aussi un mentor avoué pour les frangines folk First Aid Kit, dont on vous a déjà parlé.

Oeil de Lynch

Fever Ray, c’est son projet solo, la bande-son idéale de vos cauchemars à venir, superbement servie par deux clips terrifiants (voir ci-dessous), comme sortis d’un fantasme de David Lynch. Tout aussi sombre et énigmatique que le Third de Portishead l’année dernière, l’oeuvre est oppressante, mystique, bâtie de beats froids et d’incantations tribales. De polyrythmies exotiques, aussi, mais qui ne parviennent pas à réchauffer l’atmosphère, figés dans la machine comme des fossiles numériques. Ça et là, une flûte ou des congas tentent de traverser l’espace obscur comme des insectes, mais se cognent aux parois de leur cage électronique.

Givre noir

Car les machines sont omniscientes ici. Ce sont elles qui édictent les règles, érigent les structures, déforment les voix, et finalement régissent la vie, dans ce qu’elle a de plus primitif et de plus cru. La boucle de If I had a heart est une matrice sur laquelle viennent naître et mourir les autres éléments. Mourir bien vite : le climat est polaire. Même les steel drums de When I grow up sonnent comme s’ils étaient pris dans les glaces. L’endroit, cerné de nappes menaçantes comme des nuages d’orage, est suffocant - et pourtant fascinant.

Il vous en faudra, du temps, pour vous désintoxiquer de ce disque. Lorsqu’il vous aura conquis complètement, vous bernant par sa relative simplicité musicale, il sera trop tard : le venin aura fait son effet, vous ne saurez plus vous vouer qu’à ces boucles triturées, ces voix torturées que vous imaginerez émanant d’une procession de pèlerins (sur l’hypnotique Coconut de fin), fiévreusement guidés par on ne sait quelle raie de lumière, en disciples d’une secte dont vous faites maintenant partie.

If I Had A Heart

Fever Ray ’When I Grow Up’

> myspace.com/feverray

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publié par le 30/05/09