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publié par Sfar le 27/04/08
Experience
- Nous en sommes encore là
Nous en sommes encore là

Expérience devenu trio depuis son essai karaoké sort son quatrième album Nous (en) sommes encore là. Les liens unissant le Cargo et les toulousains sont tels que nous étions peut-être plus que d’autres dans une impatience particulière d’écouter enfin de nouveaux morceaux du groupe.

Donner l’impression de chroniquer dans les règles de l’art un tel album, d’un groupe qui nous est si cher... je ne saurais pas faire. Alors autant expliquer le plus sincèrement possible ce qui fait que Nous (en) sommes encore là est véritablement et objectivement un très bon album.

Un son qui envoie sévère

Parce que l’Electrical studio de Chicago et Mister Greg Norman sont passés par là. Parce qu’un Widy en moins c’est des kilocalories en plus à dépenser en guitare nerveuse, en basse lourde et pesante et en batterie puissante. Parce qu’“une larme dans un verre d’eau”, “Les Aspects Positifs Des Jeunes Énergies Négatives”, “la vérité” .... c’est à la fois du vrai bon rock qui bouge, mon bon monsieur, avec une touche hip hop revendicatif pour marteler des paroles et des mots percutants dans une ligne vocale qui complète musicalement tout le reste. La voix n’est plus seulement là pour poser des paroles mais est aussi considérée comme un véritable outil instrumental. Parce ce que les effets sur la guitare de “Ever Get the Feelin’ You’ve Been Cheated ?” sont absolument délicieux. Parce que Experience a un réel talent pour agrémenter ses morceaux de samples que les plus aguerris sauront reconnaître. Parce que les extraits sonores distillés au fil de quelques morceaux, réminiscences de pensées ou paroles déjà ancrées dans nos pensées, retrouvent là une fraîcheur et une puissance particulière.

Savoir s’entourer des personnes essentielles

Parce que Mary Jane apporte cette classe tellement féminine par la douceur de son phrasé et la grâce de ces quelques mots anglais qu’elle chantonne sur “Something Broken” ou “Retrouvée”. Parce que Francisco aux chœurs de la vérité c’est en effet un sacré coup de fouet. Parce que Arm des Psykick Lyrikah sur “La République invisible” c’est la réunion quasi-fraternelle de deux régions artistiques effervescentes, deux univers musicaux proches et deux personnalités qui se retrouvent dans leurs mêmes préoccupations et revendications. Parce que sur ce morceau nous ne sommes ni dans du psykick à la sauce Experience ou de l’Experio-Lyrikah mais véritablement dans un travail inédit : une confrontation à la fois textuelle et musicale où par moment la guitare semble rappeler le son si particulier d’Olivier Mellano, qui accompagne Arm régulièrement sur scène et disque ces dernières années, se mêlant à ces rythmes lourds créés par le jeu de basse de Francisco et les coups toujours « percutants » d’un Patrice qui apparemment sur cet album s’est bien fait plaisir !

Composer, construire, réaliser

Parce que ces morceaux que nous découvrons là ont déjà pour la plupart une histoire, une vieille histoire. Déjà lors de la tournée Hémisphère Gauche on entendait cette chanson où il était question qu’« on s’indigne du fait que l’on abatte des forêts pour imprimer des magazines » : “Ils sont devenus fous” ! Parce que “la vérité” et “des Héros” qui nous avaient enchantés et entêtés lors des prestations live de la tournée Positive karaoke with a gun se révèlent tout autant efficaces sur album. On pouvait en douter tant ces titres trouvent leur force dans leur interprétation qui aurait pu du coup être moins convaincante en studio. Que nenni : la poigne, la hargne sont encore et toujours là. Parce que Nous (en) sommes encore là s’écoute comme un essai qu’on lirait et qu’il est construit tel quel. “Entendre ça” pose d’entrée l’intonation et le fond des questions et des préoccupations actuelles et des tourments plus personnels qui seront abordés dans l’ensemble de l’album. “Nous (en) sommes encore là” clôt magnifiquement l’album en 10 minutes tour à tour épiques, explosives et émouvantes... Parce que pendant que des « Filles hawaïennes belges » préfèrent changer deux semaines avant la sortie d’un album préparé pendant quatre ans la présence et l’ordre des plages musicales arguant maladroitement qu’ils aiment l’idée de tout remanier jusqu’à la dernière minute nous faisant douter du sérieux de leur travail, Experience quant à eux propose un travail vraiment structuré, réfléchi et de ce fait très intéressant dans l’écoute globale de leur album. Les morceaux contestataires alternent avec des titres plus sensibles mais tout aussi touchants, quelques intermèdes festifs nous confirment que rien n’a été fait au hasard, qu’il y a eu des envies, des réflexions et qu’une logique thématique et musicale résulte de tout cela.

Ecrire pour faire écouter, entendre et agir

Parce qu’aujourd’hui nous en sommes en effet encore là : “ils sont devenus fous” écrite il y a déjà quelques années n’a jamais été hélas aussi actuelle qu’aujourd’hui. Parce que Michel Cloup a toujours su faire des constats amers de notre réalité quotidienne et en même temps nous donner cette force tellement positive pour encore y croire, avoir l’envie de se battre, de combattre. Parce que sa voix a toujours cette très belle résonance musicale apaisante et cette même fraîcheur charmante depuis l’ aventure Peter Parker Experience en passant par Diabologum et maintenant Experience que ce soit dans les textes dits (“Petite précision (À l’attention d’un ami)”) dans le chanté ou dans le phrasé-chanté. Parce qu’il y a parfois ces petits passages particuliers vocalement et presque agaçants , les à la manière du « s’il vous plaiiiiiiiiiiiiiiit » de la reprise de NTM sur positive karaoke with a gun et en même temps tellement attendrissants. Alors, avez-vous déjà eu l’envie « de couper le moteur au feu verrrrrrrrrrrrrrrrrrrt » ou saviez-vous que « les cliniques sont toutes construites selon la mêêêêêêêême logique » ? Apparemment Michel semble avoir un peu de mal à tenir correctement sur la longueur le phonème [è]... mais ceci reste une simple « pinaillade ». Parce que les successions lexicales de “Une larme dans un verre d’eau” retrouvent dans la composition du morceau la force percutante d’un “A découvrir absolument” avec un sens beaucoup plus profond ici. Parce que les mots d’Experience résonnent et raisonnent. “Entre deux” évoque ces tourments qui nous touchent car nous les vivons, les avons croisés ou craignons d’y être un jour confrontés. Parce que certains ont tord de penser qu’il y a là un méli-mélo de banalités, de lieux communs, une certaine naïveté ... alors qu’au contraire l’une des forces de l’album réside aussi dans le contenu de ses textes. Un peu comme une photographie sociale Nous(en)sommes encore là restera l’un de ces albums indispensables témoin de moments (plus personnels, on sent la quarantaine poindre) ou de constats sociaux pas vraiment folichons. Sans jamais rester seulement dans la position de ceux qui subissent et dénoncent, l’album d’Experience se veut aussi un disque rageur, animé par une force communicative et surtout positive.

Se limiter à écouter Nous (en) sommes encore là simplement comme un quatrième album de Experience, s’arrêter à des comparaisons de personnes ou d’époques qui n’ont plus lieu d’être, serait une grave erreur tant ce nouvel opus des toulousains est bien plus que tout cela. Cet album, au-delà de ses qualités musicales dans la composition et l’interprétation, fait parti de ces œuvres nécessaires et terriblement salutaires.

Nous ne pouvons qu’être reconnaissants à Michel, Patrice et Francisco de nous rappeler qu’en effet Nous (en) sommes encore là.

Merci messieurs.

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publié par le 27/04/08
Derniers commentaires
- le 28/04/08 à 13:53
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Excellente synthèse Sfar !
Sentiments totalement partagés...vivement le concert de demain.