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publié par gab le 17/09/08
emily jane white
- dark undercoat
dark undercoat

majeure

Voilàààà c’est fini ... l’été s’en va, on s’en revient, tout rentre dans l’ordre établi, tout est chupee ... ou presque. Car il va quand même nous falloir parler service public à un moment donné et à vrai dire on n’y comprend plus grand-chose. Alors que ça fait des années qu’on se demande pourquoi on paye encore la redevance télévisuelle, alors que la télévision publique vit les heures les plus noires de son histoire, alors que M6 a presque réussi à nous faire faire une overdose Cocoonienne (mais pourquoi donc regarde-t-on M6 au fait ?), voila qu’on fait notre première découverte musicale majeure sur petit écran depuis notre période Top 50 il y a de ça un certain nombre d’années maintenant ... et en regardant Adriana Karembeu sur France 2, excusez du peu. Alors oui, les espèces menacées possèdent des ressources inespérées et déroutantes qui révèlent leur plein potentiel dans un réflexe de survie non contrôlé au moment où on s’y attend le moins, mais quand même ...

constance

Il faut dire que rien ne nous y préparait aussi. 21 heures, un soir de juillet, on installe le vélo d’appartement face à la télévision pour une petite séance de remise en forme et, pour égayer la chose, on se branche sur l’émission de Frédéric Lopez, Rendez-vous en terre inconnue. Excellente émission (il faut le dire) qui emmène un people français imbibé de notre culture consumériste en terrain exotique dans un coin perdu où les gens vivent encore à l’ancienne et luttent avec plus ou moins de succès pour leur maintient vital et culturel. Choc des cultures et durée du séjour d’une semaine font qu’on entre quand même dans des sujets de fond sans toute fois délaisser l’émotion. Bref, une émission de qualité commencée sur France 5 et passée sur France 2 gagnant au passage quelques ficelles un peu plus grosses dans la réalisation mais ne boudons pas trop notre plaisir, au moins nous ont-ils épargné Cocoon en bande son, mais on y revient de suite. Ce jour là c’est donc Adriana qui s’y colle. Nous on est aux alentours de 20 km/h, tous bourrelets dehors, le souffle régulier, tout baigne. Adriana tente d’expliquer au paysan qui la loge qu’elle est payée dans la vie pour être belle et lui est content pour elle quand, transition-paysage, quelques arpèges de guitare puis un chant féminin qui se perdent rapidement en fondu sur Adriana regardant la maîtresse de maison porter un énorme réservoir d’eau sur le dos. Il y a comme une baisse de régime vélocipède et un « c’était quoi ça ? », on a du rêver. On attaque sur l’accélération vidage de stress des 4 km pour la peine pendant qu’Adriana rencontre la fille de son hôte, mariée de force à l’age de 8 ans et mère à 12 (ou quelque chose du genre). Morceaux choisis pour la route :
- Et le plus dur au début dans ce mariage ?
- ................................ de coucher avec lui ...
Quand on vous disait que les ficelles étaient un peu voyantes. Mais ceci dit ça marche et on encaisse à peine ces éléments perturbants, pauvre père de famille à 21,2 km/h sur un engin sans roues que nous sommes, que, transition-paysage, revoilà nos arpèges et notre jolie voix. Cette fois cependant nous sommes prêts, l’oreille attentive, on ne se laissera pas prendre par surprise, « Cat Power ? ». ça y ressemble fortement mais n’a pas l’air d’être tout à fait ça. Adriana grimpe en haut de la montagne pour chercher du bois et on attend désormais avec impatience les prochaines pauses paysages, les vues étant absolument magnifiques il est vrai, mais on a surtout notre rendez-vous musical de posé. On tient au passage à remercier qui de droit pour la constance de ses choix musicaux puisque cette musique entêtante reviendra régulièrement tout au long du reportage ce qui nous permettra au fur et à mesure d’écarter l’option Cat Power tout en excitant progressivement nos oreilles jusqu’à nous faire décortiquer fébrilement le générique dans l’espoir de découvrir qui se cache derrière cet enchantement. C’est ainsi qu’une fois les 10 km parcourus, les adieux d’Adriana effectués, quelques abdos pour la route tentés, on a au final devant nous ce nom énigmatique et prometteur : Emily Jane White.

assoiffés

Voila comment le service public nous offrit sur un plateau notre disque de l’été, bien parti pour devenir celui de l’année d’ailleurs. Car le lendemain nous vit bien sur acheter l’album et les deux mois suivants y plonger et replonger assoiffés insatiables que nous sommes devenus. Et on a évidemment retrouvé sur ce Dark undercoat la filiation avec Cat Power et plus généralement ce folk intimiste au féminin qui nous touche tant, mais, grande nouveauté par rapport aux folkeuses plus en plus nombreuses à suivre cette voie, elle réussit l’exploit d’enlever l’aspect torturé du chant de Chan Marshall sans perdre la moindre intensité dans les morceaux, bien au contraire. C’est d’ailleurs ce que tente de faire ces derniers temps et sans grand succès Mme Power et qui est ici tellement naturel que ça en devient évident. En résumé, nous avons là l’album du genre qu’on attendait depuis quelques années sans trop le savoir, avec ce mélange de guitares acoustiques et électriques impeccable, ces arpèges poignants ("Dark undercoat"), du piano maîtrisé ("The demon", "Wild tigers I have known") et une voix grave et touchante à souhait. Le plus troublant étant peut-être l’assurance avec laquelle elle nous livre ses morceaux qu’ils soient mélancoliques ("Dagger"), intimistes ("Dark undercoat"), universels ("Bessie Smith") ou les trois à la fois. Un album précieux, qu’on ne lâche pas d’une semelle et qui nous tient en haleine jusqu’au final époustouflant d’un "Two shots to the head" dévastateur. Une maîtresse chanson comme on en rencontre rarement sur un album, si bon soit-il. Comment décrire la transe qui nous saisit dès les premiers arpèges et surtout à l’entrée de la voix d’Emily Jane White ? Summum de mélancolie et d’interprétation, douce tout en ayant un rythme soutenu, un refrain à peine plus étoffé que le reste, avec ses quelques notes de piano et de guitare saturée, mais qu’on attend à chaque fois le cœur serré, la gorge nouée. « Two shots to the head, now you’re running running fast », son emprise sur nous est totale.

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Et parlant d’emprise, fermons le chapitre télévisuel de notre dossier service public sur ces belles considérations, en attendant de vous retrouver prochainement pour une conférence très animée sur les bienfaits thérapeutiques de l’accordéon en transports urbanisés. Bien le bonsoir.

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publié par le 17/09/08