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publié par Mickaël Adamadorassy le 07/11/18
Pitchfork Music Festival Paris 2018 - Jour 2

Impossible de ne retenir qu’un set ou deux pour ce deuxième jour du Pitchfork Music Festival Paris 2018, c’est presque un sans-faute pour la programmation, dans des genres pourtant très différents. Cat Seat Headrest nous a impressionné de bout en bout autant pour la qualité du chant que la puissance que le groupe dégage quand les trois guitares saturent de concert, Dream Wife nous a donné la pêche avec ses riffs punks et sa chanteuse infatigable, les belles découvertes du jour, les français de Bagarre qui ont mis le feu pendant 45 minutes non-stop à Pitchfork, la musique hypnotique et la jolie voix de Tirzah. Mention honorable à Chromeo, de la funk très bien jouée, et à Blood Orange, talentueux chanteur et multi-instrumentiste inspiré, ainsi qu’à son super groupe. Et bien sûr CHVRCHES, ultra-efficace et dansant mais pas lisse pour autant grâce à Lauren, toujours aussi attachante et drôle quand elle se met à parler entre les morceaux.

Boy Pablo

17h30 c’était un poil trop tôt pour un jour de travail, on se presse mais on loupe quand même donc à quelques secondes près les trois morceaux autorisés dans la fosse photo pour Boy Pablo et on se contente donc d’une quinzaine de minutes de set avec le jeune norvégien et son groupe, un classique quatuor rock, où tous les musiciens restent proches de leur leader, apparemment il a emmené ses potes du lycée en tournée avec lui et cette camaraderie se ressent beaucoup dans leurs regards et leurs sourires. Du coup on aurait du mal à en dire du mal... le groupe est efficace, il y a une certaine légèreté plaisante mais il n’y a vraiment rien d’exceptionnel ni de très original dans la voix, les compositions, pas d’excellence instrumentale, de charisme incroyable, d’énergie débridée... c’est juste moyen, sans être péjoratif. On écoute sagement, sans que l’ennui s’installe et on passe à la suite

Tirzah

La musique de Tirzah n’est pas d’un accès si évident, on aurait envie d’inventer un nouveau genre musical pour la décrire : le goth r’n’b. r’n’b parce que la musique, gérée par la moitié du duo Mica Levin et un musicien additionel, c’est effectivement une forme de r’n’b minimaliste, dont on apprécie qu’une grande partie soit quand même jouée live. Goth parce que c’est sombre, atmosphérique . Très lent, répétif avec peu de variations dans les intensités. La formation joue plus sur les ambiances que sur l’impact ou la pulsation rythmique.

Et puis il y a la chanteuse Tirzah Mastin, totalement statique sur scène, habillée d’un pull trop grand pour elle, les mains planquées dans les manches ou dans le dos. Un regard qui ne se cache pas, serein, sobre. Un visage pudique, les émotions ce sera pour l’essentiel dans la voix. Et pour le coup c’est vraiment une très belle voix. Certains pourront trouver ça lisse, froid mais quand on est tout près de Tirzah, qu’on considère la personne et la musique, tout se tient. Comme ce premier morceau où de longues minutes s’écoulent avant qu’elle ne se mette à chanter mais elle vient quand se mettre sur le devant de la scène, dans la lumière, les yeux tournés vers le public, sans rien dire ni faire activement mais sa seule présence exprime déjà quelque chose.

Vous l’aurez compris, chez Tirzah, la musique comme la chanteuse nous ont vraiment touchés.

Dream Wife

Les anglaises de Dream Wife (et leur batteur) ont certainement donné le concert le plus rock’n’roll de tout le festival. Un set intense, débordant d’énergie punkoïde, de guitares saturées bien jouissives, de grooves trépidants. Au premier abord, on a une impression de joyeux bordel scénique, de groupe déjanté surtout avec l’infatigable Rakel au chant qui se démène sur le devant, prend la pause sur les retours, harangue le public, l’incite à se lâcher aussi. Mais derrière cette apparence chaotique, il y a un groupe qui est bien en place , l’équilibre sonore est très bon et des chansons sont bien écrites. Le concert est donc un régal du début jusqu’à la fin. Le disque le laissait déjà présager mais après ce live, on est convaincu que ce groupe est promis à un bel avenir et capable de s’imposer sur de grandes scènes.

Si tout le groupe offre une prestation scénique comme musicale de haut niveau, il faut quand même souligner que Rakel est une frontwoman absolument géniale, un bout-en-train drôle et énergique qui en quelque titres vous conquiert un public réputé plutôt froid et exigeant avec un punk pas spécialement original mais tellement bien envoyé. Dans un esprit de fête, sans prise de tête, un humour qu’on associe plutôt à la branche américaine du punk/grunge des années 90. Alors que les températures ont bien baissé ces derniers jours, voilà un concert qui vous réchauffe et vous met du baume au cœur !

Lewis OfMan

Comme on l’avait indiqué dans le programme, Lewis OfMan c’était vraiment pas bien. On ne sait pas ce qui est pire : la musique, de l’électro pouet-pouet ou les paroles, encore plus désespérantes que The Pirouettes dans leurs pires œuvres. Seule lueur d’espoir dans le concert : quand sa copine Milena Leblanc vient chanter quelques titres. Elle a une jolie voix Milena alors on espère qu’après avoir chanté des textes aussi mauvais et naïfs, elle se nettoie la bouche avec du whisky ou de la vodka, sinon c’est à se retrouver à tousser des mon petit poneys et des teletubbies.

Car Seat Headrest

On avait découvert ce groupe de Seattle, constitué autour des chansons de Will Toledo en début de journée à Rock en Seine 2017 et on avait bien aimé, sans non plus tomber sous le charme complètement. Cette fois-ci,le contexte d’un concert en salle en milieu d’affiche aide certainement mais il est clair aussi que le groupe a clairement franchi un cap dans sa maîtrise de la scène : en particulier son chanteur a une présence scénique, un charisme qu’on avait pas senti la dernière fois, très sobre dans sa tenue noire, très grand et les yeux cachés derrière des lunettes d’intello cachés derrière ses cheveux, ce n’était pas gagné mais la gestuelle, la posture du corps et puis surtout cette voix superbe dans le bas-medium, une zone de la tessiture pas simple à rendre spectaculaire mais Will Toledo y arrive et le résultat est chaleureux, assez solide, plein pour s’imposer dans un mix à trois guitares. Les morceaux se construisent sur la longueur, réservent des creux pour que la voix s’exprime pleinement et puis à un moment on enclenche les distorsions, la voix monte d’un cran aussi et ça part dans des crescendos puissants. On sent chez ce groupe assez jeune beaucoup de maîtrise, de quoi donner un show vraiment classieux, qui se réserver quand même un beau final où on lâche la bride, avec le percussionniste du groupe qui tape sur un cowbellcomme un furieux en courant partout sur scène, se perd un moment dans la fosse et ramène avec lui une fan qui aurait droit à sa cowbell. Ouaip deux cowbells, on peut difficilement faire plus rock !

Chromeo

Chromeo c’est du funk/electro, c’est très exactement la formule de l’horrible (ou génial selon le point de vue) album de Daft Punk... mais en mieux parce que le duo au look très bling bling (avec le nom on aurait pu sans douter) dégage quelque chose de très sympathique (leur stands de clavier imitation jambe de femmes aide certainement comme leurs grands sourires) et puis tout ou presque a l’air joué live. Ils s’occupent des claviers mais jouent aussi beaucoup de guitare et de basse et ce sont de très bons musiciens. On est clairement pas fans du genre mais la bonne humeur, le côté paillettes assumé, la musicalité et le groove font qu’on écoute une bonne partie du set sans se lasser. Ils n’ont peut être pas ce qu’il faut pour faire des tubes planétaires comme Daft Punk mais en tant que groupe de live, cela fonctionne très bien.

Bagarre

La belle découverte du genre est française et elle a mis le feu au Pitchfork pendant quarante-cinq minutes. Bagarre ce sont cinq français qui un peu comme Fauve dont ils ont fait la première partie, ne se définit pas comme un groupe classique, n’a pas vraiment de leader, de style unique. Il s’agit à l’évidence quand même de faire une musique pour danser, pour faire la fête, une musique de club sans que ce soit péjoratif ou une limitation. Chez Bagarre, on retrouve des éléments de toute sorte de musique, des expérimentations de mélange bizarres. Sur scène pas de leader ou alors chacun est leader à son tour, tout le monde joue, tout le monde danse, tout le monde chante. Tous les ans le Pitchfork essaie d’intégrer à sa programmation de "jour" (cad pas la partie clubbing du samedi soir) des groupes de ce type et c’est généralement un échec. Mais Bagarre a eu l’énergie, le talent, le charisme pour transformer le Pitchfork en boite de nuit et faire danser les gens en plein début de soirée, juste avant les deux grosses têtes d’affiche. On se dit que cette bande-là on va beaucoup en entendre parler à l’avenir s’ils font ça à chaque concert.

CHVRCHES

On a été un peu déçu du manque de prise de risques de CHVRCHES sur leur dernier album, Love is Dead, mais avec le temps on a quand même appris à l’apprécier et on était donc impatient de retrouver le groupe pour la quatrième fois. Et puis avouons-le on est un tout petit amoureux de Lauren Mayberry, la chanteuse de ce groupe écossais. Sur scène on remarque tout de suite la présence d’une batterie qui vient compléter l’instrumentation essentiellement basée sur les synthétiseurs et un peu de basse par moments. On est toujours partants quand il s’agit d’avoir moins de choses jouées par des machines et plus de musiciens sur scène, surtout un batteur mais on n’a pas trop remarqué la différence, ce qui en un sens peut être une qualité : le rôle d’un batteur n’est pas de se mettre en avant mais de servir de fondation à la musique.

... Et peut être que comme d’habitude on était complètement focalisé sur Lauren, qu’on a vu devenir de concert en concert, une chanteuse taillée pour les grandes scènes, très pro dans son jeu de scène comme dans la gestion de la voix qui est parfaite d’un bout à l’autre. Certes il n’y a pas de performances vocales acrobatiques chez Chvrches mais c’est Lauren qui est devant et qui doit pourter l’émotion, donner son énergie au set. Et elle assume admirablement cette position.

Au bout d’un moment, on trouve quand un côté un peu mécanique à sa manière de parcourir la scène, chanter un peu à droite, courir ou danser, chanter au milieu, chanter, puis la même à gauche de la scène et répéter. Mais heureusement elle n’a pas perdu de son côté sauvage et spontané, dans les morceaux où elle entame des petites danses improvisées en tournant sur elle-même, se lance dans des sessions de headbanging intenses, entre les morceaux, on retrouve la même fille qu’avant avec son humour un peu pince sans rire, quand elle raconte que les médias la décrivent comme une mangeuse d’hommes cruelle qui boirait le matin une boisson faite à partir de larmes d’hommes ou quand elle nous raconte que c’est cool d’être dans une salle où les gens ne répètent pas ses mots pour se moquer de son accent anglais, ce que font apparemment ces rustres d’américains alors qu’ils parlent la même langue.

Ou encore quand elle parle avec l’un des membres du groupe dont c’est l’anniversaire, comme une jeune anglaise avec ses potes, sans filtre, sans fard et c’est cool de voir que cette fille est toujours là derrière la chanteuse très pro qui fait le show avec classe pendant une heure, pour notre plus grand bonheur (enfin entre Dream Wife, Car Seat Headrest, Bagarre et CHVRCHES difficile de choisir un seul gagnant)

Blood Orange

Après toutes ses émotions, on avait l’impression qu’on avait eu bien plus que ce qu’il fallait à notre bohneur pour la journée, presque envie de rentrer, pour flotter un petit peu plus longtemps sur le petit nuage où on était à la fin du set de CHVRCHES mais bon il est encore et on se remotive pour au moins donner sa chance à Blood Orange et on a très bien fait. Dev Hynes, l’homme au foulard sur la tête, a une très belle voix, il joue très bien de la guitare comme du piano, et quand il n’est pas au chant, il laisse la place à ses deux choristes qui sont tous les deux très très bons, comme le reste de son groupe. Sans être fan à la base de cette musique entre soul et r’n’b avec une touche de modernité dans les phrasés parfois un peu hip-hop, les sonorités électroniques voir même des solis de guitare déjantés. On est séduit par la musicalité, le groove de cette prestation et on reste jusqu’au bout sans même sans rendre compte, en se remuant tranquillement au rythme de la musique de Blood Orange comme une bonne partie du public.

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