Réécoutant son magnifique Traverse pour préparer cette interview, on se surprit à se rappeler l’impression que nous avait laissée notre toute première rencontre scénique avec Robi, un soir de juillet 2012 à la Loge : pas seulement l’impact qu’avait eu sur nous ce concert habité et réellement impressionnant, mais l’intuition d’un potentiel riche de promesses, amené à s’accomplir avec le temps et que nous avions hâte de voir éclore. Potentiel qui a, dans l’intervalle, donné naissance à trois beaux albums très différents, jusqu’à ce Traverse dont nous n’aurions pu alors anticiper ni la couleur ni la tonalité.
Quelque chose émerge peut-être plus encore de cette interview que des précédentes : une forme de générosité, une volonté de ne pas être une artiste isolée dans son coin mais de s’inscrire dans le monde, dans une forme de communauté, de travailler avec les autres et pour eux, dans le partage et le mouvement. Une manière d’être qui était présente dès le départ mais semble s’affirmer avec le temps. Robi fait partie de ces artistes qui savent être passionnants dans leur cheminement tout autant que dans ses résultats, dans leurs tâtonnements tout autant que dans leurs coups d’éclat, dans leur manière même d’avancer et de se transformer. Sept ans après cette première rencontre fulgurante, elle n’a jamais déçu ces espoirs initiaux, et Traverse en est une preuve supplémentaire.
Par rapport aux albums précédents, celui-ci m’a frappée par sa couleur différente, plus lumineuse et apaisée. Est-ce que toi, la direction prise par cet album t’a surprise ?
Oui et non. La façon dont on réalise les albums aujourd’hui est vraiment un travail au long cours, c’est-à-dire qu’on ne prend pas des morceaux qu’on emmène en studio pour les arranger et les enregistrer dans l’espace d’une semaine ou de quinze jours, dans un travail extrêmement resserré en partant d’une base très nue. On a travaillé ensemble pendant quasiment un an avec Auden, du coup les choses se sont vraiment construites petit à petit, et il n’y a rien qui m’ait surprise. Ce qui m’a éventuellement surprise c’est notre connexion, parfois nos différences et nos projections. Il a fallu mettre en perspective nos projections sur les morceaux qui ont conduit parfois à des désaccords, et ces désaccords ont fait naître des accidents, ou au contraire on a pu transcender nos visions en une seule. Et ça c’est toujours surprenant, mais c’est le fait même de la rencontre.
Quoi qu’il en soit, j’avais déjà travaillé avec Auden sur un premier morceau, « Moi aussi », et c’est vraiment ce travail-là qui a conduit à une envie réciproque de travailler ensemble. Ce n’était pas un choix plaqué, je n’avais pas écouté les réalisations d’Auden en me disant « C’est avec lui que je veux travailler ». C’est du fait du cheminement de notre rencontre qu’est venue cette envie de travailler ensemble. Je savais naturellement que ça allait m’amener ailleurs et j’avais envie de cet ailleurs où il m’amènerait avec ses références, avec son savoir-faire, son rapport à l’instrument qui est différent que celui que peut avoir Katel avec qui j’ai fait mon deuxième album, ou Jeff Hallam avec qui j’ai fait le premier.
Quelle a été sa part d’implication dans l’écriture et la mise en forme des morceaux ?
Son implication est totale au sens où il y a quelques morceaux qu’on a co-composés, voire qu’il a composés lui. Un morceau comme « C’est dire le bonheur », il y a eu une évidence à l’instant même où il m’a proposé la mélodie de ce texte que j’avais depuis quasiment un an et dont je ne savais que faire. Un morceau comme « Des sentiments » où j’ai fait naître une mélodie sur une tournerie rythmique, une tournerie harmonique qu’il m’avait envoyée… L’implication se passe à l’endroit de la composition, sur ces deux morceaux en tout cas. Et pour ce qui est des arrangements, rien n’a été fait dans son coin, ni du mien, ni du sien, on n’a travaillé que dans les moments où on était ensemble. Évidemment, il avançait sur quelque chose, je lui proposais autre chose, c’est un travail tout à fait imbriqué. Il n’a rien projeté sur moi ni moi sur lui.
Pour revenir à l’aspect plus lumineux de cet album, est-ce que toi, tu le perçois de cette manière ?
Oui, il y a évidemment quelque chose de plus lumineux dans le sens où il y a quelque chose de moins opaque, donc qui laisse davantage entrer la lumière, que sur le premier album qui avait quelque chose de très rageur, le deuxième qui peut-être était plus anxiogène, qui exprimait quelque chose de l’enfermement, de l’impossibilité. Sur ce troisième album, il y a du fait d’une ouverture à moi et aux autres quelque chose qui, encore une fois, laisse passer la lumière. Je ne sais pas s’il est plus lumineux, il n’avait pas vocation à l’être, ce n’était pas un choix que j’avais fait. Il se trouve que les textes en eux-mêmes ont quelque chose de moins enfermé dans une tournerie, dans la répétition, qui était une des façons dont j’avais besoin et nécessité d’écrire. Il y a quelque chose de plus ouvert aussi dans les mélodies et dans l’écriture, qui naturellement a engendré en termes d’arrangements et de matière quelque chose de plus ouvert et donc de plus lumineux.
En règle générale, cet album, s’il est moins contrasté, plus harmonieux, ne dit pas autre chose que ce que j’ai toujours dit. Que le transport contient en lui-même la fin et inversement. Que c’est le cœur des hommes et son moteur. En acte et en poésie. Je le dis juste d’un autre prisme, d’un autre endroit de ma vie, plus ouvert, moins opaque et enfermé sur moi-même. Peut-être moins adolescent. Un choix fait de face, yeux dans les yeux. Le monde est là où il faut y agir. D’ailleurs c’est quelque chose à laquelle je et nous à travers Fraca !!! nous engageons complètement. Face aux enjeux, à ne pas céder à l’amertume, ni au renoncement mais produire une joie militante. Une joie volontaire. Qui demande beaucoup plus de soi que l’aigreur. C’est une colère saine, d’une gaieté choisie pour lutter en soi et avec les autres, pour les autres. Ensemble.
Pour t’avoir souvent vue en concert, j’ai souvenir d’une ancienne version live du « Soleil hélas » qui était très différente de l’actuelle : le texte était identique mais la mélodie tirait vers quelque chose de plus sombre et de presque désespéré. Alors qu’ici, l’impression produite est extrêmement différente.
C’est un texte effectivement qui a mis longtemps à trouver sa mélodie. C’est d’ailleurs quelque chose d’assez différent sur cet album contrairement aux deux précédents : ma façon d’écrire et mon rapport à la musique ont beaucoup changé dans ces quatre années qui séparent ce troisième album du deuxième, à savoir qu’auparavant la musique naissait des mots. Il y a quelque chose qui était intrinsèque dans la mélodie même de l’articulation grammaticale, de la poésie naissait la musique. Et pendant un très long temps ça n’a plus été possible parce que j’ai décidé de déconstruire ça, d’apprendre la musique – chose que je ne savais pas, j’étais mélodiste sans savoir même ce qu’était un accord. Par volonté de ne pas creuser toujours le même sillon et de ne pas vouloir faire un troisième album qui ressemblerait aux deux premiers, j’ai voulu casser mon système, au point qu’il m’a été impossible pendant très longtemps de refaire de la musique, parce qu’elle ne naissait plus naturellement et que, du fait d’apprendre, j’avais tout désappris de mon système.
Par ailleurs, dans ce temps-là, j’ai écrit des textes qui du coup sont restés sans mélodie pendant longtemps, ou qui ont tenté des mélodies pendant un moment, et c’est le cas sur « Le soleil hélas ». D’autres textes ont été abandonnés. Je tenais très fort à ce texte qui a connu, je crois, au moins deux ou trois mélodies en tout, dont une qui effectivement donnait un tout autre éclairage à ce morceau, quelque chose de très tragique alors même que ce que dit ce texte pour moi n’avait pas cette dimension-là. Ou peut-être que j’ai changé entre-temps, et quand d’un seul coup cette dernière mélodie m’est venue, elle m’a semblé offrir un éclairage sur ce morceau qui était plus juste, plus évident, quant à l’endroit où je suis aujourd’hui.
Tu as joué cette ancienne version notamment dans le cadre d’une création à la Maison de la Poésie conçue comme un dialogue imaginaire avec Sylvia Plath. C’était un spectacle assez intense mais aussi très sombre, qui parlait de la mort, de l’absurdité de la vie, de la tentation de ne plus vivre. En y repensant à la lumière de ce nouvel album plus apaisé, on a presque l’impression que tu étais en train de boucler quelque chose avant de partir ailleurs.
Oui, très probablement. On ne se dit pas ces choses-là au moment où on les fait mais dans ce dialogue avec Sylvia Plath, qui a fini d’interroger son rapport à la vie et à la mort de la façon la plus conclusive qui soit, c’est-à-dire en se donnant la mort, j’ai fini d’achever effectivement ce dialogue que j’ai pu avoir moi-même avec ma propre finitude et mon propre sentiment d’absurdité d’être en vie quand on sait qu’on va mourir. C’est quelque chose qui m’a toujours taraudée, qui ne cesse aujourd’hui d’être présent dans mon rapport au monde mais d’une façon beaucoup plus joyeuse, apaisée. Il y avait probablement pour moi dans ce dialogue, dans ce que disait Sylvia Plath, la possibilité, sachant qu’elle avait franchi ce cap, de m’apercevoir que ce n’était pas mon endroit, que c’était le sien mais pas le mien et que j’avais envie de vivre, de vivre beaucoup et de vivre très longtemps et de vivre très vieille, de profiter à la fois de toutes ces joies mais aussi de toutes ces peines que nous offre la vie, qui nous rendent vivants.
Ce qui me fait penser à un morceau comme « La belle ronde » que je trouve assez amusant car il parle de la mort de façon très distanciée.
Oui, après c’est un morceau qui fait référence à d’autres morceaux des albums précédents, comme « La finitude » qui est un morceau caché du premier album qui n’apparaît pas au générique puisqu’il n’a été découvert que par ceux qui ont laissé tourner le CD après qu’il soit terminé. « La finitude » était déjà à son endroit une célébration de la vie sachant la mort, qui offrait déjà de trinquer à notre absurdité, mais dans quelque chose de très rageur et de très joyeux. Peut-être que c’est le pendant ironique de ce morceau : c’est une comptine un peu macabre mais une comptine quand même, à se répéter quand on est à deux doigts d’être désespéré ou qu’on pourrait avoir cette tentation.
Pour revenir à « C’est dire le bonheur », j’avais perçu ce morceau comme étant très joyeux et j’étais étonnée, dans la présentation qui accompagnait sa sortie en single, de constater que vous parliez aussi de nostalgie. Je n’y avais pas entendu cette dualité.
Effectivement, il a sous sa forme immédiate, à commencer par son titre, « C’est dire le bonheur » et ses arrangements, quelque chose de très volubile, naïf, adressé. Le clip aussi, que j’ai réalisé moi-même est extrêmement coloré, et ramène d’abord à l’idée de la danse et donc à celle organique de la vie dans ce qu’elle a de premier. Mais, à y regarder de plus près, la mélodie dépouillée et rendue à un low tempo s’avère très mélancolique, ce qu’elle est profondément, dans le sens où chacune des strophes, chaque évocation du bonheur est une évocation d’un bonheur passé, d’un bonheur révolu dont on a la joie, la peine heureuse de ce qu’on a vécu et qui n’est plus à vivre. Cette douce peine, souriante, qui nourrit aussi ce qui s’ouvre devant soi.
C’est effectivement lui aussi, contrairement à ce qu’il peut donner à penser ou à entendre à la première lecture, une lecture contrastée ou du moins complexe de qui on est. Et je crois que le fait d’être à cet endroit que j’appelle le milieu de la vie qui est l’approche de la quarantaine est une bascule où on fait non plus des premiers bilans mais on mesure que certaines choses ne seront plus, qu’on a eu la chance de les vivre, et sachant cela on se donne peut-être la possibilité de vivre autre chose.
Tes chansons laissent parfois des impressions contradictoires, on peut y entendre des émotions très différentes, comme une forme de joie et de mélancolie en même temps. As-tu parfois l’impression d’être mal comprise dans tes intentions quand les gens te parlent de leur perception de tes morceaux ?
Oui et non. Je me fais toujours la réflexion amusée que quand je suis sur une position en termes d’arrangements ou de mise en images d’un clip, des arrangements qui vont être effectivement plus drus, plus austères ou plus tendus pour dire quelque chose de contrasté à la fois de la mort et de ce que ça nous rend vivant, et que la mise en lumière d’un clip va être en noir et blanc, on va me dire que c’est très sombre. Quand par ailleurs j’écris un titre comme « C’est dire le bonheur », que j’y mets des couleurs, que le titre est plutôt up tempo et que j’y dis cette même contradiction, on va me dire que c’est extrêmement lumineux, là où pour moi je suis toujours dans un contraste de ce rapport ambivalent qu’on a tous à la vie et à la mort. Peut-être qu’aujourd’hui sur ce troisième album il est plus complexe, plus subtil, moins marqué, mais c’est toujours étonnant pour moi de me dire que quand on montre du noir les gens voient du noir, et quand on montre de la couleur les gens voient de la couleur. Évidemment que c’est plus complexe que ça, mais je crois quand même que beaucoup des gens qui m’écoutent perçoivent ça, et s’ils ne le perçoivent pas d’une façon extrêmement concrète, ils le sentent, dans ma musique et dans mon écriture, qu’il y a ces deux pôles qui s’affrontent en moi, et en chacun d’entre nous.
Dans l’interview que nous avions faite autour de La cavale, tu disais : « Et je crois que c’est une des faveurs du temps qui passe et de l’âge : le temps avançant, assez étrangement, certains horizons s’ouvrent. » C’est précisément ce que j’entends dans un morceau comme « La bienvenue », cette idée que la vie n’a pas plus de sens qu’avant mais que des portes s’ouvrent, et ça rejoint ce que tu disais au sujet de la quarantaine.
On m’avait prévenue, quand j’étais adolescente, que quelque chose changeait en vieillissant. J’étais évidemment très en colère contre cette idée et je me disais « Non, je ne changerai jamais. » Il y a quelque chose qui n’a jamais changé et qui ne changera jamais chez moi, c’est la colère, le militantisme, l’envie que les choses changent, il n’y a chez moi aucun renoncement face aux injustices individuelles et sociétales. Mais en tout cas il y a quelque chose de plus accueillant dans la complexité du monde et qui permet d’envisager quelque chose de moins centré sur soi et de plus ouvert au monde. Quelque chose de moins adolescent. Mais elle est absolument nécessaire, cette colère adolescente, elle s’est transformée chez moi en une colère peut-être plus dynamique.
Dans l’interview de l’année dernière avec Katel et Emilie Marsh autour de votre label Fraca !!!, vous nous parliez de l’industrie musicale qui met beaucoup l’accent sur les jeunes artistes et ne les laisse pas évoluer dans le temps. Dans ce contexte, je trouve très beau d’écrire un morceau comme « La bienvenue », qu’on n’écrit précisément pas à vingt ans.
Cette question induit plein de questions, il y a évidemment le fait que cette façon de consommer la musique est à l’image de la façon dont on consomme tout court aujourd’hui, et que ça pose des questions : on parle de décroissance, de durabilité, je pense qu’il est temps aussi de se poser la question de la décroissance (c’est-à-dire de sortir d’une consommation extrême) et de la durabilité dans la musique. Je trouve ça merveilleux par ailleurs que de jeunes artistes émergent et qu’il se passe cette énergie-là, ce bouillonnement-là que je trouve passionnant. Mais effectivement on est passés d’une ère où il n’y avait que des « grandes carrières » et une difficulté absolue à émerger à l’époque des Cabrel, Souchon ou Julien Clerc – qui faisaient dix albums et dont on attendait à chaque fois le prochain album – à quelque chose de beaucoup plus vif, et d’un rapport très changeant et très riche à une vie qui n’arrête pas de bouger, d’évoluer, de changer, je trouve ça tout à fait passionnant.
Après, la dérive de tout ça, c’est que tant en termes d’industrie que de culture à proprement parler, on se retrouve à être dans une autre dimension qui est une course à la nouvelle sensation, où aujourd’hui ces mêmes jeunes artistes n’ont aucune assurance de pouvoir exister sur un deuxième album et a fortiori sur un troisième et donc de déployer une œuvre, de déployer leur richesse et de pouvoir produire non seulement une autre musique mais aussi de pouvoir écrire différemment. Parce que c’est vrai, on n’écrit pas la même chose et de la même manière à 20 ans qu’à 30, à 40 ou à 60, on a un autre rapport au monde, et ça pose la question du jeunisme, et surtout de l’éclectisme. C’est-à-dire que certes, il y a ce bouillonnement, cette richesse, mais dans des courants extrêmement précis, fermés, qui vont changer tous les deux ou trois ans, et qui du coup s’accaparent toute la place parce que c’est un effet de mode au moment M où ça se produit et qui n’offre plus la richesse dont je pense qu’elle a un public, c’est-à-dire qu’il y a véritablement un public pour tout. Et je trouve ça dommage, pas seulement au titre de l’artiste que je suis mais de l’auditrice que je suis, il y a des choses que j’aimerais entendre passer sur des médias et qui n’ont pas la possibilité de se faire entendre, de se faire découvrir et de continuer à se déployer.
Mais on est dans la question : est-ce qu’on est dans l’œuvre ou est-ce qu’on est dans le projet ? On sort un projet et après on passe à un autre projet, est-ce que la musique est un art comme les autres ou est-ce que ça reste définitivement une industrie ?
As-tu l’impression que chaque album que tu sors est lié intimement à la personne que tu es au moment où tu l’écris ?
Je crois qu’on ne peut pas vraiment faire autrement que d’écrire à partir de soi, toujours. Mais ce « à partir de soi » est aussi qui on est et dans quel monde on est au moment où on l’écrit, c’est-à-dire que c’est une interaction entre soi qui change, mais ce soi ne change qu’en interaction avec le monde, son monde social, le fait naturel ou surnaturel d’avoir des enfants, le fait naturel ou surnaturel d’amitiés ou de choses qu’on construit par ailleurs dans son rapport au monde, et au monde tout court, à ce qui nous entoure, et aux urgences, aux questionnements, aux angoisses, aux manques qui sont ceux de notre temps. Donc on écrit évidemment à partir de soi, mais soi n’existe pas sans l’interaction même charnelle, ou l’interaction abstraite à nos angoisses existentielles qui sont celles de notre temps.
Tu parles du fait d’avoir des enfants. « Le soleil hélas » est surprenante car c’est la première fois que tu t’adresses directement aux tiens dans une chanson, et parce qu’on retrouve là aussi des émotions contradictoires : tu leur dis des choses assez dures, puisque tu leur dis que l’être humain est toujours seul, mais tu le fais avec beaucoup de douceur et de bienveillance.
Oui, parce qu’il se trouve que non seulement j’ai des enfants, mais des enfants adolescents. Ce qui veut dire qu’ils sont eux-mêmes dans le passage qui va bientôt les faire naître adultes, avec la prise de conscience justement de soi au monde, de son soi existentiel, et que leur adresser ce message dont ils vont faire le constat évident qu’on est profondément seul, ce n’est pas tragique, c’est leur dire : « Je suis seule avec vous, vous êtes seuls avec moi ».
Je ne sais pas si ça a complètement un rapport, mais on sait par exemple que si on demande aux gens quelle est leur chanson préférée, celle qu’ils voudraient emmener sur une île déserte ou que sais-je, pour 80% d’entre nous, on va emporter une chanson triste. Déjà, ça va complètement à l’encontre de ce qu’on nous dit, qu’il faut faire des chansons joyeuses parce que c’est ce qui se vend. Peut-être que ça se vend parce que c’est ce qui fait danser et oublier de réfléchir, mais 80% d’entre nous vont choisir une chanson triste. Pourquoi ? Parce que cette chanson triste qui parle de la solitude ou du désespoir de quelqu’un, et donc de la profonde solitude dans laquelle un être vit, va nous-même nous faire nous sentir moins seul. Et qu’on se sent moins seul de se sentir compris, de savoir que les autres aussi sont seuls et qu’on est enfermés à l’intérieur de nous-mêmes et que seuls nous vivons, seuls nous naissons, seuls nous mourons. Mais qu’à l’intérieur de cette solitude, on peut la partager, et que c’est probablement ce qu’il y a de plus beau, de plus précieux parce que c’est ce qu’il y a de plus intime, c’est le nœud le plus profond qu’il y a à l’intérieur de nous, c’est notre noyau.
Et dire à mes enfants qu’effectivement toute la difficulté de la vie va être d’affronter le fait que la mort et l’amour sont deux choses qu’on ne peut regarder en face parce que justement elles viennent toucher à ce noyau de conscience qu’on a de plus enfoui en nous, c’est le partager avec eux et leur dire : « Vous êtes seuls mais vous n’êtes pas seuls à être seuls, et je suis avec vous et je sais cela, et sachez que je sais cela, et que vous n’êtes pas seuls et que je vous tiens la main. »
Tu as mis plus longtemps à sortir cet album que les précédents, quatre ans après La cavale, est-ce qu’il t’a fallu plus longtemps pour trouver la bonne direction ?
Oui, comme je l’évoquais plus tôt, du fait de ma volonté de casser mon système, de rompre avec un systématisme dans lequel j’étais (mais dans lequel je crois qu’on est tous), je l’ai si bien contrarié qu’il y a eu un très grand et très long moment dans lequel je ne trouvais plus la musique. Elle était partie parce que, c’est vieux comme le monde, plus on apprend quelque chose, plus on mesure l’étendue de son ignorance. La musique naissait en moi sans que je ne sache rien d’elle. Quand j’ai commencé à aborder l’étendue de ce qu’on pouvait faire en musique, je me suis dit : « Mais que faire, pourquoi ceci serait mieux que cela », et j’ai perdu l’évidence qui était la mienne, ne sachant pas.
Et donc, ça a été une très longue période par laquelle je suis passée même par le renoncement à faire de la musique. Et il a fallu ce renoncement, il a fallu que je me dise de façon très profonde et très intime que j’arrêtais la musique pour retrouver du désir. J’entends par là retrouver une innocence à moi, une innocence à soi-même et une véritable nécessité qui naisse d’elle-même de faire de la musique et de dire des choses, et de faire renaître une façon nouvelle d’exister au monde.
Pour tout te dire, j’ai écrit un troisième album dans l’espace de ces quatre ans, que j’ai commencé à travailler, qu’on avait commencé à maquetter et même à enregistrer, et puis j’étais dans une telle incertitude, j’avais le sentiment d’être comme trimballée au vent de mes doutes et de mes impossibilités à choisir, tantôt on me disait que les morceaux étaient bien et j’y croyais, tantôt on me disait qu’ils n’étaient pas bien et j’y croyais tout autant. J’avais donc perdu quelque chose qui est nécessaire à faire de la musique : la croyance intime qu’on est en train de faire quelque chose qui résonne en soi et qui sonne juste. Et surtout, j’avais la sensation d’être en train de faire un troisième album, ce qui est la plus mauvaise raison au monde de faire un troisième album, un premier ou un deuxième. Pour résumer, j’avais perdu la nécessité. Et pour ça, il fallait chercher, il fallait se perdre, il fallait renoncer pour que renaissent en moi l’envie, la nécessité et la justesse, et la manière qui ne pouvait découler que de ce désir qui renaissait.
Est-ce que tu as ressenti une pression pour le sortir avant, de la part de l’extérieur ou de toi-même ?
Oui, c’est ce dont je te parle effectivement, j’ai ressenti cette nécessité qui n’était pas du tout… dans la mesure où je m’autoproduis depuis le début, je n’avais pas de partenaires qui m’aient mis la pression – même si j’ai toujours eu des partenaires, éditeurs, tourneur etc, et puis j’ai construit mon label avec Frank Loriou, j’avais des partenaires autour de moi qui ne m’ont mis la pression à aucun moment. C’est une pression qu’on se met à soi et c’est une pression induite, surtout. Ça rejoint la question d’avant : tant qu’on n’a rien fait, on n’est pas chanteur. Et puis d’un seul coup on devient chanteur parce qu’on a fait un premier album. Je ne me suis posé aucune question sur le deuxième, il est venu dans la foulée, et puis d’un coup d’un seul, c’est devenu un métier. Et quand quelque chose devient un métier, soit on s’en empare et c’est une très belle chose, parce que ce n’est pas du tout un vilain mot, mais en tout cas je me disais : « Voilà, j’ai sorti un premier album, un deuxième, il faut maintenant qu’un troisième album sorte et qu’il ne sorte pas trop tard », parce qu’il ne faut pas se faire oublier, parce qu’il faut arriver derrière avec quelque chose de plus grand, de plus fort pour marquer le coup, et qu’effectivement ça a probablement participé à mon incapacité à être à l’intérieur de moi-même, parce que c’est une pression induite mais qui ne résonnait pas de façon juste.
Une des chansons s’appelle « Chambre d’embarquement ». C’est la phrase écrite sur la vitre de la « boutique d’écriture » où tu étais en résidence avec Jérôme Marin alias Monsieur K il y a deux ans. Pour être passée vous y rendre visite, j’ai souvenir qu’il s’est passé des choses assez fortes là-bas. Cette résidence a-t-elle été une étape importante dans l’histoire de l’album ?
Ça a été une étape essentielle. Une grande partie de l’album a été écrite là-bas. Effectivement c’est une concordance de temps, d’espace qui d’un seul coup crée une magie, le fait est que ça arrivait probablement au bout d’un cycle, mais c’est arrivé de façon étonnamment juste. C’est Jérôme Marin qui est à l’origine de cet atelier d’écriture et qui m’a invitée, parce qu’on le lui avait proposé, à investir ce lieu qui est un lieu de création mais aussi d’exploration, d’exposition, de happening, qui est tenu par une galerie mais qui est en fait une boutique, c’est-à-dire qu’elle est ouverte sur la rue. On s’est retrouvés en résidence d’écriture dans un endroit qui est l’antinomie de ce qu’on pense être l’endroit de résidence d’écriture rêvé a priori, c’est-à-dire un lieu ouvert sur le monde, sur la rue, dans un dedans/dehors qu’on avait même accentué puisqu’on avait proposé à tous nos amis chanteurs ou auteurs de passer nous y voir, parler d’écriture, mais aussi pourquoi pas écrire eux-mêmes. Ça a donné lieu à beaucoup de réflexions sur le rapport à l’écriture, de passer de la nécessité d’écrire quand on a vingt ans à quelque chose de beaucoup plus distancié peut-être avec le temps.
Tout ça pour dire qu’en fait ce dedans/dehors, ce passage, ces allers-retours perpétuels avec possiblement des gens qui viennent vous déranger, qui viennent mettre en péril ce qu’on croit être l’isolement de l’artiste qui doit s’enfermer à l’intérieur de lui-même pour retrouver sa connexion et l’inspiration, chez moi a produit quelque chose de très fort. Et j’en avais besoin, je n’ai jamais autant écrit et mieux écrit que dans cet espace d’ouverture, et il faut croire que j’ai besoin d’être dérangée pour être concentrée.
Il s’est passé de très belles rencontres, d’abord avec Jérôme Marin que je connaissais un peu mais qui est devenu un ami dans cette expérience qui a été très forte pour lui et pour moi et qu’on a réitérée cette année, qui était moins productive du point de vue de l’écriture mais très productive d’un autre point de vue, puisque j’étais en train de terminer l’album – j’étais en plein mastering sur cette deuxième session et du coup la boucle était bouclée. Et de se retrouver autour du mastering alors qu’un an avant je finissais d’écrire les textes de l’album, c’était vraiment saisissant de symbolisme. Mais en tout cas ça m’a beaucoup intéressée et interrogée sur le fait qu’effectivement, pour écrire ce troisième album, je n’étais pas à l’intérieur de moi, j’étais dans une communication, justement on parlait d’ouverture et de lumière, dans un endroit très lumineux où pouvait entrer qui voulait, pouvait nous déranger qui voulait. Et ça a engendré chez moi une écriture probablement plus ouverte et plus vivante, plus en connexion avec le monde.
Au sujet de cette chanson, « Chambre d’embarquement », pour être venue sur les lieux de la résidence je reconnais des éléments très concrets, et c’est amusant de voir que tu les as emmenés ailleurs, vers une dimension plus érotique.
La dimension érotique a toujours été là dans ce texte. Au fur et à mesure de notre résidence, on affichait en vitrine les textes qui nous venaient à Jérôme et à moi, et aussi des textes qui sont nés des passages de nos amis venus nous rendre visite, parce que ce qu’on voulait donner à voir, c’était le chemin de l’écriture. Je n’en ai écrit que les trois premières strophes mais elles existaient toutes, et effectivement il y a une dimension érotique. La chambre d’embarquement c’est l’idée du voyage intérieur et évidemment il est métaphysique, il est philosophique, existentiel mais il est aussi de l’ordre du fantasme, de ce voyage qu’on fait avec soi vers l’autre. Ça rejoint l’idée du désir en fait : le désir est profondément érotique, il n’est pas forcément sexuel mais il est toujours érotique, le désir de vie est toujours érotique. Après il ne se traduit pas forcément de façon sexuelle, mais c’est un morceau qui parle du chemin du désir, du voyage du désir et du fait qu’on porte en nous cette rampe de décollage vers la vie.
Le texte de « Ma déconvenue » est très beau et aussi très troublant, parce que c’est la première fois que tu fais allusion à toi-même en tant qu’artiste qui se produit sur scène, mais on pressent qu’il parle aussi de choses plus intimes, et on ne sait pas bien où se trouve la frontière entre les deux.
Parce qu’il n’y en a pas ! Effectivement, je m’appuie sur l’analogie du rapport à la nudité qui est de se mettre à nu avec cette impudeur spécifique aux artistes qui vont décider de venir livrer sur scène leurs émotions, leurs manques, leurs espoirs avec cette même impudeur, absurdité et violence que la rencontre amoureuse où, passé le premier temps de la séduction, il y a quelque chose de l’aveu qu’on fait à quelqu’un – qui très vite va s’apercevoir de nos manques, et d’ailleurs, si rencontre il y a vraiment, elle se fait dans ce qu’on abandonne de soi, dans ce qu’on livre à l’autre de sa déconvenue. C’est aussi : « Est-ce que tu es capable, si tu m’aimes, de recevoir ça, ma déconvenue, ce que je suis dans ce que j’ai aussi de plus vil, de plus lâche, de peut-être plus amer parfois. » Mais ce geste-là, c’est un double geste d’amour, celui qui mène à la scène et celui qui mène à la rencontre (ça peut être une rencontre amoureuse ou une rencontre tout court). C’est un double mouvement de don et d’impudeur.
Il y a une phrase que je trouve extrêmement marquante dans cette chanson : « Je suis de cette espèce/Ce monstre d’absolu ». Cette expression, « monstre d’absolu », est très forte.
On parle beaucoup sur cet album du milieu de la vie, d’approcher le monde avec plus de douceur ou en tout cas remplacer la dualité par de la complexité, c’est certain, il y a quelque chose de cet ordre-là. Mais par ailleurs, je n’ai pas perdu, je ne perdrai pas et je m’en désespère parfois, cette impossibilité pour moi à faire des compromis, à renoncer, à l’endroit des compromis en tout cas. Je suis terriblement habitée de ce grand absolu qui fait aussi les plus désespérés. Et j’ai bien conscience que ce noyau-là en moi est aussi un monstre. C’est lui qui me porte vers la vie mais c’est lui aussi qui me porte vers la mort, ce monstre d’absolu.
Dans l’intervalle écoulé depuis l’album précédent, le travail sur l’image a pris de plus en plus de place dans tes activités. Après avoir réalisé tes propres clips, tu as commencé à en réaliser pour d’autres artistes, et tu te charges d’une grande partie de ceux de ton label. Quel plaisir est-ce que ça t’apporte ?
C’est étrangement au même endroit pour moi que l’endroit de la musique. Si ce n’est effectivement que quand je travaille pour les autres, je suis au service d’une vision mêlée à la mienne, et c’est une rencontre de visions qui me déplace complètement. C’est-à-dire que quand il s’agit de faire ma propre musique, je vais travailler avec des gens qui ont leur propre vision et qui vont se mettre au service de la mienne et accompagner le mouvement de mes besoins, de mes certitudes, de mes nécessités ou de mes manques. Là c’est moi qui me mets dans cet endroit-là et c’est pour moi la possibilité d’une richesse nécessaire – c’est-à-dire que je ne veux pas, je ne peux pas être seulement à cet endroit d’être portée, j’ai un plaisir infini et d’une façon artistique, ça rejoint la question des compromis. Si c’est une rencontre avec l’artiste et c’est le porter, le mettre nu de façon plus ou moins heureuse, je suis plus ou moins satisfaite de ce que je produis, mais en tout cas ça me permet de sortir de ma place d’artiste pour être une artiste au service d’autres artistes. Comme d’ailleurs le travail que je fais autour du label : pour moi c’est absolument nécessaire de ne pas être à cet endroit unique de l’expression de mes sentiments ou de l’endroit où on a pu mettre les artistes pendant très longtemps, l’artiste maudit ou l’artiste éthéré qui n’est qu’à l’endroit de sa création, de ses fantasmes et de son inspiration. C’est une façon d’aborder le concret du monde et ça n’enlève rien à sa poésie : pour moi créer un label comme faire de l’image pour d’autres, c’est la nourriture nécessaire de l’être vivant que je suis pour avoir quelque chose à transcender.
Tes premiers clips tournaient autour du même genre de motifs répétés, mais ensuite tu as fait des choses très différentes. Il y a un monde entre un clip bricolé maison sur ton ordinateur comme « On ne meurt plus d’amour » et « J’embrasse le premier soir » pour Emilie Marsh où, pour avoir été figurante, je peux témoigner qu’il y avait toute une équipe et une organisation beaucoup plus complexe.
Oui bien sûr. Après, « On ne meurt plus d’amour », tu parles d’un de mes tout premiers clips. Aujourd’hui j’ai la possibilité de faire appel à des équipes et d’aller chercher plus loin dans l’image, ce qui me permet d’être vraiment à l’endroit de la réalisation et de laisser à ceux qui savent mieux le faire que moi le cadrage, la lumière et d’être vraiment à l’endroit de l’œil, de la décision. Par ailleurs je ne lâcherai jamais le montage parce que pour moi l’écriture même est à l’endroit du montage, mais ça reste mes premières amours : je suis plus dans un travail de vidéaste que de clipeuse, ma démarche est vraiment là, et j’aime les choses bricolées, les accidents qui naissent… Plus quelque chose est pensé, plus il y a une équipe autour de soi, moins ça laisse de champ à la surprise, à l’accident, à ce qui va se déployer ou pouvoir se décider au dernier moment parce qu’on voit que quelque chose ne fonctionne pas et on change son fusil d’épaule.
Quand il y a toute une équipe, ça permet beaucoup plus de confort technique mais beaucoup moins de flexibilité artistique. Je suis toujours dans cet entre-deux-là : j’adore pouvoir à certains moments goûter à ce confort et à ce plaisir d’être sur une image beaucoup plus travaillée, léchée, sur des scénarios plus complexes, et en même temps je dois dire que le fond de ce que j’aime faire c’est partir en image comme je pars en musique, c’est-à-dire avec une forme d’ignorance à moi-même et à ce qui va se passer, et qui va peut-être produire quelque chose de magique ou créer une catastrophe. Et c’est ce qui arrive parfois, mais c’est ce risque-là qui m’intéresse, plus encore que de construire quelque chose.
Y en a-t-il un dont tu sois particulièrement satisfaite ?
C’est compliqué parce qu’il s’agit de soi. Tu parles d’« On ne meurt plus d’amour », évidemment ça fait partie de mes clips préférés parce que justement c’est quelque chose qui est né d’une intuition, mais comme un adolescent devant sa glace : il y a quelque chose de très pur, de très naïf dans la façon dont j’ai fait ce clip sans me regarder faire et penser « Est-ce que c’est bien, ce n’est pas bien ? » C’est toujours extrêmement agréable d’être dans cet endroit où on ne se regarde pas faire, parce que c’est une des complexités qui rejoint cette idée, quand cliper ou faire de la musique devient un métier : on commence à se regarder faire, et à la fois c’est nécessaire pour grandir, évoluer, on devient nécessairement plus exigeant, mais on perd quelque chose de la naïveté, qui je crois est une des sources et ressources nécessaires à la création.
J’aime beaucoup le clip de « Devenir fou », parce que là aussi c’est un clip extrêmement bricolé et tout à fait obsédant et obsessif comme peut l’être le morceau et il y a quelque chose de très raccord. Mais j’aime beaucoup le clip que j’ai tourné récemment du « Soleil hélas » qui est dans une autre configuration mais qui est aussi très indie. On est allés tourner des images sans savoir exactement ce qu’on allait en faire et à quoi ça allait ressembler, et je dois dire qu’en fait c’est ça qui m’intéresse.
Pour avoir réécouté récemment tes premiers albums, il y avait une tension dans les morceaux qui donnait des choses très fortes sur scène et qui n’est pas présente ici. Comment cet album va-t-il se transposer en concert ?
On n’a pas encore commencé à travailler avec les deux musiciens qui vont reprendre le live. Ce qui est évident, c’est qu’il n’est absolument pas question de jouer l’album sur scène et que de tous temps, même quand je faisais des choses plus drues, plus rock ou entendues comme telles, on me reprochait ou au contraire on appréciait le fait qu’on ne retrouve pas la même chose sur scène que sur album. Je peux d’ores et déjà affirmer que ce sera le cas sur le prochain. Moi, j’ai besoin d’une tension de toute façon sur scène, j’ai un rapport très organique, très animal à la scène, on va travailler les arrangements. De fait c’est un album très produit et à trois, ne serait-ce que par contrainte, on ne peut pas reproduire ce qui se passe sur l’album. Il faudrait au moins trois ou quatre musiciens pour ce que soit possible, d’une part, et à l’intérieur de cette contrainte, j’ai de toute façon besoin de quelque chose qui soit beaucoup plus tendu. Monter sur scène pour moi n’a jamais été un endroit d’apaisement, c’est un endroit de violence faite à moi-même, mais dans lequel s’inscrit toute cette colère qui n’est jamais complètement et ne sera j’espère jamais passée. Après, je ne peux pas te répondre encore sur la façon dont on va aller chercher, creuser, mais ça passera très probablement par mettre les morceaux à l’os, les mettre plus à nu et retirer la moelle profonde de ces morceaux pour qu’effectivement il se passe sur scène quelque chose de plus charnel.
Robi sera le 10 mars 2020 au Café de la Danse. D’autres dates de concerts devraient être annoncées prochainement.
Photos interview (c) Mélanie Fazi