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publié par Mathilde Vohy le 16/04/20
Aloïse Sauvage
- Dévorantes

Chanteuse, danseuse, circassienne, actrice... Les mots ne suffisent plus pour décrire l’artiste touche à tout qu’est Aloïse Sauvage. Après de longues années de cirque et de danse, le grand public la découvre au cinéma en 2017 dans le rôle d’Eva dans 120 battements par minute. Elle se lance, la même année, dans la musique, le RnB plus précisément. On découvre, via les titres Aphone, Ailleurs Higher ou Hiver brûlant, des mélodies plutôt calmes et un flow serein.

Dévorantes

Ce n’est finalement qu’en mars 2019 qu’Aloïse dévoile sa sauvagerie à l’industrie musicale avec son premier EP intitulé Jimy. 5 titres qui ne sont aujourd’hui quasiment que des tubes. Tout s’enchaîne ensuite très vite puisque l’année qui suit est notamment synonyme de nomination aux Victoires de la musique et surtout de la sortie d’un premier album, Dévorantes, chez Initial Artist Services.

Jimy faisait déjà partie de nos coups de coeur de l’année 2019, autant vous dire que nous avions une envie Dévorante(s) de découvrir ce premier 11 titres. Depuis le 28 février 2020, l’album tourne en boucle dans nos oreilles, on s’est alors dit qu’il serait judicieux de vous le présenter.

Des mots puissants

Lorsque nous écoutons un album de rap, RnB ou de musique dite “urbaine”, nous portons généralement une attention particulière aux paroles. Connivence avec la poésie ou obligation d’avoir des textes plus longs compte tenu de la diction plus rapide, les raisons sont multiples. Toujours est-il que nous avons nous-mêmes perpétué les traditions et été soucieux des textes proposés dans cet album. Il n’a pas fallu s’y pencher très longtemps pour constater que c’était très certainement le point fort de Dévorantes.

A sa sortie, Aloïse Sauvage avait eu les mots suivants : “J’y ai mis tout ce que j’avais. Tout.”. Et c’est en effet le premier sentiment qui nous vient quand on l’écoute : cet album est un album vrai, sincère, qui sort du ventre de celle qui l’a écrit, co-composé et co-réalisé. Aloïse Sauvage y parle de sujets personnels, d’amour, notamment, avec « Si on s’aime » et « Feux verts » par exemple. Mais aussi de thèmes moins joyeux à commencer par le fait d’être découragé et d’aller moins bien. Dans le titre « Dévorantes », qui clôt l’album en puissance, la chanteuse explique la difficulté à gérer les pulsions qui nous rongent autant qu’elles nous nourrissent. Avec « Méga Down », elle se questionne même sur le fait de “prendre son mégaphone, pour exposer au monde ce qui la rend méga down”.

Car oui, Aloïse Sauvage c’est avant tout quelqu’un qui s’interroge sur le monde qui l’entoure. Une femme ouverte d’esprit, pour qui rien n’est établi et qui accepte volontiers l’avis d’autrui. On s’en rend notamment compte en écoutant ses interviews et interventions publiques. Quand un journaliste pose une question, la chanteuse répond souvent également par une interrogation. En constante remise en cause donc.

Pourtant, Aloïse Sauvage a des convictions et milite haut et fort. Elle dédie notamment plusieurs titres de son opus à la lutte contre l’homophobie avec « Jimy », « Papa » ou « Omowi », presque considéré aujourd’hui comme un chant militant. Elle explique au sujet de ce dernier : “Je voulais écrire un titre joyeux et entêtant, comme un chant collectif qui nous aide à nous assumer chacun. Omowi est une chanson pour tou.te.s, qui veut que tout le monde se sente aimé(e), respecté(e) et fier(e)de son existence.”

Que les sujets évoqués nous touchent directement ou non, ce qu’on ressent à l’écoute de cet album, ce n’est même pas de la fierté ou de l’amour, c’est un sentiment encore plus fort, de la grandeur, ou de la puissance peut-être.

Et rythmés

Les mots sont lourds mais cela ne les empêche visiblement pas de rebondir. Les mélodies sont en effet rythmées et pulsées et contrastent avec le poids des paroles. Linéaire ou aléatoire, quelque soit le sens de lecture, à chaque écoute, impossible de rester en place, nous sommes pris d’une folle envie de danser. Les instrus inspirent la joie, le besoin de bouger frénétiquement tête et bras. Et quand on a déjà eu la chance de voir Aloïse sur scène, on ne peut s’empêcher de vouloir (espérer) reproduire ses chorégraphies type. Nous sommes submergés par une énergie Sauvage, propulsés par une Dévorante envie d’aller de l’avant.

Les titres procurent tous le même lâcher prise et néanmoins, aucun ne se ressemble. Les morceaux proposés dans cet album font tous écho au rnb, pourtant, les mélodies ont le mérite d’être foncièrement variées. Nous avons le choix, de nous dandiner avec « Si on s’aime », de rebondir, comme sur un trampoline, avec « Mega Down », de nous prélasser sur « A l’Horizontale » ou de nous balancer sur « Et cette tristesse ».

Après réflexion, musicalement parlant, la seule similitude entre les onze titres de Dévorantes est la manière avec laquelle Aloïse Sauvage boxe les mots. L’artiste sert sa lutte par ses propos, mais aussi par le débit effréné avec lequel elle déclame chacun d’entre eux. Chaque phrase se révèle être un coup de poing percutant.

Que dire de plus ? Qu’il faut que la parisienne chasse définitivement de son esprit toutes les raisons qui l’empêchaient il y a encore quelques mois de se considérer comme chanteuse. Il est indispensable que nous l’affirmions haut et fort : Aloïse Sauvage fait de la musique. Et elle n’en fait pas comme les autres, elle a su imposer son travail, sa rigueur, son style et ses mots, prouvant une nouvelle fois qu’il ne faut pas la ranger dans une case. Aloïse Sauvage est une multidisciplaire disciplinée.

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publié par le 16/04/20