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publié par Mickaël Adamadorassy le 20/03/19
Alice et Moi
- Frénésie
Frénésie

Le premier EP d’Alice et Moi on l’avait vécu un peu comme une bombe à retardement : il nous avait fallu du temps pour rentrer dans l’univers mais finalement on était devenu accro à la voix d’Alice, douce, planante, avec juste ce qu’il faut de sensualité pour catalyser l’euphorie dans notre casque. Le live avait confirmé que tout ça n’était pas qu’un gimmick de studio et que l’addiction était réelle et justifiée.

Game of thrones

Mais ça c’était avant... En ce début 2019, Alice et Moi sort son deuxième EP, Frénésie, mais elle n’est plus vraiment seule sur ce créneau pop en français avec des influences "urbaines" et une forme de fausse ingénuité dans la manière de mettre en scène sa vie sa story pardon sur Insta. On a eu Angèle qui cartonne, Claire Laffut en embuscade qui affûte son mojo, Thérapie Taxi enchaîne les dates à guichets fermés etc. etc. En fait ça marche tellement bien que ça a fait peur aux défenseurs du bon goût indé. Alors est-ce qu’avec Frénésie, Alice et Moi sort son A Game (ouais moi aussi je fais des anglicismes sans raison) et renvoie la concurrence dans les cordes ?

A flow

Pas de révolution au niveau de la musique, les instrumentaux sont essentiellement basés sur des boites à rythme et des synthés, de temps en temps une guitare électrique qui apporte un vrai plus mélodique. L’originalité n’est donc pas à ce niveau mais on sent quand même une progression, dans la densité du son, la recherche des sonorités. Et ça fonctionne, l’effet planant de la musique d’Alice et Moi, ce côté je vous emmène dans un monde surréaliste est encore plus prégnant.

Côté voix et écriture par contre, il y a du neuf : sur « J’veux sortir avec un rappeur », Alice adopte un flow approprié à la thématique du morceau tandis que le texte s’essaie à jouer avec les mots et les sonorités qui s’entrechoquent, se font écho. C’est très bien fait et ça crée un groove plaisant qui contraste avec le côté planant d’un refrain très pop mais aussi très efficace

Variété

« T’es fait pour me plaire » qui suit nous prend un peu à contre-pied : la musique lorgne sur une sorte de reggae dansant triste tandis que le texte raconte l’histoire d’un mec pas franchement glorieux, du coup on comprend moyennement : "t’es un peu en bad/ en bas de chez moi / moi je suis d’humeur maussade / allez monte on y va ". Un petit passage qui illustre bien les contradictions du personnage : Alice et Moi c’est à la fois cette "fille de la pop" qui veut sortir avec un rappeur et en même temps le vocabulaire, le niveau de langue d’une phrase à l’autre vous rappelle que derrière les mots se cache (ou se libère ?) quelqu’un qui a fait Sciences Po.

Alice ne persiste heureusement pas dans cette veine un peu déprimante : on arrive à « Frénésie » et « Je suis all about you », les deux titres de pop planante de l’EP, pour ces deux-là pas grand chose à critiquer, c’est tout à fait le "fix" qu’on attendait, la voix superbe, même les toutes petites touches d’autotune embellissent le résultat, on nage en pleine extase musicale.

« J’en ai à rien à faire » nous ramène dans un délire très 80’s, vocoder old-school au début, rythmique très linéaire martelée par les claviers et une boite à rythme souvent minimaliste. Le texte joue ouvertement avec le côté narcissique qu’on peut ressentir parfois face aux textes (et au nom même du projet), le résultat est assez drôle et totalement en phase avec l’univers développé dans les deux EPs

Mais...

si globalement on est plutôt heureux avec ce nouvel EP, plus d’une fois les textes ont été un obstacle à l’immersion : "j’veux sortir avec un rappeur" et "t’es fait pour me plaire", on est dans une ambivalence pas forcément judicieuse : ce n’est pas totalement premier degré mais ce n’est pas non plus du second. Cultiver l’entre-deux fait partie de l’identité du projet mais sur ces deux chansons, on ne s’est pas vraiment senti impliqués dans l’histoire. "Je suis all about you", l’anglicisme ne se justifie pas vraiment même s’il est vrai que la traduction littérale n’est pas possible, la langue française est suffisamment riche pour l’exprimer autrement et l’expression n’est pas spécialement iconique pour justifier d’être reprise telle quelle. "J’en ai rien à faire" c’est juste que c’est un peu mollasson comme formulation pour une proclamation de genre, c’est un peu "out of character", chez Thérapie Taxi ils ont osé le "va te faire enculer"et ça passe , Alice nous place déjà des "fait chier" alors on l’aurait suivi sur quelque chose d’un peu moins consensuel !

...Ouais

Qui aime bien châtie bien, on a donc beaucoup châtié, sur les textes, peut-être que ça tient au fait qu’on est pas franchement dans le cœur de cible et que notre histoire avec Alice est totalement improbable mais aucun complexe là-dessus : la musique c’est une histoire de plaisir, d’hormones du bonheur sécrétées par le cerveau et à ce niveau chimique, purement instinctif, on est toujours aussi accro à Alice et moi.

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publié par le 20/03/19