En nous rendant à l’Annexe de la Mairie du 14ème, on réfléchissait au nombre de concerts qu’on a pu faire à Paris, ils se comptent en centaines, mais rive gauche et la réponse est : à peine quelques uns (en excluant Petit Bain bien sûr qui n’est techniquement pas "sur" la rive gauche. Etrange de constater à quel point tout se concentre rive droite. Enfin presque tout car si on est là ce soir c’est pour le festival Musique(s) Rive Gauche qui existe depuis 2021 et qui a eu la très belle idée de mettre à l’honneur Joséphine Stephenson, dont on vous a déjà parlé sur Le Cargo ! pour ses collaborations avec Ex:Re et Daughter mais aussi pour son travail personnel de compositrice et plus récemment son projet "pop", Juneson, dont le tout premier titre est une belle collaboration sur le trés réussi Des Filles de Laura Cahen.
Ce soir on est d’autant plus chanceux que le festival nous propose une seconde représentation d’un concert qui à la base devait être une date unique à Avignon, avec Laura Cahen et le trio Evergreen, accompagnés par un ensemble orchestral jouant des arrangements de Joséphine, qui dirige aussi la formation sur scène.
On ne connaissait pas l’annexe de la Mairie du 14ème et mais pour une "annexe", l’endroit est en fait plutôt majestueux, dans ses proportions comme dans la décoration, de même que la salle des fêtes où se déroule le concert, avec ses immenses peintures et en fond de scène un très beau vitrail tout aussi imposant. Autour des musiciens des guirlandes lumineuses posées à même le parquet viennent réchauffer encore un peu une atmosphère déjà très cosy, et assez différente de la salle de concert pop-rock ; plus proche de celle du récital.
C’est Evergreen qui ouvre la soirée dans une salle déjà bien remplie, où on repère au premier rang quelques visages familiers du concert de Laura Cahen au Trianon, tandis qu’on est assis à côté d’amis du chanteur d’Evergreen. Les musiciens sont donc en public connu et ça se sent dans le volume des applaudissements et l’écoute ultra-respectueuse (même pour Paris)
On découvrait Evergreen qui joue en trio ce soir : Mickaël et Fabienne au chant, les deux membres fondateurs du groupe qui existe depuis une dizaine d’années, accompagnés par Jonathan au piano. Le répertoire est résolument pop, avec un beau sens du groove et des mélodies qui fonctionnement bien, du même que le mélange des voix. Dans cette configuration en trio où c’est le piano qui fournit l’ossature musicale, les arrangements de Joséphine, joués par une formation d’une dizaine de musiciens avec cordes, cuivres et bois, s’intègrent tout naturellement autour de cette base et ne connaissant pas les versions enregistrées on imaginerait sans problème que ces chansons ont toujours été habillées comme cela.
Dans les autres collaborations entre musiciens "pop" et compositeurs/interprètes venant du classique ou du contemporain que l’on a pu voir, il y a différentes approches de l’exercice : certains réinventent de fond en comble les compositions, parfois pour le meilleur comme ce que fait The Colorist, d’autres instaurent un dialogue entre deux éléments distincts, l’orchestre et le groupe. L’approche pour le concert de soir est encore différente : on a l’impression qu’il y a au cœur du travail de Joséphine la volonté de se glisser totalement dans l’œuvre originale, de respecter la personnalité du groupe tout en apportant quelque chose de nouveau, un vocabulaire différent mais qui semble pourtant totalement à sa place, qui raconte la même histoire.
Pour Laura Cahen qui est ce soir sans ses musiciennes et s’accompagne à la guitare acoustique, on connait beaucoup mieux le disque et ses arrangements mais là encore les mélodies, les textures qui l’ensemble déploie autour de la voix et de la guitare de Laura leur donne un nouvel éclairage, sans changer la substance, sans se détacher mais sans disparaitre, un travail d’équilibriste, plein de subtilité pour sublimer, pour offrir beaucoup sans non plus s’imposer dans l’univers d’une autre artiste.
La rencontre entre Laura et Joséphine c’est aussi un morceau écrit ensemble, "Si rien ne bouge", présent sur l’album Des Filles, qui fait aussi partie de la setlist du concert, avec Joséphine qui passe au piano et chante avec Laura et ce sera peut être notre moment préféré de ce très beau concert, quand les deux sensibilités et les deux voix s’entremêlent, toutes les deux sur le devant de la scène et face au public (une des choses un peu dommage est que pour diriger l’orchestte la configuration scénique oblige Joséphine à être dos à la majorité du public)