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publié par benoît le 28/12/08
Frida Hyvönen
- Silence is wild

Frida Hyvönen chante depuis sa clinique, avec un piano enjoué pour seule compagnie.

Silence is wild

Silence de platine

C’est le tableau que pouvait évoquer Until death comes, premier album de la suédo-finlandaise en 2005, recueil de comptines séduisantes mais empoisonnées, faussement naïves et souvent malsaines. Pendant la tournée qui a suivi (notamment au centre culturel suédois en avril 2007, dans le cadre du festival Les femmes s’en mêlent), on a découvert espiègle et séductrice celle que l’on imaginait timide et torturée. Boute-en-train malgré sa voix blanche et ses mots crus, personnalité charismatique accordée sur son jeu enlevé de pianiste, son unique album démontrait qu’elle était déjà plus qu’une n-ième “chanteuse à piano”, ne serait-ce que par Come another night, frétillante friandise néo-soul que la Motown n’aurait pas renié.

Mais Frida est bien trop blonde pour être la fille de Diana Ross ou de Kim Weston - même si sa musique ne manque pas de pi(g)ment. Dans ce nouvel album, il est bel et bien question de clinique, une clinique finlandaise où elle relate un avortement d’un ton désabusé (December). La mélodie rudimentaire et le piano ayant viré bastringue achèvent de donner au récit une morbidité véritablement dérangeante. Un voyage sordide soigneusement encadré des deux pépites pop que sont Scandinavian blonde (son désormais traditionnel revival rhythm’n’blues) et Birds, imparable ritournelle avec violoncelle onctueux, synthé joyeux et choeurs en close harmony. Dernier exercice de style, et pas des moindres, un Oh Shangai écrit sur une gamme pentatonique, où l’on découvre que ses élégantes mélodies sont solubles dans le folklore chinois. Elle est à ce point douée qu’elle peut, à l’instar de Georges Perec et des "oulipiens", s’imposer des contraintes pour doper sa créativité !

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au centre culturel suédois, avril 2007 © vinciane verguethen / le cargo

Compositrice émérite, elle fait preuve d’une sensibilité particulière pour hisser des décors et camper des climats. Tout ici semble éternel, presque figé, comme retrouvé dans la poussière d’un grenier, de l’orchestration délicieusement surannée aux inflexions d’une voix volontiers appuyée mais jamais ampoulée. On pense bien sûr à Kate Bush, qui a la même propension à mettre en scène ses chansons, à presque les surjouer, au point de dialoguer avec les choeurs (écoutez Enemy within en vous souvenant de Army dreamers...). Une Kate Bush dont on retrouve un peu les mélodies amples et complexes sur London, Pony, Science ou Why do you love me so much, qui savent ici ne jamais trop s’éloigner d’une pop accessible, là où la farouche britannique s’égare parfois dans l’ésotérisme.

De la froide folie qui la nourrit, Frida Hyvönen se soigne par l’auto-dérision, avec le détachement de quelqu’un qui n’a déjà plus rien à prouver.

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publié par le 28/12/08