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publié par Nausica Zaballos le 13/09/09
Whatever Works - Woody Allen
Woody Allen

Whatever Works ou l’éloge de la légèreté

Retour aux sources

Whatever Works, nouvel opus de Woody Allen, marque le retour du cinéaste à New York après des pérégrinations espagnoles et britanniques. Les deux précédents films du binoclard intellectuel le plus hypocondriaque du cinéma américain se déroulaient en effet sur le vieux continent. Ils avaient permis à notre bon vieux Woody de s’essayer à des registres cinématographiques différents, délaissant la comédie pour la peinture de mœurs (Le rêve de Cassandre), le drame moraliste (Match Point) et le marivaudage exotique (Vicky Cristina Barcelona). Woody revient donc à ses premières amours en filmant à nouveau la ville qu’il connaît le mieux : New York.

L’adaptation de soi à l’écran

Filmer New York, c’est renouer avec les vieilles obsessions de toujours : les choix et coup de tête amoureux mais surtout la fictionnalisation de soi ou comment le cinéaste puise dans son autobiographie réelle ou imaginée des situations ou traits de personnalité récurrents pour filmer ses personnages. Pour incarner aujourd’hui le double de l’auteur névrosé, il fallait un acteur qui fasse oublier le physique d’Allen mais rappelle sa présence dans chaque plan aux spectateurs. Woody a choisi Larry David, connu des téléspectateurs qui ont pu suivre ses mésaventures de scénariste hypocondriaque, misogyne, obsessionnel et égoïste dans Curb your enthusiasm ( Larry et son nombril pour la version française.) Si les clones de Woody à l’écran, juifs névrosés intellectuels, traînaient dans les clubs de jazz et les Delis new-yorkais, Larry déambulait dans Los Angeles en méprisant la superficialité et l’hypocrisie d’un système duquel il profitait néanmoins. Cependant, malgré les différences géographiques et sociales, Woody et Larry devaient se rencontrer et ne faire plus qu’un. Larry David avait déjà fait une apparition dans Radio Days mais on ne distinguait à l’écran que l’arrière de son crâne ! Si Woody Allen a fait appel à Larry David pour incarner un héros typiquement Allénien, c’est peut-être parce que les deux scénaristes-acteurs ont en commun d’avoir créé et interprété des personnages leur ressemblant à la ville. La fictionnalisation de soi peut donner lieu à une réflexion sur l’introspection comme source d’inspiration pour la mise en scène de récits qui malgré leurs particularismes identitaires possèdent la capacité de prétendre à l’universalité. Cependant, elle peut également tourner à la sérialisation, au recyclage des bonnes recettes qui marchent, donnant ainsi naissance à un nouvel opus, destiné en priorité aux spectateurs qui possèderont les codes narratifs propres au personnage, porte-parole et double de l’auteur.

Un univers typiquement Allénien

Whatever Works utilise toutes les ficelles permettant de créer un lien de complicité entre l’interprète et le spectateur : apartés à la caméra, réflexion à voix haute de l’acteur principal qui commente l’action en train de se dérouler. Le film s’ouvre sur un groupe d’amis attablés à un café. Larry David, interprète Boris Yellikoff, scientifique divorcé cynique qui, après avoir été nommé pour un prix Nobel, enseigne les échecs à de jeunes enfants qu’il terrorise et humilie sans aucun état d’âme. Cynique, il souhaite toujours imposer son point de vue à ses amis qui le prennent pour un vieil excentrique acariâtre. Après une énième prise de bec, il se lève et quitte le café en vociférant qu’il va raconter sa vie aux spectateurs venus le voir spécialement. Ultime fanfaronnade d’un esprit paranoïaque ? Non, juste un moyen de prendre le spectateur, déjà acquis à sa cause, par les bons sentiments. On retrouve aussi tous les thèmes chers à Woody Allen : la mise en scène du New York juif, les questions existentielles, la séduction d’un vieux misanthrope par une jeune femme qui ouvre le héros à la beauté des sentiments...La vie de Boris prend un virage inattendu lorsqu’il se laisse attendrir -même s’il s’efforce de laisser croire le contraire par ses remarques bourrues- par une jeune fugueuse, concentré d’innocence et de stupidité répondant au nom ridicule de Melodie St Anne Celestine. Le soir même où il manque de la piétiner, la jeune femme réussit à le laisse convaincre de l’héberger pour une nuit. Elle finira par l’épouser malgré la différence d’âge et des centres d’intérêts irréconciliables.

Educations sentimentales

Whatever Works est également le récit d’une éducation sentimentale : Boris, divorcé d’une femme sophistiquée, aisée et membre de l’intelligentsia new-yorkaise, se pique d’intérêt pour cette jeune écervelée à qui il tente d’inculquer sa vision désabusée de l’existence. Pygmalion au grand cœur, à la grande surprise de ses amis, Boris fait fi de l’incapacité de son épouse à apprécier les symphonies de Beethoven et les subtilités de la physique quantique. Si Boris croit éduquer Melodie, c’est pourtant elle qui transforme l’échalas au cœur de fer et à la carapace indestructible en chamallow tout mou, prêt à accepter l’intrusion dans son couple, de la mère de Melodie, bigote sudiste, qui, après avoir été abandonnée par son mari, deviendra une artiste branchée vivant en ménage à trois et peignant des nus provocants. Whatever Works livre ainsi une réflexion sur l’attirance des contraires et le plaisir d’évoluer, d’abandonner pour un certain temps ou toujours ses certitudes au contact de l’autre. Whatever Works est surtout une histoire de couples : des couples qui se font et défont au gré des évolutions métaphysiques, religieuses, artistiques et sexuelles des personnages. Avec un seul enseignement : essayer du moment que cela marche !

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publié par le 13/09/09