Dans la foulée de leur troisième album Chamber Songs sorti en septembre 2023, on retrouve avec grand plaisir We Hate You Please Die sur la scène de la Maroquinerie. C’est la première fois qu’on les revoyais en concert depuis le départ de Raphaël et la reprise du chant par la bassiste Chloé. Celle-ci se chargeait de plus en plus de parties vocales sur les derniers concerts avant la séparation, ce n’est donc pas une révolution mais pas évident pour un groupe qui brille par son énergie explosive en live de remplacer un frontman qui se démène autant d’un bout à l’autre de la scène, qui vient communier au corps à corps avec une fosse déchainée , d’autant plus quand on a les mains occupées par un instrument, ce qui vous oblige à rester devant ou pas loin de votre pied de micro.
C’est ce qu’on croyait en tout cas.... parce que dans les faits dès la première chanson c’est un son aussi énorme que d’habitude que We Hate You Please Die envoie avec une bassiste-chanteuse qui a la présence et la pêche pour assumer ces deux rôles. Et c’est un public déjà acquis de toute façon qui répond par un pogo furieux mais pas violent, qui se propage quasiment dans toute la fosse d’une Maro bien remplie et ne s’arrêtera pas jusqu’à la fin du set.
Au chant, Chloé nous semble donc parfaitement à l’aise dans son rôle de chanteuse principale du groupe. Dans un esprit grunge/punk 90’s c’est à dire une voix puissante et plutôt dans les graves/mediums, qui ne cherche pas à faire dans le "mignon" mais à porter la vindicte de textes qui tournent souvent autour de thèmes féministes ("Sorority" évidemment mais aussi "Asshole" qu’on aime beaucoup qui parlent des musiciens condescendants voir pire, du genre à dire "tu joues bien pour une fille") mais aussi de la confiance en soi, des expériences de vie qui cassent et reforgent : "She doesn’t need your validation" affirme "Stronger Than Ever" et ça se sent sur scène .Vous me direz, "valider" c’est un peu ce qu’on est en train de faire mais c’est l’exercice de la chronique qui veut ça et en fait plus que de valider ou comparer, on a plutôt envie de dire que chacun a sa personnalité et on aime les deux. (On vous reparle d’ailleurs rapidement du nouveau projet de Raphael)
Musicalement l’entente entre les instruments fonctionne toujours aussi bien, un savant partage entre la guitare de Joseph et la basse de Chloé pour se partager l’espace sonore, appuyés par la batterie de Mathilde, qui allie puissance et subtilité, fournit une assise sur laquelle le chant semble rebondir pour gagner encore en puissance. La guitare a toujours ces petites trouvailles mélodiques cool et étant seul six-cordiste Joseph déploie ane large palette qui va du son clair claquant et légèrement acide typique d’une Fender, des riffs mélodiques sonic youthien légèrement overdrivés à des rythmiques épiques qui déferlent, en osmose avec le roulement infatigable de la batterie, des phases de saturation bien grasse qui montent progressivement en tandem avec un son de basse bien lourd lui aussi des crescendos bien jouissifs.
Malheureusement ce gros son parfait pour pogoter et profiter de l’énergie du groupe se fait un peu au dépend de la voix de Chloé, qu’on a souvent du mal à distinguer d’autant plus qu’elle est souvent noyée dans la fumée ou un éclairage qui la laisse dans la pénombre dans son coin droit de la scène. Heureusement sur un morceau un invité prend la basse, ce qui lui permet d’investir un peu plus le centre et l’avant de la scène, au contact du public et on se dit qu’il en faudrait un peu plus de titres qui libèrent de la basse et un mix live qui réussit à sonner comme "Surrender" en version studio : extrêmement heavy et en même temps une voix qui passe par dessus dans le mix sans pousser, sans agressivité, ce qui est à la fois cool en soi et par contraste rend plus marquante encore les parties où elle s’énerve.
Pour nous il y a donc encore un peu de boulot, pour le groupe mais aussi pour son ingé son, pour que cette nouvelle incarnation de We Hate You Please Die exprime tout le potentiel de son nouveau répertoire : en effet, le groupe a apparemment choisi de ne jouer aucune chanson de son premier album où figurait Raphaël. Ce qui fait aussi que le concert sera assez court mais ça ce n’est qu’en regardant l’heure à la fin qu’on s’en rend compte, dans la fosse , au milieu du pogo puis légèrement en retrait pour mieux profiter du son, on a vécu quelque chose d’aussi intense que nos précédentes fois avec We Hate You Please Die, on s’est éclatés et on est impatient de les voir revenir à Paris, de voir comment ils vont encore évoluer.