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publié par Mathilde Vohy le 10/03/20
Volo - "Il y a beaucoup de regard sur le temps passé, les enfants qui grandissent et les amours qui mûrissent"

Après les frères Boisnard d’Archimède, nous avions rencontré l’année dernière deux autres fameux frangins de la chanson française : les Volovitch, plus connus sous le nom de Volo. Leur histoire remonte d’abord aux Wriggles, groupe avec lequel Frédéric a d’abord fait ses armes. De cette expérience, de ces apprentissages et surtout de leur indestructible lien fraternel naît le duo Volo. Depuis une quinzaine d’années, Oliv’ et Fredo’ s’imposent comme des artisans de la chanson, loin des effets de style et des panoplies marketing du spectacle contemporain. A quarante ans passés, ils chantent encore le temps qui passe, les amours, les joies, les peines et s‘appellent toujours “mon frangin”. Alors quand on a appris que leur sixième album studio était en cours de création, on s’est dit qu’il serait probablement toujours aussi tendre et honnête. Pour confirmer ces propos, nous l’avons non seulement écouté mais sommes aussi allés à la rencontre des deux frangins qui l’ont créé.

Salut Frédéric et Olivier, au cours de cette interview, nous allons parler de votre prochain album et de la manière dont vous composez depuis une vingtaine d’années. Pour commencer, comment s’organise l’écriture entre frères ? Des tâches précises sont-elles assignées ? Ou chacun fait ce qu’il veut au moment où il veut ?

Olivier : Depuis le début de Volo, la règle c’est qu’on écrit chacun nos chansons de notre côté, texte et musique. Ensuite, les compos intègrent Volo si elles plaisent au frangin. L’exception, c’est que très régulièrement, je peux faire une chanson à Fredo qu’il trouve pas complètement aboutie. Dans ces cas là, il va m’aider avec ses conseils et remarques pour que j’en fasse une chanson plus satisfaisante pour lui et moi.

Frédéric : Il y a très peu de chansons à quatre mains en fait. Il y a aussi des chansons pour lesquelles le frangin n’est pas convaincu lors des premières écoutes. Alors on se donne des conseils, on essaye de retravailler et parfois on finit par revenir en disant “écoute j’ai bien entendu tes remarques mais là, la chanson ne bouge pas”.

Proportionnellement parlant, y a-t-il plus de chansons auxquelles vous ne retouchez pas ?

Oui majoritairement la chanson plaît au frangin et on retouche peu. Après ça arrive quand même de temps en temps qu’on n’y retouche pas parce qu’on tient le bout de notre chanson. Qu’on se dise “écoute j’ai joué le jeu, j’ai tenté quelque chose, maintenant t’en veux ou pas mais moi, je n’arrive pas à y retoucher plus”.

Avez-vous une préférence pour la composition des instrus ou l’écriture des textes ? Où êtes-vous tous les deux à l’aise dans les deux disciplines ?

Pas de préférence, nous aimons tous les deux écrire et composer. Et si on raisonne en termes de thématiques aucun de nous n’est spécialisé non plus spécialisé dans la chanson d’amour ou dans la chanson politique. On est pas chiants quoi ! (rires)

Et cela vous est-il déjà arrivé d’écrire une chanson qui ne plait absolument pas à l’autre ?

Frédéric : Bien sûr ! Mais ce n’est jamais un “absolument pas “. Je me souviens pas que nous soyons battus des heures pour une chanson. Nous avons appris à discuter et à faire des concessions.

Olivier : Quand on a commencé, Frédo avait déjà l’expérience des Wriggles et de ce que la composition en groupe implique. C’est à dire avoir de l’égo mais aussi de l’écoute et savoir ne pas se vexer. On a appris et désormais on a toutes les armes pour que ça se passe parfaitement bien. Des fois je peux arriver un peu fier de ce que je vais montrer à mon frangin parce que je suis persuadé que ça va lui plaire et puis finalement je m’aperçois qu’il n’a pas du tout la réaction que j’attendais. Ca remue toujours mais on se parle et tout se passe bien.

J’imagine que, de toute façon, vous vous connaissez suffisamment pour arriver à vous parler librement et à bien vous cerner ?

Olivier : Tout à fait, ça arrive encore aujourd’hui d’être déçu mais pas vexé. Si quelque chose ne nous plait pas dès le début on réécoute en se disant que le premier avis n’est pas toujours le bon. Par exemple, dans ce nouvel album il y a une chanson qui s’appelle « Joséphine ». Quand je l’avais écrite il y a deux ans et la chanson était tombée sur un Frédo qui qui n’en voulait pas. Pas forcément parce qu’il ne l’appréciait pas mais peut-être parce que ce n’était pas le moment par exemple.

Frédéric : C’est une chanson à côté de laquelle je suis passée, je la trouvais jolie mais je ne m’y retrouvais pas. C’est moi qui suis revenu en disant “au fait, j’ai réécouté ta chanson elle me plaît vachement”. En tout cas quand on a commencé, le fait qu’on soit frères ne rendait pas les règles de boulot différentes. C’est comme si on travaillait entre “collègues”.

Avant le projet Volo, jouiez-vous déjà ensemble ou cette idée est venue sur le tard ?

Olivier : Non, le fait de jouer ensemble est venu assez tardivement. Frédo était à Paris, je suis monté le rejoindre pour mes études. On s’est fait des soirées de frangins où on se jouait des bout de chansons avec un verre de vin à la fin du repas. Puis à partir de là on a travaillé des chœurs, on a joué des chansons aux repas de famille, nos proches ont apprécié et c’était parti.

Frédéric : Ados, on était dans deux sphères différentes. Oliv faisait de la guitare et moi de la batterie. On était dans les mêmes concerts, on écoutait les mêmes trucs mais il n’y a jamais eu l’idée d’en faire un truc sérieux, c’est venu au fur et à mesure.

En parlant des concerts auxquels vous alliez en étant plus jeunes, avez-vous les mêmes goûts musicaux ? Vos influences sont-elles les mêmes ?

Pas exactement mais nous avons été baignés dans la même musique. Il y en a un qui va aimer la folk planante anglo-saxonne et ça ne va pas faire tripper l’autre par exemple. Mais disons qu’il n’y a rien qui irrite profondément l’autre dans ce qu’on écoute.

Je vous pose la question parce que quand j’ai rencontré les frères d’Archimède, ils me disaient qu’ils avaient certaines affinités musicales pas du tout partagées. Un allait par exemple apprécier le RnB alors que l’autre ne s’y retrouvait pas.

Et qui gagne quand ils écrivent alors ? (rires)

Compte tenu de ce qu’ils font actuellement je pense que c’est celui qui n’est pas fan de RnB ! (rires)

©YANN ORHAN

Maintenant, parlons de vos textes. Vous avez le talent d’aborder souvent les mêmes sujets depuis 15 ans sans que les chansons soient redondantes. Comment faites-vous ? Avez-vous déjà eu peur de ne pas réussir à vous renouveler ?

Non, il ne faut pas avoir peur. Des chansons d’amour, ça reste des chansons d’amour . On essaye juste de pas faire deux fois la même chanson d’amour. Je pense qu’on y arrive mais qu’on a surtout compris qu’on faisait des chansons générationnelles. En fait, on ne se pose pas de question parce qu’on grandit avec nos chansons. Ce qu’on racontait à 25 ans est forcément différent de ce qu’on raconte maintenant. Il y a beaucoup de regard sur le temps passé, sur les enfants qui grandissent et les amours qui mûrissent. Et si nous on grandit, notre public aussi forcément. Je ne me dis jamais “ah non chanson politique ou chanson d’amour j’ai déjà fait”, c’est inépuisable comme sujet. Une chanson politique en 2010 n’est pas la même qu’une chanson politique en 2020 et une chanson d’amour à 25 ans n’est pas la même qu’un chanson d’amour à 35 ans.

Et je n’ai jamais eu l’impression d’écouter deux fois la même chanson au travers des albums donc c’est que c’est plutôt réussi ! (rires)

Oui puis comme toi on avance dans nos vies avec nos amours, nos potes, nos gamins, nos bonheur et nos peines. Les angles sont différents parce que nous sommes différents au fil des âges. Et c’est d’ailleurs aussi le cas des gens qui nous écoutent. Le monde qui nous entoure avance de la même manière pour tout le monde au fil des années donc on ne peut pas se tout réinviter pour chaque album.

J’imagine que, de toute façon, tout cela est beaucoup plus naturel que ce qu’on se dit la ?

Oui, puis surtout on ne se dit pas “ah on l’a déjà fait faut pas le faire”. Il n’y a pas non plus de case à cocher. Regarde, notre copain Sarclo chante Dylan ce soir avant nous. Je ne suis pas un spécialiste de Bob Dylan mais heureusement qu’il ne s’est pas empêché de faire à peu près 10 fois une chanson qui parle de la désespérance ! Cabrel, je le remercie de ne pas s’être arrêté à une seule chanson d’amour et Molière de ne pas avoir évoqué qu’une seule fois le sort du valet au milieu de la bourgeoisie. Encore un exemple ? Charlie Chaplin tous ces films sont en noir et blanc, il ne s’est jamais renouvelé le gars ! (rires)

Tu parlais de Sarclo avec qui vous vous entendez visiblement bien, y a-t-il des artistes avec qui vous (auriez) rêvé de collaborer ?

Très bonne question Mathilde ! Je ne pense pas qu’on ait des rêves à ce sujet…

Des envies, plus que des rêves ?

On a eu la chance d’écrire pour d’autres gens et c’est toujours une expérience intéressante. C’est pas un rêve mais quelque chose qu’on apprécie faire. Par exemple on était très contents de collaborer avec Théo Girard ou avec d’autres musiciens peu connus du grand public. J’ai pas vraiment d’envie particulière sinon. Les gens dont j’aime le boulot n’ont pas besoin de moi pour faire des chansons.

Et sans parler de besoin, juste pour le plaisir de partager ?

Mettre en musique un texte de Loïc Antoine ça pourrait être pas mal. C’est pas un rêve mais ça pourrait être sympa ouais. On est fan de personne mais on a beaucoup de copains et copines qui écrivent et composent et sont talentueux. Je n’ai pas trop d’idée comme ça mais si Christina Aguilera nous écrit on acceptera sûrement ! On veut bien lui écrire un petite balade !

Vous lui faites déjà des clins d’œil dans Chanson Française, peut-être que la proposition est parvenue jusqu’à elle !

C’est clair, elle a dû en entendre causer !

Dans cette chanson, vous faites aussi des clins d’œil à Rihanna et autres chanteuses ultra populaires du moment. Quel regard portez-vous sur le monde de la musique contemporaine ? La chanson est-elle purement humoristique ou doit-on y voir un sous-entendu ?

Olivier : Non la chanson a vraiment été écrite pour rigoler de nous. On se moque de nous, quadragénaires, qui faisons encore de la chanson française en 2019, c’est à dire à une époque où, à part toi, la chanson n’intéresse plus grand monde. On ne marche pas sur les mêmes plates bandes que Rihanna et on a d’ailleurs pas envie de ces vies et de cette médiatisation la. Alors ça nous fait marrer de commencer les spectacles par cette chanson. Maintenant bien sûr que parmi tous les artistes qu’on cite dans cette chanson, qui sont en effet que des nanas, il n’y a pas du tout tout à foutre à la poubelle. Il y aura toujours des choses qui vont m’intéresser musicalement parlant. Maintenant ce qu’elles racontent c’est autre chose… Toujours est-il que certaines chansons sont bien composées, bien jouées et bien produites.

Il ne faut pas que Rihanna se vexe si elle entend la chanson alors !

Voilà, si t’as un contact avec elle tu peux transmettre !

Enfin je voulais évidemment parler de votre nouvel album à paraître le 13 mars. Je me demandais, quand on sort un album, qu’est-ce qui est le plus stressant : que les gens qui nous suivent n’accrochent pas ? Que certaines chansons ne marchent pas sur scène ?

On a la chance d’avoir généralement testé les chansons sur scène avant de sortir un album donc nous connaissons déjà l’avis d’une partie de notre public. On a généralement déjà la confirmation que les gens se reconnaissaient dans ce qu’on propose de nouveau. Après on a parfois des retours sur la forme artistique pure en live, des gens un peu gênés par certaines séquences mais à part ça, les compos sont généralement bien accueillies. Quand à la quantité d’albums vendus, on a la chance de faire ce qu’on fait mais on est pas des gros vendeurs de disques donc il n’y a pas de stress de sortie parce qu’on ne s’attend à rien. Ce n’est même pas de la fausse modestie. On est juste conscients de l’état de l’industrie du disque et de ce qu’on représente dedans. On passe de temps en temps en radio mais il n’y a jamais eu la déception de “ah merde je suis pas disque d’or”.

J’imagine qu’il n’y a pas non plus de pression d’une maison de disque ou d’un label qui attendrait un minimum de ventes ?

Non, on choisit nos partenaires pour pas avoir à faire à ces situations. La vraie déception serait que les gens autour de nous nous disent “on aime plus ce que vous faites”, là, ce serait dur.

Testez-vous vos nouvelles chansons sur votre entourage au préalable ?

Olivier : Généralement on le fait mais pour cet album, non. Les chansons étaient déjà finies. Là tu parles du premier cercle famille/potes mais si les chansons finissent dans un disque c’est aussi parce qu’on a réussi à trouver des partenaires professionnels qui estiment que le boulot est assez bien fait pour eux et pour nous. A partir de là on se dit “maintenant on a plus qu’à le défendre”. Il n’y a pas d’attente ou de pression, on est juste là pour défendre le disque au mieux parce qu’on croit en nos chansons et en notre boulot. C’est pour ça qu’on se bagarre.

Frédéric : On est dans une période où on a compris qu’il fallait que les gens sachent qu’un album était sorti. On a eu la chance de signer avec un gros indépendant. On a fait Sans Rire et Chanson Française avec eux et on avait l’impression du coup notre public ne pouvait pas ne pas savoir qu’on sortait un nouvel album. On avait l’impression que le job était déjà tout fait en terme de com et de marketing puis on a revu des gens sur la route qui nous disaient “quand est-ce qu’il sort l’album ?” “il est sorti il y a deux ans mec !”. (rires) Ou alors, encore pire, j’ai passé une soirée dans ma ville avec des potes. Quelqu’un qui ne me connaissait pas mais qui m’a reconnu m’a dit “alors, Volo ca n’existe plus ?”. Cela prouve bien que rien n’est jamais acquis.

A l’inverse, de quoi est-on le plus fier quand on sort un nouvel album ?

Frédéric : Je ne sais pas si “fierté” est le mot adapté. Tu sais, nous, les chansons on les connaît parce que ça fait deux ans qu’on les bosse donc il y a un côté “l’album est sorti on passe à autre chose”. La sortie d’un album, ce pas le début d’un chapitre mais plutôt la fin ! On a hâte qu’il sorte pour s’atteler à du nouveau.

Olivier : En plus, quand on sort un album, il y a eu tellement de réflexions et de discussions intelligentes avec des gens professionnels et de confiance qu’on sait ce qu’on sort.

C’est plus un aboutissement qu’un renouveau ?

Voilà on est un peu blindés. Si quelqu’un qui nous aime beaucoup nous disait “tiens ce nouvel album n’est pas terrible ça ne vous ressemble pas” on serait surpris mais on dirait “tant pis” parce que nous on est sûrs de ce qu’on fait. On sera contents si les gens qui nous suivent trouvent qu’il y a une continuité dans ce qu’on fait mais si quelqu’un ne se reconnaît plus dans le projet, je lui fais un câlin, lui dis d’attendre le prochain album et puis voilà ! Si notre album sort c’est qu’on croit en lui et qu’il représente ce qu’on voulait faire à un moment t.

Super, merci pour vos réponses les garçons ! Avez-vous quelque chose à ajouter ?

Ouais, le copain qui arrange et compose avec nous c’est Alexis Campet. Voilà, c’est dit, merci Mathilde !

P.-S.

Merci au Nouveau Théâtre de Montreuil pour l’accueil et surtout à Fredo et Oliv pour leur temps et ce bel album.

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publié par le 10/03/20