Fut un temps où la frontière entre les albums de Kristin Hersh et ceux des Throwing Muses était parfaitement claire. A Kristin Hersh le minimalisme acoustique et aux Throwing Muses la puissance électrique. Et à ce jeu-là, malgré un gros faible pour les vieux albums des Throwing Muses (les classiques The real ramona et University), on penchait vers Kristin Hersh, inexorablement. Pendant des années Kristin a navigué à vue, au feeling, entre ses deux entités artistiques. Mais voilà, la ligne de démarcation semble se fissurer quelque peu ces derniers temps. Kristin Hersh a sorti un très beau « Kristin Hersh », Clear Pond Road, en 2023 et la voici qui revient en groupe cette fois mais guitare acoustique en tête, avec Moonlight concessions. Deux univers complémentaires se rencontrent enfin, pour notre plus grand plaisir.

rêche

Ceci dit, on se doute que plus qu’une histoire de formule musicale, c’est plutôt une question de personnes (elle est accompagnée au sein des Throwing Muses de David Narcizo à la batterie et Bernard Georges à la basse depuis plus de 30 ans). C’est aussi une histoire de sonorités puisqu’on retrouve sur ce disque le son rêche qui nous avait tant plu sur Sunny border blue (de Kristin Hersh donc) et, élément très important, le violoncelle qui accompagne habituellement plutôt ses disques solo. C’est enfin, on l’espère, une question d’envie. Et de ce côté-là c’est à nouveau très réussi, Kristin étant d’un engagement total dans ses morceaux et l’envie étant communicative, on est très vite convaincus par la formule.

rauque

Sans compter qu’un violoncelle ça change tout. Une guitare acoustique aussi. "Summer of love" l’illustre parfaitement avec cette guitare percussive qu’on adore sur les couplets et les volutes de violoncelle soulignant les refrains. Plus étonnant, "Southcoast" nous montre que c’est aussi largement faisable avec des arpèges. En deux morceaux, avec ce chant rauque-dedans si caractéristique, le sort de l’album est scellé, les morceaux plus introspectifs (le planant "Theremini" et ses envolées de violoncelle, les mélancoliques "Sally’s beauty" et "Moonlight concessions") n’y changeront rien, ce sera un album au dynamisme contagieux (le thé ou café "Libretto", le fier "Albatross", l’indy-sautillant "Drugstore drastic", le sombre "You’re clouds").

mouvant

9 titres d’un album mouvant, entre les lignes. 30 minutes de liberté. En cette période plutôt compliquée, tout programme d’abolition de frontières et de fusions est décidemment à chérir.