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publié par gab le 11/11/04
thou + an pierlé - Européen, Paris - 17/05/2004
Européen, Paris

performant

c’est avec une motivation certaine, et pourtant on manquait la black session d’experience, qu’on se rendait hier soir (17 mai 2004) au concert d’an pierlé. on avait en effet quelques éléments à vérifier de visu suite à notre appréciation en demi-teinte de son dernier album, hélium sunset (chroniqué ici), délivrée à l’automne dernier. il s’agissait notamment de confirmer l’impression, entretenue par un bouche-à-oreille performant, qu’il faut voir an pierlé live pour prendre la juste mesure de ce dont elle est capable et découvrir le potentiel complet de ses morceaux. c’est donc avec enthousiasme qu’on s’installait à l’européen (paris, 9e), petite salle au charme indéniable, dans l’espoir à peine étouffé de se prendre une belle claque. et ça tombe bien puisqu’il se trouve qu’on a un petit faible pour cette salle intimiste qui sied si bien aux univers calmes et sur le fil (tiersen en ’98) mais qui n’empêchera en rien, on le sent, les montées en charge très attendues de "sing song sally" ou "sister". autant d’anticipations qu’il nous faudra mettre de côté (de bon cœur) le temps d’une première partie bien sympathique présentée par an pierlé en personne.

déhanché

il s’agit de thou, un groupe de gand, que défend fortement an pierlé, chose suffisamment rare pour être relevée. combien d’artistes se mouillent encore pour leurs premières parties de nos jours ? et thou c’est tout d’abord un visuel avec un guitariste rythmique en costume, portant mèche et lunettes, un guitariste solo tout en poses (suffisamment sobres tout de même) et aussi une charmante chanteuse à la coupe garçonne (cheveux et costume), la fleur au revers et un joli déhanché ... si on y ajoute une section rythmique discrète (vêtements et attitude) en fond de scène, on obtient une image un peu cliché, certes, mais plutôt agréable de l’ensemble. la musique, quant à elle, colle très bien au décor, un rock efficace, gentiment garage on va dire, avec des effets sourds sur la voix de la chanteuse et des sons de guitare loin d’être propres. une approche pas prise de tête pour deux sous avec des deuxièmes voix tordantes du guitariste rythmique. puis après trois ou quatre morceaux, les choses prennent un tour plus sérieux quand ce même guitariste passe au chant principal, qu’il maîtrise très bien au demeurant, et sa collègue aux deuxièmes voix. la musique en profite pour se faire plus précise, gagne en netteté et en variété de style, on ne s’ennuie pas une seconde alors qu’on ne connaît aucun morceau à la base. ce n’est qu’en fin de set qu’ils retrouvent leur son de départ un peu diffus, sur des chansons très pèchues. et ils terminent en beauté sur un morceau à la delgados, avec un chant à deux voix assez faux mais charmant (morceau très delgadosien aussi musicalement parlant). fin de l’apéritif, passons au plat principal.

gravissime

c’est en formation réduite qu’an pierlé (le groupe) entame son set, avec un jeune homme au violoncelle, an au chant face à nous, sans instrument, et koen, son compagnon, maniant habilement une superbe guitare demi-caisse. an, libre de ses mouvements, nous fait d’entrée de jeu une démonstration de malice et de théâtre sur ce premier titre tout en douceur. elle ne se laisse pas non plus déstabiliser par la coupure de micro à la moitié du morceau et continue ses minauderies en pleine connivence avec le public (de l’avantage des petites salles). cette introduction passée, elle s’installe au piano sur son désormais célèbre ballon ergonomique pour "as sudden tears fall" en formation plus classique cette fois, le violoncelliste devenant bassiste et un batteur se joignant à eux pour compléter le groupe. un groupe très à l’écoute qui gère superbement les ambiances, les montées, les descentes. visiblement très unis, les musiciens sont assis en demi-cercle et se font face, an tourne donc le dos à une partie du public sans que cela pose de problème d’ailleurs, vu l’intensité qu’ils dégagent. après quelques titres de mise en jambes, on entre pleinement dans l’univers d’an pierlé avec "nobody’s fault", sur lequel koen (le leonard cohen belge selon an... et c’est vrai qu’il a une voix gravissime) remplace perry blake au pied levé, suivi du superbe "medusa" puis d’un magistral "helium sunset". ce morceau, déjà magnifique sur album, frappe très fort en commençant avec un filet de lumière dans les cheveux d’an (passée à l’accordéon) pour ensuite révéler une diablesse en furie tout en éclairages indirectes, ça fait presque peur. et elle joue, an, elle nous emporte dans des lieux mystérieux au fond d’une salle qui lui permet aisément de construire son monde tel qu’elle l’entend, du calme inquiétant, comme sur un "walk" transformé par des percussions sourdes et un violoncelle sombre, à la folie furieuse de "sister" en fin de spectacle.

slow

mais on n’en est pas encore là et an s’ingénie à entretenir le spectacle, à donner un ton léger à ses interventions entre les chansons, comme pour contrebalancer la noirceur de certains des morceaux justement, et à faire réagir le public. c’est ainsi qu’elle profite d’un morceau seule au piano ("mud stories") pour se lancer dans une présentation très drôle de ses musiciens et de leur sex-appeal tout en indiquant leurs emplacements vides. ceux-ci lui rendent d’ailleurs bien en revenant lui faire la "surprise" de deuxièmes voix fantômatiques en fin de chanson. un ou deux nouveaux titres plus loin, elle s’assure elle-même de l’ambiance de "sing song sally" en incitant le public à se lever et chanter avec elle sur ce morceau emblématique qu’elle interprète debout derrière son piano. jamais à court d’imagination, elle termine le morceau dans un bain de foule au milieu des applaudissements et remonte sur scène avec deux personnes du public, un jeune homme et une jeune fille, pour, dit-elle, "réinstaller le slow dans le monde". tout un programme. elle leur demande donc de danser et leur conseille fortement de s’embrasser avant d’entamer son propre "kiss me". et ils s’exécutent (pour la partie danse en tout cas), un peu gauches au début, on se demande d’ailleurs s’ils se connaissent, puis ils se détendent un peu, de petites caresses dans le dos et finissent par s’embrasser tendrement. c’est mignon tout plein. et comme eux, an nous tient réellement en son pouvoir, elle mène son show tambour battant, sans temps morts, en nous façonnant selon ses moindres désirs. c’est donc telles de menues marionnettes qu’elle nous embarque sur un dernier titre tonitruant, un "sister" d’anthologie où elle finit par jouer du piano avec le pied, puis le genou, et se retrouve, on n’en attendait pas moins d’elle, debout sur le piano ... rideau.

dépêtre

c’est presque dommage de voir an pierlé revenir sur scène pour les rappels après un tel final et un set aussi intense, d’autant que la tension est quelque peu retombée entre-temps. on la/les retrouve donc pour trois morceaux, disposés en deux rappels, dont une version alternative de "paris s’éveille" avec un petit rythme disco surprenant. c’est amusant certes, mais peut-être un peu trop là ... enfin, je parle pour moi car le public est visiblement ravi (moi je suis vraisemblablement resté planté sur "sister" et je ne m’en dépêtre pas), nullement déstabilisé par les petits excès théâtraux d’an sur ce morceau. cela ne ternit cependant pas le bilan très positif de la soirée et, bien que le set eut sans doute gagné à être légèrement plus court (pour un plus grand impact), à aucun moment les références musicales un peu pesantes sur album ne se sont invitées sur scène ou parmi nous. on a assisté à un spectacle très personnel et rondement mené, et, à n’en pas douter, le bouche-à-oreille autour d’an pierlé a encore de beaux jours devant lui. an pierlé aussi d’ailleurs, surtout si elle continue de si bien soigner son public puisque non seulement elle donne beaucoup dans l’interprétation de ses morceaux, non seulement elle présente elle-même ses premières parties, mais on la retrouve aussi, dès la fin du concert, au stand à vendre elle-même ses cds. et c’est cette an pierlé là, très humaine et attachante, qu’on espère de tout cœur retrouver très présente sur le prochain enregistrement studio du groupe.

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publié par le 11/11/04