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publié par Mickaël Adamadorassy le 04/12/18
Therapy?
- Cleave
Cleave

Cleave est le quinzième album studio de Therapy ? , qui fêtera en 2019 ses trente ans de carrière. Le groupe irlandais, révélé par Troublegum lors de la vague grunge des années 90, prêche depuis avec constance le gros son, les riffs ravageurs et les refrains mélodiques, un pied dans le métal, un autre dans le punk et un troisième dans la pop. Malheureusement sans connaitre le même succès du disque qui l’a révélé au grand public. Mais avec Cleave, Therapy ? retrouve Chris Sheldon, le producteur qui était aux manettes pour Troublegum. Alors est-ce que le fruit de ces retrouvailles* est le grand album qui propulsera à nouveau le groupe sur le devant de la scène ?

Zeitgeist

La question n’est pas simple : quand on parle au chanteur Andy Cairns du succès de Troublegum, il évoque avec modestie le ZeitGeist, c’est à dire l’air du temps, le fait qu’ils étaient au bon endroit au bon moment dans les années 90. Clairement la musique mainstream en 2019 n’est pas le rock mais dans le rock, ce qui marche actuellement c’est plutôt un rock/electro d’inspiration 80’s. Mais on est quand même nombreux à aimer le rock à guitares, mélodique dans l’âme mais porté par des riffs qui font secouer la tête, la preuve en est que Cleave depuis sa sortie se place très bien dans les charts rock.

Draconian times

Les hostilités commencent sans sommation, « Wreck it Like Beckett » vous rentre-dedans avec un bon gros riff d’inspiration metal typique de Therapy ? asséné à l’unisson par la guitare d’Andy et la basse de Michael McKeegan, parfaitement en phase avec la batterie de Neil Cooper, qu’on a critiqué par le passé car il en mettait "un peu trop partout pour nous"mais qui est ici impeccable. Puissant, variant les techniques mais pas démonstratif, il joue exactement ce qu’il faut pour ce morceau vindicatif, au chant souvent plus scandé que chanté.

Le titre fait référence à Beckett qui disait balancer tout ce qu’il y avait sur son bureau au moment de commencer un nouvelle oeuvre. Il s’agit donc d’un nouveau départ mais le titre instille aussi une tonalité sombre qui se retrouve tout au long de l’album, inspirée par la situation actuelle au Royaume- (pas si)Uni, le brexit et le fossé grandissant qu’il a révélé entre différentes composantes de la société. « Kakistocracy » est l’’expression directe de ce constat d’injustice, d’une société qui a choisi d’avancer en laissant des gens derrière. “Is it the end of empathy ? Turn away from the poor, pulling up the drawbridge, I’m bolting the door” (Est-ce la fin de la compassion ? Abandonner les pauvres, remonter le pont-levis et barricader la porte ?) demande Andy sur le pont (du morceau). La chanson n’est pas la meilleure musicalement mais elle montre par contre tout le talent de producteur de Chris Sheldon : multiplication des pistes de voix, des bouts de parole passés à l’envers, overdub de guitare atmosphérique là où les précédents albums se contentaient de rythmiques plus minimalistes.

Dark Dark Dark

Mais avouons-le, quand on écoute Cleave, on a tendance à oublier un peu « Kakistocracy », à cause de son côté plus atmosphérique peut être mais aussi parce qu’il est juste avant le gros tube potentiel du disque : « Callow », le parfait titre power-pop : un riff ultra-accrocheur qui démarre le morceau sur les chapeaux de roue, un couplet qui se calme, porté par la basse et la guitare en palm mute et un super refrain qui explose, reprend le riff avec en plus des paroles qui font mouche : “if you take my demons, you take my angels too”. Simple me direz-vous mais très efficace.

La suite de l’album se tient bien, entre phases atmosphériques sombres et explosions rageuses, « Expelled » avec une énergie très punk, « Success ? Success is survival » efficace avec une sorte de tension harmonique entre le chant et l’arpège de guitare qui retranscrit encore admirablement bien le malaise, l’infection dans la société britannique dénoncée par le disque.

Identité

On continue dans le même esprit pour les derniers titres, typique de Therapy ?, des riffs d’inspiration métal (« Dumbdown ») et punk, des refrains qui arrondissent les angles (« Crutch »). Il n’y a jamais de baisse d’intensité, il n’y a pas de morceau qui donne envie de faire "avance rapide" par contre il faut avouer qu’il y a quand même régulièrement des passages qui font irrémédiablement penser à un disque précédent, souvent Troublegum mais pas que... Mais peut-on le reprocher à un groupe qui a une aussi longue carrière derrière lui ? La frontière entre les points communs, les façons de faire qui constitue une identité et la redite est parfois floue. Pour nous, Therapy ? est encore du bon côté, parce qu’en quinze albums, ils sont allés dans plein d’autres directions, on est loin du groupe qui refait toujours le même disque.

Shine on

On se quitte finalement après 32 minutes (quand on vous disait qu’il y a du punk là-dedans) avec "No Sunshine" qui paradoxalement produit une impression assez lumineuse avec son refrain très pop déroulé lentement. Niveau paroles par contre Andy touche le fond : "My heart is so heavy, my peace has gone".Les albums de Therapy ? n’ont jamais exactement été très gais mais là si la forme musicale n’avait pas une pêche sans faille, si la power-pop ne faisait pas un retour en fanfare dans la musique du groupe, on serait en pleine dépression. Et ça leur réussit bien en fait. Le mélange de cette noirceur dans les paroles et les thématiques et d’une musique qui reste énergique nous donne un des meilleurs disques de Therapy ? . Cleave est un album aux guitares énormes et joussives (c’est une constante chez eux) mais le chant d’Andy est particulièrement soigné, les refrains sont fait pour être fredonnés, l’alternance calme-déchaînement est savamment dosée et on attend qu’une chose : revoir le groupe en live pour s’éclater dans une salle de concerts avec les nouveaux hymnes "thérapiens".

P.-S.

* : les fans vont me hurler dessus si je ne précise pas qu’en fait après Troublegum, Chris Sheldon a aussi produit Semi-Detached, chouette album, le plus pop de toute leur discographie mais manque de bol c’était le moment de la crise du disque, donc ce sont des re-retrouvailles

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publié par le 04/12/18
Informations

Sortie : 2018
Label : Marshall Records

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