Partant du principe qu’il serait extrêmement louche de ne livrer que des chroniques dithyrambiques pour un artiste donné, et ce même si on l’adore là n’est pas la question, ce nouvel ep de The Sleeping Years arrive à point nommé pour mettre quelques glaçons dans notre rosé (faire venir l’été) et aller chercher dans les demi-teintes l’expression de notre rafraîchissement distingué.
famille
Ça a l’air grave dit comme ça, je tiens donc à rassurer tout de suite la famille, Dale Grundle va bien, il sait toujours écrire de superbes chansons, jouer merveilleusement bien de la guitare et poser sa fragilité comme peu d’autres ; seulement voilà, à l’exception très notable du sublime premier morceau ("Setting fire to sleepy towns") la magie arrive moins facilement cette fois à s’imposer à nos oreilles pourtant reposées par quinze jours de vent breton. Vous l’aurez compris c’est de très bonne qualité, c’est même très agréable à écouter mais c’est surtout qu’à force on deviendrait à moitié exigeants mine de rien. Pour résumer brièvement, l’ep Setting fire to sleepy towns serait pour nous un peu en dessous du niveau de l’ep précédent (chronique ici-même). Pourtant tous les ingrédients sont bien présents, pas de doute. L’artwork est tout aussi impressionnant et original, excitant à souhait nos papilles gustatives. Le morceau d’ouverture est à tomber par terre avec ses arpèges délicats et son chant sensible à pleurer, clairement une des plus belles chansons jamais écrites et interprétées par Dale, c’est dire. Et c’est là qu’on se rend compte qu’on n’applique pas vraiment les mêmes critères à tous les artistes, objectifs que l’on est. En effet, pour n’importe quel groupe lambda ce serait déjà pari gagné, tapis rouge et pain-surprise (bon d’accord peut-être pas pain-surprise) mais face à un tel songwriter, on s’attend forcément à ce que l’ep complet soit de ce niveau là et on se rend compte, un peu malgré nous, qu’on ne se contentera pas (ou peu) de moins.
faim
Or le morceau suivant ("The sleeping years") semble vouloir tenir le cap justement, une rythmique de guitare tellement simple et belle qu’elle en devient limpide, des petits accompagnements à la guitare électrique tout doux, un chant savoureux, le tout juste et touchant et puis tout à coup après une minute vingt de bonheur le morceau se saborde inexplicablement et nous on reste complètement sur notre faim. Et voila comment on se retrouve à écrire l’article ultime de la frustration, c’est malin. Et c’est pas fini. Après la frustration, l’injustice. La notre cette fois. Car on le sent venir, c’est une première, on va émettre des réserves sur un morceau objectivement très beau et qui ne mérite vraiment pas ça puisque "Macosquin, Coleraine" possède pour le coup absolument tous les critères pour être porté aux nues (on ne vous refait pas la liste, vous commencez à connaître). Mais voila, chose pénalisante, il aurait comme un air de déjà vu. [hum]. Pas qu’on se prenne pour Dove Attia (en qualité de jury le moins inspiré de la Nouvelle star), même si on en est presque aussi pathétique, nous sommes arrivé à une telle attente de l’exceptionnel chez Dale Grundle que pour peu qu’un morceau reprenne un tant soit peu des recettes qu’il a déjà éprouvées auparavant (les siennes donc, même pas piquées chez d’autres) et nous voila tout bougons. Pathétique vous disais-je. Alors oui, il y a les percus applaudies comme sur l’ep précédent (qui cette fois apportent moins au morceau à notre avis), certes les arpèges nous semblent familiers ; c’est sur, l’émotion est moins bouleversante que sur d’autres morceaux mais est-ce une raison franchement pour bouder notre plaisir de la sorte ? ... perplexité maximale.
irrépressible
Pour la suite de l’ep, c’est plus facile, une musique un peu new-age au synthé qui se suffit à elle-même (avec la bonne idée des petits sifflotements), "Withonlythestarstoguideus" est une plage de transition qui fonctionne très bien pour ce qu’elle est, on n’a pas grand-chose à redire. Et enfin "Kerscaven" pour clore le disque. Dernier morceau qui, comme sur l’ep précédent, ne nous transporte pas plus que ça. C’est calme, c’est plutôt agréable et donc pas si mal pour une fin en douceur. Et de constater finalement que l’appréciation globale s’est jouée sur deux morceaux ("The sleeping years" et "Macosquin, Coleraine"), deux titres à gros potentiel qui en nous laissant quelque peu en bord de chemin auront exacerbé notre irrépressible frustration. On en est les premiers désolés forcément mais nous ne nous laisserons pas abattre par une petite contrariété passagère, on s’en remettra sans coup férir et on attendra toujours avec autant d’impatience les prochains eps et albums de The Sleeping Years. Surtout que d’ici là on a tout le temps de se repasser en boucle "Setting fire to sleepy towns" (le morceau) avec ce mélange d’admiration et d’intimidation face à une énorme démonstration d’écriture et d’interprétation.