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publié par Mélanie Fazi le 11/06/08
Black Session - La Maison de la Radio, Paris
Black Session — -- La Maison de la Radio, Paris

Contexte

Avant toute chose, il faut situer cette Black Session dans son contexte : la chroniqueuse qui vous parle vivait là son premier véritable concert des Kills après deux longues années d’attente (« véritable » car le très bref passage du groupe au Grand Rex lors d’une soirée Arte fin 2005 ne comptait pas vraiment - surtout pour qui n’a découvert leurs albums qu’après). Deux années nourries d’écoutes répétées de “Love is a deserter”, “Cat claw” et autres “Rodeo Town”, sans parler des titres du récent (et formidable) Midnight boom. De quoi enrager de ne pas pouvoir revoir sur scène un groupe qui nous devenait de plus en plus indispensable. Jusqu’à ce soir, enfin.

Studio

Première surprise : ce n’est pas dans ce bon vieux studio 105 de la Maison de la Radio qu’on nous conduit mais dans un plus petit, équipé d’une scène surélevée. Bernard Lenoir invite d’ailleurs le public à se lever pour s’approcher de la scène, puisque l’ambiance promet d’être électrique. Cette session-là, on aurait vraiment regretté de la vivre assis. On se retrouve donc debout contre la scène, à moins d’un mètre du pied de micro de Jamie Hince.

Doigté

Quand la session démarre par “URA fever”, le titre d’ouverture de Midnight Boom, on regrette (du moins au premier rang) que les guitares noient les deux voix, ce qui gâche le dialogue qui fait tout l’intérêt du morceau. Cette impression initiale de bouillie sonore disparaît peu à peu. Mais ce qu’on ressent immédiatement, c’est bien sûr l’énergie que dégage la chanson. Sur scène comme sur disque, le duo Jamie Hince/Alison Mosshart fait des étincelles. Ils sont presque trop beaux pour être vrais, un rêve de groupe de rock aux personnalités charismatiques, où chacun campe un rôle distinct et bien défini. Jamie impassible et concentré, foulard au cou et chapeau vissé sur le crâne, avec son jeu de guitare étonnamment sensuel - on admire la précision du doigté, la manière quasi lascive qu’il a de caresser ses cordes par petits gestes légers. Alison aguicheuse et rageuse à l’incroyable magnétisme animal, qui se perche en bord de scène pour scruter le public, se laisse tomber à genoux au pied du micro et fait les cent pas en attendant le début des morceaux. Toute de noir vêtue à l’exception d’une paire de bottes dorées, ample vêtement flottant sur un T-shirt imprimé, elle adopte une gestuelle tour à tour épileptique et féline.

Osmose

Entre ces deux-là, des étincelles. Des regards de défi. Des moments de complicité. Si chacun reste d’abord dans son coin, ils se tournent de plus en plus souvent l’un vers l’autre et terminent de chanter “Wait” sur le même micro, leurs visages se touchant presque. On songe à un autre concert vu récemment, celui de Jesse Sykes & The Sweet Hereafter, et à l’osmose qui se produit quand Jesse Sykes se tourne vers Phil Wandscher pour laisser dialoguer leurs guitares. Les Kills aussi pratiquent ce jeu-là, mais le chargent d’une tout autre électricité. Peu à peu, l’ambiance s’installe. Il faut attendre “No Wow” pour que la tension monte d’un cran : le public l’accueille avec l’enthousiasme qu’on réserve aux vieilles connaissances et l’on prend alors la pleine mesure de ce qui va suivre. On se rappelle un peu plus tard pourquoi “Last day of magic” et “What New York Used To Be” font partie des chansons les plus réjouissantes qu’on ait entendues cette année. Jusque là, que du bonheur.

Chahut

Et puis, vers la fin du concert, l’apothéose sous forme d’un enchaînement parfait. On devine dès les premières notes de “Cheap and Cheerful” que ce morceau-là va dépoter encore plus que ce qui a précédé - et pourtant, on baigne dans l’extase depuis un bon moment. Dieu sait qu’on s’était méfiés de cette chanson un peu kitsch en découvrant Midnight boom, avant de succomber à sa rythmique guillerette. Sur scène, le résultat est incroyable. La salle s’électrise, la foule amassée devant la scène danse de plus belle, impossible de résister tant la chanson, sa cadence, son énergie s’emparent de votre corps pour l’animer malgré lui. Suivra un “Fried my little brains” qui atteint les mêmes sommets d’intensité. Il y a dans la musique des Kills, sur scène encore plus que sur disque, quelque chose d’orgasmique - il n’y a pas d’autre mot. Sans qu’on sache ce qui provient de la puissance des chansons elles-mêmes ou du jeu sensuel auquel se livrent parfois Jamie et Alison. Tout à la fin de “Goodnight bad morning”, qui sera le dernier titre en l’absence de rappel, Alison accule Jamie contre son pied de micro, lequel penche en équilibre instable, puis elle pique un fou rire en comprenant qu’elle n’arrivera jamais à saisir le micro derrière le dos cambré de son partenaire. S’ensuit un curieux chahut pendant lequel ils frottent leurs guitares l’une contre l’autre pour en tirer des sons discordants, tels deux gosses batailleurs.

Grands souvenirs

Décidément, si ces deux-là n’ont pas inventé grand-chose, ils ont tout compris à l’énergie purement sexuelle du rock. Pour ce premier concert, on avait redouté une déception. Une frustration, plutôt : la crainte d’une session un peu carrée où ces chansons devenues si familières au fil des écoutes auraient perdu de leur fougue. Mais en secret, on avait rêvé que les concerts des Kills ressemblent exactement à celui qu’on vient de vivre. Pour avoir aperçu, dans ce public hétéroclite, pas mal de fans de vingt ans ou moins, on s’est rappelé nos premières Black Sessions onze ans plus tôt, l’époque où l’on se forgeait nos premiers grands souvenirs de concerts en voyant sur scène PJ Harvey ou Nick Cave. Et l’on se dit que pour les jeunes d’aujourd’hui, ça doit être formidable de découvrir le rock avec les Kills.

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publié par le 11/06/08
Derniers commentaires
benoît - le 11/06/08 à 13:37

Woow, les Kills dans le petit studio 106, c’est ce qui s’appelle "convivial" en effet !

frenchydanzer - le 12/06/08 à 17:57
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Belle chronique. Et conforme à ce que j’ai ressenti, encore cette fois-ci bien sur, mais surtout il y a quelques années lorsque, dans ce même studio 106, je découvrais les kills sans avoir le moindre idée de qui ils étaient.