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publié par Mélanie Fazi le 18/09/12
The Secret - Pascal Laugier
Pascal Laugier

Difficile de parler du troisième film de Pascal Laugier, tant il s’agit de l’une de ces œuvres qu’il vaut mieux aborder vierge de toute attente. Au point que le film risque de susciter quelques malentendus. La bande-annonce, en partie mensongère (ce que l’on ne peut pour une fois lui reprocher), laisse attendre un thriller fantastique convenu et cite en référence Le Sixième sens. Or, les deux films n’ont absolument rien en commun, sinon de reposer en partie sur des retournements de situation. (Il est dommage, à ce titre, que le film de M. Night Shyamalan reste dans les mémoires comme « le film au twist final » alors que c’est aussi, voire surtout, le très beau portrait d’un enfant différent.) The Secret, qui portait mieux son titre original The Tall Man, ne relève pas du fantastique, est à peine un thriller et n’a rien de convenu, quelques maladresses ponctuelles mises à part.

À l’agonie

Que peut-on révéler de l’intrigue ? Ce qu’en dit le résumé officiel, à peu de choses près. Après la mort de son mari, Julia Denning (Jessica Biel) a choisi de rester dans la petite ville minière de Cold Rock. La mine a fermé, la ville meurt peu à peu, les habitants mènent des vies mornes dans le meilleur des cas, sordides dans le pire – le film s’ouvre sur l’accouchement d’une adolescente enceinte de son beau-père alcoolique. Depuis quelque temps, Cold Rock est victime d’une vague d’enlèvements d’enfants, que la rumeur attribue à la mystérieuse figure du « Tall Man ». Une nuit, c’est l’enfant de Julia qui est enlevé.

À partir de là, le film ne cesse de nous balader. Il ne s’agit pas d’un de ces thrillers reposant sur l’esbroufe et les effets de manche pour épater le spectateur à bon compte, ni sur des retournements de situation artificiels pour le faire sursauter. C’est la nature même du film et de son propos qui ne cessent de changer sous nos yeux. Le deuxième tiers, à ce titre, est particulièrement déstabilisant : pendant une bonne demi-heure, on ne sait littéralement pas où le film nous emmène, mais on sait que tout est possible, surtout le pire, et que la chute sera certainement douloureuse. Point d’orgue de cette partie, une scène d’interrogatoire marquante par sa sobriété même. Le décor est nu, deux acteurs s’affrontent, on scrute les visages et on cherche à comprendre.

En quête d’échappatoire

The Secret n’est pas sans défauts, certaines scènes frôlent l’hystérie lorsque Julia part à la poursuite du ravisseur ; d’un autre côté, certains passages qui semblaient sonner faux prennent tout leur sens a posteriori. On a la curieuse impression, tout du long, de changer de film toutes les vingt minutes : régulièrement, les enjeux se transforment, les points de vue basculent, et le spectateur ne sait plus que croire, ni surtout que penser. Le dénouement du drame place au premier rang un personnage qui nous avait semblé d’abord très secondaire, bien que ce soit sa voix off qui relate les événements : Jenny, adolescente muette prise au piège d’une existence sans grand espoir, entre un beau-père haï et une mère démissionnaire, et qui rêve d’une échappatoire. Jodelle Ferland qui était, enfant, une actrice très inégale (épatante dans Tideland de Terry Gilliam, atrocement mauvaise dans Silent Hill de Christophe Gans), incarne ici une des plus belles figures du film et promène sa silhouette gracile et ses grands yeux noirs dans un monde en déliquescence où elle semble si peu à sa place. Jusqu’à une conclusion douce-amère qui dit, en quelques phrases, une tristesse et une solitude poignantes. Jenny et Julia sont, chacune à sa façon, les témoins d’un monde qui contraint parfois aux pires décisions pour les meilleures raisons. Décisions après lesquelles il n’y a plus de retour possible.

On sort du film un peu secoué, sans trop savoir que penser du message délivré ici, ou plutôt de la réflexion amorcée. Un peu impressionné aussi de s’être laissé balader de la sorte par un cinéaste qui ose réellement déstabiliser son public. Et quelques heures plus tard, le monologue de Jenny qui clôt le film, l’image de ses grands yeux tristes et l’écho de ses questions nous serrent encore la gorge.

 

 

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publié par le 18/09/12