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publié par Mélanie Fazi le 31/01/17
The OA - Saison 1
Saison 1

Le moins qu’on puisse dire, c’est que The OA, série créée par Brit Marling et Zal Batmanglij et diffusée tout récemment sur Netflix, divise les spectateurs. Y compris, d’ailleurs, au sein de notre équipage : si le matelot Renaud est fan, Micky et moi-même sommes nettement plus partagés, tout en reconnaissant à la série d’indéniables (et souvent passionnantes) qualités, comme nous l’allons démontrer tout à l’heure.

Le premier épisode, exemplaire de bout en bout, est particulièrement prenant. Il se concentre sur le mystère de la soudaine réapparition d’une jeune aveugle, Prairie Johnson (interprétée par Brit Marling elle-même), dont sa famille était sans nouvelles depuis sept ans. Ses parents adoptifs la retrouvent dans un hôpital après une apparente tentative de suicide. Prairie refuse de raconter ce qui lui est arrivé ; outre qu’elle arbore d’étranges cicatrices dans le dos, elle a inexplicablement retrouvé la vue. Si elle s’obstine dans son mutisme vis-à-vis de sa famille, elle se choisit un soir cinq confidents auxquels elle entreprend de raconter son histoire, que nous allons découvrir en même temps qu’eux.

L’empathie des étrangers

S’il faut souligner une qualité en particulier dans The OA, c’est la finesse de l’écriture et de l’interprétation des personnages. Dans sa partie plus psychologique et réaliste, la série frappe assez fort et se révèle régulièrement d’une impressionnante justesse dans ce qu’elle dit sur les rapports humains. Toute la relation entre Prairie et ses parents aimants, qui se sont aliéné leur fille en prenant de mauvaises décisions avec les meilleures intentions du monde, touche à quelque chose qui sonne extrêmement vrai.

Si le fait de se concentrer sur des personnages principalement marginaux n’est pas nouveau en soi, le choix des protagonistes est parfois surprenant. Prairie elle-même se révèle sur le long terme un peu monolithique et moins intéressante que la très belle galerie de rôles secondaires. Dans toute autre série, Steve (Patrick Gibson), la petite brute violente qui devient son premier confident, aurait été présenté comme un antagoniste haïssable, alors qu’on le découvre rapidement plus nuancé qu’il n’y paraissait. Son professeur Betty Broderick-Allen (l’excellente Phyllis Smith), petite souris effacée et brisée par un deuil, aurait pu être grotesque quand elle n’est ici qu’émouvante. Et le thème de la transsexualité, à travers le personnage du jeune Buck (Ian Alexander), est traité avec beaucoup de sensibilité et de subtilité. On pense parfois au superbe Breakfast Club de John Hughes pour la façon de mettre en présence des personnages que tout oppose et qui apprendront à se respecter au-delà de leurs différences.

Plus étonnant encore, le personnage surnommé Hap, magnifiquement interprété par Jason Isaacs, est sans doute l’un des plus beaux antagonistes vus récemment à l’écran, complexe et même étonnamment touchant. Une très belle illustration du principe qui veut que chaque être humain se considère comme le héros de sa propre histoire et juge ses propres actes à travers ce filtre. Hap croit en une cause qui lui semble juste, et pour laquelle il commet des horreurs. S’il est souvent tiraillé par le doute, il préfère se persuader que la cause en question est assez importante pour justifier de franchir certaines lignes – et ce, alors même que l’immoralité de ses actes lui apparaît clairement. La richesse du personnage tient à ce que l’on en vient à comprendre son point de vue, à défaut évidemment de le partager.

Suspension d’incrédulité

Venons-en maintenant au sujet qui divise, et qui tient principalement à la partie fantastique. La réception de cet aspect d’un spectateur à l’autre tient sans doute au rapport personnel de chacun avec ce qu’on nomme la « suspension d’incrédulité » ; c’est-à-dire le processus qui nous pousse, devant des thématiques science-fictives ou surnaturelles, à accepter les postulats qui nous sont proposés, aussi improbables soient-ils parfois. Selon les croyances et la philosophie de vie de chacun, mais aussi selon ses goûts en matière de fiction, on adhèrera aux thématiques abordées par The OA ou on les rejettera en bloc. Toutes les réserves émises au sujet de la série par ceux qui n’ont pas adhéré pleinement (dont la matelote qui vous parle) tiennent à un agacement face au choix de certains thèmes, là où le mystère initial laissait espérer tout autre chose. Agacement qui, avec le recul, prend le dessus sur l’émotion sincère éprouvée en terminant la saison. L’un des fils d’intrigue consacré à ce que nous appellerons, pour ne rien déflorer, les « mouvements » (ceux qui ont vu la série comprendront), s’il n’est pas inintéressant sur le papier, nous a semblé frôler le ridicule dans sa représentation à l’écran. Au point d’amoindrir l’impact d’un final qui aurait pu être de toute beauté, qui l’est même presque – et ce « presque » est rageant.

Une autre réserve mineure tient à une ambiguïté introduite beaucoup trop tard pour convaincre, et qui entend nous faire douter de ce qui a précédé – sauf que la scène, parachutée trop brutalement, semble un peu artificielle, bien qu’elle ouvre sur des possibilités intéressantes.

De l’émotion à l’agacement

Par certains aspects, notamment la découverte d’un lien d’empathie profonde entre de parfaits étrangers, The OA nous a rappelé Sense8, autre série qui divise nos matelots (et que j’ai, pour ma part, trouvée autrement plus bouleversante). La richesse des personnages, la finesse de leurs rapports et la justesse des émotions ne rendent que plus frustrantes les réserves évoquées. À bien des reprises, notamment lors de l’excellent premier épisode, on a eu le sentiment de passer tout près de quelque chose de très fort. Les pistes ouvertes par le final peuvent déboucher sur une deuxième saison surprenante, que nous aborderons avec curiosité mais davantage de circonspection. The OA mérite indéniablement le détour, mais laissera à certains spectateurs un arrière-goût de frustration et d’inachevé.

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publié par le 31/01/17
Informations

Sortie : 2017
Label : Netflix