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publié par gab le 26/10/15
The House of Love - The House of Love -
The House of Love

A l’heure où nos groupes phares du début des années ’90 se reforment tous azimuts (Lush étant le dernier en date d’une longue liste), alors que Ride attend la fin de sa tournée mondiale pour se décider à jouer l’album Nowhere dans son intégralité (et dans l’ordre !!!) en exclusivité pour le public anglais cet automne, alors que Ride (oui, je sais) … le moment semble idéalement choisi pour se demander ce que peut bien ne pas devenir The House of Love et se rappeler du bon vieux temps.

timing

S’il est un groupe qui ne va pas se reformer cette année, rien que pour ça on veut leur déclarer notre flamme, c’est The House of Love. Et pour cause, ils se sont déjà reformés il y a quelques années (en 2005 pour être précis) avec un nouvel album à la clé. Un flop, on peut le dire. Mais il n’y a pas de honte bien sûr, léger problème de timing comme souvent. Déjà à leur grande époque ils avaient (fâcheuse) tendance à faire pas mal de choses à contre-temps. Depuis on connait la recette plus si secrète d’une reformation réussie, mieux connue sous le nom de pixite : se reformer, tourner pendant 10 ans avec les morceaux de sa gloire passée puis seulement sortir de nouveaux morceaux. Ceci dit The House of Love a toujours eu quelque chose du « beautiful loser », ne serait-ce que dans beaucoup de ses morceaux à la mélancolie délicieuse, loin des calculs financiers de ses comparses. Mais je vais un peu vite en besogne. Souvenez-vous, souvenons-nous, souviens-toi, c’était l’hiver 1989, tu venais de passer du côté obscur de l’indé en franchissant la marche incandescente qui séparait U2 des Stone Roses. Un monde entier s’ouvrait à toi et The House of Love, dans un timing parfait cette fois, sortait son hit underground "Shine on". Tu n’étais pas très hit d’un soir, tu étais album et The House of Love, dans un timing toujours parfait, sortait son premier album éponyme à la pochette papillon.

saveurs

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Bon, si vous le voulez bien, on va abandonner le tutoiement collin-mauduit-France-inter, c’est loin d’être pratique cette histoire. Et puis on va rectifier tout de suite. C’était en 1990 (oui, c’est moche de vieillir). Ce n’était pas leur premier album du tout, ce n’était même pas la première sortie de "Shine on", le groupe existait depuis 1986, avait sorti "Shine on" dans l’indifférence générale en 1987 ainsi qu’un album éponyme en 1988. Décidément certains groupes cherchent les complications. Alors que le timing, le timing ! Bref, en 1990, changement de maison de disques, remise des compteurs à zéro : nouvelle version de "Shine on", nouveau disque éponyme (franchement !) et, plus important encore, j’avais déjà passé le point de non-retour Ridesque depuis au moins … au moins … 6 mois. Comme quoi, c’est amusant les saveurs. Car ce disque a bien la même saveur initiatrice que celui des Stone Roses, ce parfum excitant des contrées vierges à découvrir, du dépucelage musical en règle.

solo

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Et quel album ! Souvenez-vous, il commençait par le sublime "Hannah" avec cette lente montée saupoudrée noisy de l’intro, ces guitares lancinantes et ce chant envoûtant. Pour la petite histoire, j’ai été à ce point marqué par ce morceau que je m’étais toujours dit que j’appellerais ma fille Hannah quand l’heure viendrait (il semblerait cependant que l’Obispette qui sommeille en moi ait finalement eu le dernier mot). Puis le morceau s’enchainait magnifiquement avec le single "Shine on" (il s’enchaîne nettement moins bien en mp3, saloperie de lecteur se croit obligé de marquer la pause entre les deux morceaux !). Si vous cherchez le morceau parfait, le voilà. Le riff délicat qui tue à la guitare, le refrain entêtant et classe à la fois, le pont chanté pour relancer le morceau, un bon solo de quatre notes pas plus et ce son de transition eighties/nineties, le meilleur des deux mondes. Ne parlons même pas de cette fin en pointillés. Franchement, on n’a pas fait mieux depuis. Quand je repense aux heures de discussions acharnées quelques années plus tard avec le guitariste de mon groupe (fan de Jimi Hendrix et Frank Zappa bien entendu), c’était ce morceau-là qu’il fallait que je lui fasse écouter ! C’était ça que je voulais, la pureté absolu d’un riff ou solo ultra-simple, la note juste au moment juste (à y réfléchir j’ai bien dû lui faire écouter, forcément). Ce sera bien sur LE morceau phare du groupe. Le type de morceau auquel tous les autres sont comparés. Le type de morceau qui peut vous détruire un groupe fissa (à plus grande échelle, demandez à The Verve et son hit symphonique) ou au moins le maudire pour longtemps.

Shine On (The House of Love)

pistes

Mais n’anticipons pas trop et ne nous arrêtons surtout pas là en ce qui concerne ce disque puisque le reste est de très haute volée. The House of Love enchaîne sur une ode aux Beatles et aux Rolling Stones, qui ne ressemble ni à l’un, ni à l’autre. C’est assez amusant, le groupe sur ce disque n’est jamais vraiment où on l’attend et prend visiblement plaisir à brouiller les pistes. Pour un ou deux morceaux enlevés et accrocheurs, ils en sèment trois ou quatre en demi-teinte. Même "Shake and crawl" et "Hedonist" qui pourraient tout à fait prendre les devants et forcer le galop, restent dans un entre-deux qui leur va si bien. Le groupe possède sa marque de fabrique, son identité. Tout ce qu’il aura bien du mal à retrouver dans les disques suivants. Cette capacité à attendre, faire durer, maintenir une légère tension enrobée de douceur. Un dosage si délicat. Tout ce qu’il faut pour faire ressortir au mieux les perles tardives que sont "In a room" et "Blind". "In a room" d’abord, avec ce fond de guitare acoustique, une rareté à cette période, et surtout cette pop conquérante que seuls les anglais savent produire. Une pop appuyée, presque rock, pas sucrée pour deux sous, avec une voix qui s’éraille sur les bords, mais toujours impeccable et propre sur soi. Du grand art. Quant à "Blind", dans un style opposé de retenue et délicatesse, il parvient à se hisser au même niveau et rejoint naturellement les classiques intemporels qui vous accompagnent longtemps. Entre humilité et leçon de vie, ce morceau baigne dans une lumière tamisée qui donne à l’auditeur, ça ne fait jamais de mal, une profondeur inespérée.

nature

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La suite des aventures de The House of Love est, vous l’aurez compris, un peu en deçà. Le groupe ne réussira jamais à renouveler l’exploit d’un disque aussi homogène et fort que celui de 1990. Ils n’auront plus non plus de morceau aussi évident que "Shine on". Les guitaristes se succéderont les uns aux autres au sein de la formation et plus rien ne sera vraiment comme avant. Notre intérêt pour le groupe ne s’évanouira pas non plus instantanément. On a une émotion toute particulière à la réécoute de Babe rainbow (1992) qui contient une pelletée d’excellents morceaux. L’inconvénient étant qu’à aucun moment sur le disque ils n’ont réussi à retrouver l’émotion qu’ils ont pu faire passer lors de leur Black Session. C’est comme s’ils avaient voulu changer leur nature, laisser derrière eux leur mélancolie latente, leurs émotions à fleur de peau pour un disque plus percutant et rock’n’roll. Ça marche, le disque est plutôt bon, mais ce n’est plus vraiment The House of Love. Quand vous réécoutez la black session et les versions acoustico-ralenties de "Crush me", "You don’t understand" ou "The girl with the loneliest eyes" vous vous demandez pourquoi ce ne sont pas ces versions si bien senties qui sont sur le disque. Même les interruptions des flashs info annonçant la catastrophe de Furiani ne parviennent pas à casser l’ambiance (le passage au numérique aura cependant permis d’aménager au mieux notre plaisir coupable), juste à amputer les deux superbes morceaux que sont "Hannah" et "Philly Phile" (un vrai regret pour ce dernier, l’entame est magnifique). Ceci dit ne boudons pas trop notre plaisir des enregistrements studios et notons tout de même que "Feel", le single extrait du disque, fonctionne particulièrement bien.

Feel (The House of Love)

vue

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Le groupe reviendra une dernière fois (avant reformation s’entend) en 1993 avec le disque Audience with the mind et l’écart entre disque et scène se fait encore plus criant. On a beau n’avoir que trois morceaux acoustiques enregistrés chez Lenoir, tout est là. Impossible de résister à "Shining on", "Call me" et "Audience with the mind", morceaux saisissants ainsi dépouillés guitare-chant. Que dire du disque sinon qu’on ne reconnait plus vraiment le groupe que ce soit au niveau son ou au niveau composition. Quelques morceaux font leur effet quand même, "Erosion" notamment avec sa fixation eighties très marquée. On y retrouve bien sur les trois morceaux mentionnés plus haut mais avec une bonne dose de magie en moins. Comme s’ils avaient été émoussés au passage. C’est donc sans véritable regret qu’on les perd de vue à ce moment-là.

reprise

Quelques années plus tard, une première reprise de contact se fait au travers d’une compilation des morceaux de la période Creation (leur première maison de disques avant Fontana) intitulée sobrement et plutôt explicitement 1986-88. Ce n’est d’ailleurs qu’à cette occasion qu’on découvre la pré-vie du groupe avant l’album papillon. On avait bien eu quelques indices via la black session ("Hope") et les morceaux que passait Bernard Lenoir ("Christine"). L’occasion donc de retrouver un assez incroyable "Real animal" (qui à lui seul justifie l’achat du disque) montrant une autre facette extrêmement rare du groupe : une agressivité et une fougue adolescente qui nous font encore tomber de notre fauteuil aujourd’hui à chaque écoute. Les collectionneurs et/ou fans absolus retrouveront aussi les premières versions (qui font donc office de brouillons) de certains morceaux de l’album papillon. Les autres peuvent passer leur chemin tranquillement (après avoir remis une bonne dizaine de fois "Real animal" bien entendu).

trou

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Ce qui nous amène à la reformation du groupe en 2005 et l’album Days run away. Un album vendu comme la réunion tant attendue de Guy Chadwick et Terry Bickers, le guitariste historique du groupe. Un album vite délaissé et qui dix ans après se trouve au rayon archives (dans un carton au garage donc). Le souvenir qu’on en a est celui d’une absence flagrante d’inspiration et d’une approche feu de camp / retrouvailles entre amis peu attrayante. Bref d’une bonne grosse déception. A le réécouter en 2015, on retrouve bien sûr ces deux aspects (le côté feu de camp venant de l’usage abusif des deuxièmes voix), en un peu plus sympathique tout de même. Ce n’est évidemment pas un grand disque mais ils ont au moins eu la présence d’esprit de ne pas s’auto-parodier. On se trouve au final avec un disque bien plus classique/beatlesien que ce qu’ils pouvaient faire au départ. Ça surprend bien sûr mais ce n’est pas si désagréable. Parfois ça marche bien ("Gotta be that way"), parfois non ("Maybe you know", "Already gone"). Ça s’écoute en tout cas. Deux morceaux parviendront à creuser leur trou et faire une vraie impression ; "Days run away", son gimmick de guitare à la James (c’est un comble mais, rien à faire, il y a bien du "How was it for you" là-dedans) et son refrain ultra accrocheur ; "Kit Carter", le moment inspiré du disque avec des riffs enlevés et un double chant qui étoffe le morceau plutôt que de le déclasser. Même pour un morceau, c’est toujours un grand plaisir quand The House of Love retrouve un peu de sa classe d’antan.

Kit Carter (The House of Love)

avenir

The House of Love ne se reformera donc pas cette année. En me replongeant dans les méandres du net pour écrire cette sans doute trop longue missive, je découvre assez stupéfait qu’il y a même eu un nouveau disque en 2013. La nouvelle n’est visiblement pas parvenue jusqu’en France ce qui ne laisse pas présager d’un avenir glorieux mais que voulez-vous, underdog un jour, underdog toujours (oui, bon, sauf la période 1988/1990 on va dire). Va peut-être falloir qu’on jette une oreille dessus pour être sûr … sûr de ne pas passer à côté du retour en grâce de Guy Chadwick, un des tricoteurs de chansons les plus doués de sa génération. Avouez que ce serait ballot.

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publié par le 26/10/15