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publié par gab le 21/04/05
the field mice - the field mice -
the field mice

circonstances

On est bien peu de choses ... j’ajouterais même qu’il est des concours de circonstances qui vous illuminent un week-end, et sans doute le printemps à venir, même si un soleil radieux ça aide aussi, indubitablement ... Voici donc les faits : vous sortez du boulot une heure plus tôt que d’habitude par un vendredi ensoleillé. Depuis quand ça ne vous était pas arrivé ? Des mois ... des années ? Une heure trente de transports dans un coltard monumental, fin de semaine oblige, et puis, alors que vous êtes sensé rentrer rapidement, faire les bagages et sauter dans la voiture pour un week-end champêtre, vous voici à nouveau attiré par ce petit magasin de disques d’occasion en bas de chez vous. Or, une fois n’est pas coutume, rentrer plus tôt cela a du bon, il est ouvert. « J’y vais, j’y vais pas ... allez, une minute juste pour se faire une idée ... pas l’temps ... bon juste une minute alors » ... vous cédez lamentablement, mais sans trop de surprise, à votre petit diablotin. En réalité vous y êtes déjà entré une fois, un samedi, et vous aviez eu la surprise d’y voir en tête de gondole le cd de Hopper, a tea wih d, élément intrigant dans ce genre d’endroit de seconde main. D’où la tentation quelques jours plus tard : se pourrait-il qu’il existe au fond de ces bacs quelque pépite attendant patiemment votre heure ?

rangée

Tactique. Habituellement dans ces endroits là il faut être exhaustif, méthodique, rangée par rangée, tous les cds sans exception, les jaquettes kitschs de Julio Iglesias, les cinq exemplaires du dernier Phil Collins, rayon par rayon, et au final, peut-être une surprise de taille. J’ai un jour vu un cd d’Emma perdu, seul, au milieu d’une marée d’immondices ... et je ne l’ai même pas sauvé, ingrat que je suis, je l’avais déjà (le remords m’étreint encore) ... appel de la perle d’accord, mais vu le temps imparti : tactique. Vous vous fixez une limite de deux rangées et si tout va bien dans deux minutes vous êtes dehors. Technique de l’échantillonage, le bon vieux sample. Mais pour ne pas s’en remettre uniquement au hasard (les premières rangées ne semblant pas particulièrement attirantes), direction le fond du magasin, vous tapez aux alentours de l’endroit où vous aviez repéré le Hopper, s’il y en a eu un, il y en a peut-être d’autres. D’un geste ferme et assuré qui en a vu d’autres, fip flip flip flip, les cds basculent alors que vous vous frayez un chemin vers le fond du bac. Première pause, Ekova, heaven’s dust. Pas mal. Vous l’avez déjà en version officieuse, des mp3s repiqués au collègue de bureau qui vous a fait découvrir, c’est l’occasion, 4 euros 90, tentant ... fin de la première rangée. Allez, extension automatique de la définition de rangée. Une rangée, alignement en profondeur de cds selon un axe clairement établi, s’appliquant à tous les étalages superposés. Vous passez donc allégrement à l’étage supérieur. Re-flip flip flip. Fin de rangée, plus de bac superposé. Hésitation avant d’entamer la deuxième rangée, gauche ou droite ? Coup d’œil à droite, coup d’œil à gauche, une main dans chaque, toujours au deuxième niveau. Sigur Ros à gauche, gage de qualité, ce sera la gauche donc. Vous laissez Sigur sur place, le fœtus trône déjà fièrement sur vos étagères. Une longue descente, saut d’étage. Tiens, Cat Power, What would the community think, un must absolu ...

coastal

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Questions. Qui peut revendre ça, de son plein gré, un beau matin ? Un acouphénique déprimé ? C’est une possibilité. Un voyageur invétéré en manque d’argent et de place dans ses bagages ? Etonnant vu le prix de rachat de ce genre de concessions. Un mordu de cédéthèque virtuelle, ordinateur et lecteur de mp3s en bandoulière ? Souhaitons lui bien du courage et de regrets lors du prochain crash de son disque dur et du vol de son ipod ... un doute s’installe d’un coup. Trois disques de qualité, non-grand-public, en deux rangées ... ... ... des cds volés ! ... L’horreur ! ... Le cauchemar tant redouté, rentrer chez soi après un long week-end et trouver sa porte forcée, son ordinateur envolé, ses cds patiemment collectés sur 15 ans revendus au kilo dans un magasin d’occases, ses guitares dans un autre du même genre achetées par des boutonneux pour jouer du Cabrel au coin du feu ... le pire scénario imaginable. Dégoût. Vous ne pouvez pas décemment faire ça à cette pauvre personne. Vous allez reposer l’Ekova comme vous souhaiteriez qu’on le fasse pour l’un de vos petits, solidarité oblige. Et puis machinalement vos mains flipflappent toujours alors que votre esprit s’insurge. Stop. Arrêt brutal. Coastal. Vous avez failli le louper, une pochette uniforme, beige, « coastal » en bleu au milieu. Se peut-il que ce soit le Coastal ? Celui de vos 17 ans où vous vous éveilliez à la vie en allant de découvertes en découvertes, Ride et House of Love, Pixies et Stone Roses ? Celui en face b du premier Little Rabbits sur votre k7 maison de l’époque ? Celui dont vous n’avez jamais même vu la pochette puisque repiqué sur une autre k7 maison ? Celui des marches solitaires, mentalement pluvieuses, de votre spleen étudiant ? Celui du charme déchirant de "So said Kay", "Sensitive", et de "Between hello and goodbye" ? Celui que vous rêviez de recroiser un jour au détour d’un bac justement ?

beige

La tranche. « The Field Mice Coastal ». Raaaaaaah ... perte de contrôle momentanée, plus rien ne répond ... 2 euros 90. Raaaaaaah ... vous chancelez, vous adressez des excuses silencieuses à la pauvre âme dérobée, vous ne pourrez résister. La deuxième rangée se terminera d’ailleurs ici pour vous, trop troublé, vous n’irez même pas au bout. Dernier test pour être sur que vous ne rêvez pas, les titres. Les titres ? Vous sortez la jaquette. Le revers est beige, désespérément beige. L’intérieur désespérément blanc. Le fond du boîtier, un « The Field Mice » bleu et solitaire. Votre vue se brouille, pour les titres on verra plus tard, un pas vers la caisse, un billet de 10 euros. De longues minutes à attendre que madame retrouve les cds (les boîtiers sont vides bien entendu). Vous sortez léger malgré les doutes. Et si c’est un deux titres promotionnel ? Pas possible. Et s’il est rayé ? Non, non ... La suite est confuse, les bagages, la petite famille, le départ et vous glissez le cd dans le mange-disque de la clio, il fait beau, votre cœur va s’arrêter et puis les premiers arpèges clairs de la guitare électrique, la deuxième arrive, le reste des instruments, un soupir de soulagement, "September’s not so far away". Et cette voix si caractéristique, et cette deuxième voix féminine ! Raaaaaaah, trois fois raaaaaaah. Le bonheur tout simplement. Where d’you learn to kiss that way, le violoncelle, la mélancolie, "So said Kay", la nostalgie s’installe, c’est obligé, c’est nécessaire, c’est délicieux. Et ça s’étire, ça dure ... fade-out ...

le printemps sera triste ...

La basse. S’il est un élément important chez les souris des champs c’est cette basse si délicate, si triste. La voici qui lance "The last letter" mais elle transcende aussi ainsi la plupart des morceaux. Avez-vous déjà entendu une basse si expressive ? Pas sûr. Et les incursions noisy-pop, "Sensitive", les guitares saturées qui remplacent les arpèges sans rien enlever du spleen, sans dénaturer le trouble. Et cette voix, cette voix ! Bien sûr le son à un peu vieilli depuis 1990, ce son de batterie, "This love is not wrong", les nappes de synthé, "If you need someone", juste ce qu’il faut pour nous transporter dans le temps. Une nostalgie saine qui donne la pêche et le sourire, "Anyone else isn’t you", dire que vous pensiez ne jamais remettre la main dessus. Et ils remettent ça, eux ; toujours cette basse, toujours ces guitares incomparables et ce chant d’une douceur désarmante, "Couldn’t feel safer". On entre dans une sphère nouvelle, "Let’s kiss and make up", une longue intro, ce son électro baladeur en fond, 2mn30 le chant arrive, enchanteur ... I could never hate you ... l’exploration continue avec "Below the stars" et son synthé façon choeur, extraterrestre. On reste dans la phase aérienne avec "Quicksilver", son sublime dearly I would love ... to see you again et sa rengaine semi-clavecinique. "When morning comes to town" voit le retour attendu des deuxièmes voix féminines sur une mélodie charmante sans pour autant être naïve. Pour conclure, le final tant espéré, celui dont vous osiez à peine vous souvenir. Une chute en deux temps. Un "It isn’t forever" majestueux où la batterie, souvent légèrement en retrait, vient rivaliser avec la basse, toujours aussi ronde et sensible, et les attaques de guitare. Des parties instrumentales fortes entrecoupées de repos anté-tempêtes chantés. Une montée en charge progressive de l’intensité du morceau puis une fin sous un déluge de guitares noisy « grande époque ». Fantastique. Enfin le deuxième temps annoncé, une balade magique à deux voix et guitare sèche : "Between hello and goodbye". Un rêve vous dis-je ! On est bien peu de choses, c’est sûr ...

... délicieusement triste ...

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publié par le 21/04/05
Derniers commentaires
Ilang - le 28/04/06 à 13:06
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Petit émotion similaire dimanche dernier dans le troc et puces d’un petit bled de campagne. For Keeps était à 1 euro. Apparemment une maman qui voulait se débarasser des cd de son gosse devenu bien grand maintenant. Se trouvaient dans la pile sous le disque de Field Mice : house of love, inspiral carpets, xtc, the la’s, ride, tout à 1 euro bref une grosse bouffée de flashback de mes 17 ans.

Low - le 04/05/06 à 22:28
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Salut,

Je viens, il y a quelque jour de découvrir ce groupe avec leur chanson ’When Morning Comes To Town’. Et je dois dire qu’elle est vraiment superbe, elle vous emporte par sa légèreté.
Je voulais savoir si l’album est un peu dans cette même mélancolie ?
Et où pourrais-je me le procurer ?

Merci d’avance et l’article est génial.

gab - le 09/05/06 à 14:45

Tiens les inspiral carpets, je remettrais bien la main là-dessus aussi.

Sinon pour la mélancolie de l’album, oui, oui, cet album est le must absolu au niveau mélancolie, tu peux foncer. Maintenant où se le procurer, j’en sais trop rien.

Merci pour vos commentaires ...