Raconter ce concert de The Black Heart Procession, c’est un peu un crève-cœur : j’adore ce groupe sur disque et leurs deux précédents concerts parisiens (à la Maroquinerie et à Mains d’Oeuvres) sont de très très bons souvenirs pourtant ce soir la prestation en duo de Pall Jenkins et Tobias Nathaniel m’a laissé une impression quand même mitigée. Mais vu les efforts qu’ils font et leur talent j’ai presque un peu honte de l’écrire.
On peut en effet difficilement leur en vouloir : le jeu de Tobias au piano, cette fois-ci un vrai piano et non pas un clavier de scène, est toujours aussi bon et comme d’habitude je suis resté un moment scotché sur lui, à regarder ses doigts aller de touches en touches et donner vie en quelques notes qui ont l’air si simples aux mélodies poignantes du groupe. Il donne toujours cette impression de timidité un peu autiste mais on sent quand même que derrière il y a un personnage beaucoup "joyeux" que ce que la musique de The Black Heart Procession pourrait laisser supposer.
Et il faut dire qu’à deux, baignés dans le rouge total d’un éclairage très dépouillé, quand il n’est pas juste pénombre, avec un public qui écoute dans un silence... religieux, le côté solennel, désespéré parfois, de la musique du groupe ressort parfaitement, The Black Heart Procession semble n’avoir jamais autant mérité son nom, on a l’impression par moment d’assister à une messe ou un enterrement en rouge.
Dont le maître de cérémonie serait Pall Jenkins. Sa performance vocale ressort d’autant plus dans cette formule dépouillée, et il impressionne de maîtrise, chantant le plus souvent assez du loin du micro mais sans jamais manquer de puissance pour faire vivre chaque syllabe et insuffler les émotions dans chaque note, la voix se joue comme un instrument, on suit ses creux et ses montées et on voyage avec elle.
Et là on arrive au seul problème : dans ce voyage, on a vite l’impression de voir sans cesse les mêmes paysages : les choses qui ne se remarquent pas dans une formation avec plus de musiciens deviennent vite flagrantes : certes le jeu de piano de Tobias est beau mais il est à peu prêt le même sur chaque morceau, la scie musicale qui pimente habituellement les morceaux, lasse un peu en devenant aussi centrale. Sans rythmique et sans arrangements supplémentaires et avec le choix de setlist fait, on a rapidement l’impression d’entendre un peu toujours le même morceau, ou en tout cas d’être toujours dans la même ambiance sous cette lumière qui n’en finit pas d’être rouge.
Mais une fois encore on a du mal à faire des reproches aux deux musiciens, qui font vraiment des efforts pour faire fonctionner cette formule à deux : Pall se risquera à chanter un morceau a capella, appuyé sur le piano de Tobias et quand il ne joue pas de la guitare ou de la scie musicale, il fait l’effort de se lever et d’essayer d’occuper un peu la scène. Le rappel avec Tobias à la guitare pour quelques "classiques" du groupe sera aussi de très grande qualité mais donc on restera un peu sur sa faim parce qu’on sait à quel point The Black Heart Procession est génial en live en configuration "groupe" et que le concert de ce soir s’il montre le talent de Pall et Nataniel et qu’il offre de beaux moments n’aura pas été aussi bien que les précédents. Après est-ce qu’on reviendra la prochaine fois ? Fuck yeah !