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publié par Mélanie Fazi le 05/11/10
Suzanne Vega - Théâtre Marigny, Paris - 04/11/2010
Théâtre Marigny, Paris

Entre deux

Peut-être est-ce d’avoir trop souvent vu Suzanne Vega sur scène et de commencer à connaître un peu trop la formule, mais ce concert au Théâtre Marigny nous a laissé une curieuse impression d’entre deux. D’un côté, des morceaux qui ronronnent sans vraiment décoller, voire quelques ratés - un “Caramel” un peu bancal, “Frank & Ava” qui ne convainc pas plus sur scène que sur disque, ou une version de “Tom’s Diner” aux arrangements approximatifs qui rappellent que c’est avant tout une formidable chanson a cappella, bien que ce soit un remix (auquel cette version fait référence) qui ait assuré son succès. De l’autre, de purs moments de grâce où l’émotion vous cueille sans prévenir dès les premières mesures de tel morceau préféré. Suzanne Vega annonce avoir déterré quelques « vieux morceaux intéressants » en préparant cette tournée, et l’on est tout ébahi d’entendre pour la première fois “Ironbound” en live : superbe évocation d’un quartier new-yorkais aux accents exotiques dont le mystère et l’ambiance sont intacts, conclue comme sur disque par l’étrange comptine “Fancy Poultry”. Une version étonnante de “Blood Makes Noise” en duo voix et basse qui réussit à retranscrire l’atmosphère lourde et inquiétante de la version électronique d’origine. Ou plus loin dans le concert, au moment du rappel, un enchaînement parfait de deux de ses plus beaux morceaux, “In Liverpool” et “Rosemary”, dont l’intensité tranquille vous prend à la gorge.

Acoustique

On l’a connue plus aventureuse et plus surprenante : on se rappelle notamment un autre concert autour de la même formule en duo basse/guitare qui revisitait davantage son répertoire, ou encore la tournée Nine objects of desire où la présence d’un groupe insufflait aux morceaux une fabuleuse énergie. Cela dit, cette tournée-ci étant censée accompagner la sortie des albums Close-up qui reprennent certains de ses classiques en version acoustique, le concert est finalement plutôt proche de ce qu’on attendait. Un peu trop, sans doute. On aurait aimé moins d’incontournables et davantage de surprises. Mais les morceaux sont là, toujours aussi forts, et sa voix et son talent de conteuse font le reste. Certains paraissent un peu mécaniques, et le discours qui les présente un peu trop expédié - mais d’autres se posent et s’installent, et alors même qu’on commençait à se lasser un peu, une émotion pure nous saisit soudain. D’où cette impression d’un concert bancal qui tourne un peu en rond mais où tout peut pourtant arriver.

Chemin parcouru

Le plus touchant dans les concerts de Suzanne Vega provient peut-être moins des morceaux eux-mêmes que du public qui semble entretenir avec sa musique un rapport très fort - il faut entendre pour s’en convaincre les applaudissements qui ne manquent jamais d’accueillir les premières notes de “The Queen and the Soldier”. Il en est certainement beaucoup, dans ce public, que ces morceaux accompagnent depuis vingt ans. Beaucoup aussi qui ont comme nous grandi avec Solitude standing depuis l’adolescence. En live, sa musique se teinte de la couleur des souvenirs de chacun. Pas de cette nostalgie qui nous fait apprécier des choses qu’on trouve objectivement médiocres, plutôt celle qui rappelle un chemin parcouru en compagnie d’une musique dont on redécouvre sans cesse les richesses, et de textes dont les subtilités se dévoilent au fil des ans.

Envies paradoxales

C’est peut-être pour ça qu’on y revient chaque fois. Avec des envies paradoxales, l’espoir d’entendre certains classiques et celui d’être surpris. On espère secrètement entendre un jour “Wooden Horse”, on reçoit à la place “Ironbound”, autre grand moment de Solitude Standing, et c’est tout aussi magnifique. Et on sait que la prochaine fois aussi, on sera là. Et la suivante. Et la suivante encore...

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publié par le 05/11/10