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publié par Mickaël Adamadorassy le 15/09/17
Susanne Sundfør - Les Trois Baudets, Paris - 14/09/2017

On ne sait pas pourquoi Susanne Sundfør n’avait pas fait de concert à Paris depuis cinq ans. Et apparemment elle non plus : pendant les petites respirations entre les morceaux, elle parle un peu des thématiques des chansons, s’essaye même à quelques mots de français, tente de glisser une note d’humour par ci par là. Elle évoque aussi son amour pour Paris et on apprend qu’elle y vient souvent pour "faire des choses", mais pas de concerts... . Son album précédent Ten Love Songs (2015) figurait dans nos disques de l’année, en particulier pour la superbe Accelerate, et la tournure plus electro des compositions s’accompagnaient de nouvelles façons d’approcher le chant, peut être moins virtuoses mais tout aussi efficaces. On aurait beaucoup aimé voir comment elle retranscrivait tout cela en live... mais ce ne sera pas ce soir aux Trois Baudets.

Dans un aussi bel écrin, en configuration assise, la formule intimiste s’imposait tout naturellement. La setlist fait la part belle au piano acoustique et à un vrai Fender Rhodes, pas juste le son du Rhodes joué sur un Nord electro rouge comme on en voit désormais partout, mais l’énorme “machin” avec son ampli intégré. Pour avoir passé le concert juste devant, c’est un régal de l’entendre à volume live, le son est malaxé en profondeur par les vibrations du tremolo, l’echo vient encore le grossir pour créer quelque chose de massif, une construction sonore animée d’un mouvement perpétuel. Néanmoins, malgré tous ces effets, la musicienne réussit à faire en sorte que la trame jouée par le piano reste perceptible, qu’on distingue toujours le rythme et les progressions d’accords. La grande nouveauté sur scène et sur le dernier album Music For People in Trouble, qui vient de sortir en France (Bella Union/[PIAS]), ce sont les quelques morceaux à la guitare, un instrument que Susanne maîtrise tout autant que ses claviers, mais si les sonorités changent, la manière d’écrire, le rythme insufflé aux mots reste proche de ce qu’elle fait au piano, on serait curieux de voir ce que ça donnerait avec une approche plus folk de l’instrument.

Mais le plus beau c’est bien sûr la voix. Le très bon son des Trois Baudets, le silence religieux du public, la configuration scénique très dépouillée avec un éclairage qui n’offre aucune distraction, tout cela est une invitation à faire abstraction de tout en dehors la musique. À fermer les yeux et se laisser emporter par la prestation vocale de Susanne. On s’attendait à quelque chose de bien mais là on touche au sublime, ce qu’elle nous a offert pour ce concert c’est une démonstration magistrale de chant , que ce soit la précision des notes, la beauté de son timbre dans les notes les plus aigus comme dans les graves, La puissance brute en voix pleine pour envoyer de longues notes tenues à n’importe quelle hauteur, les nuances les plus subtiles quand la voix se fait de velours, les aigus gracieux, elle sait tout faire et enchaîne les registres et les techniques avec une facilité et un naturel qui fait qu’on a rarement l’impression qu’il s’agisse d’une recherche de la performance mais plutôt que tout ça est en osmose avec la musique, que ce soit dans son côté très solennel, presque religieux comme le toujours sublime The Brothel, que dans les choses plus intimistes et personnelles.

Alors que le concert s’achève et qu’on redescend doucement sur Terre, on se dit qu’on vient d’assister à un moment privilégié, ces concert où bien sûr on aurait bien aimé un deuxième ou un troisième rappel mais au fond, on est déjà "pleins", le sentiment de plénitude sonore que l’on a ressenti, il est là pour un moment encore, on va l’entretenir en creusant un peu plus Music For People in Trouble qui est sorti il y a quelques jours à peine. Et on croise les doigts pour que Susanne rencontre le succès qu’elle mérite et qu’on ne soit pas obligés d’attendre à nouveau plusieurs années pour remettre ça.

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