accueil > articles > albums > Sunn o)))

publié par arnaud le 11/05/05
Sunn o)))
- White2
White2

Voyages dans le désert

Projet parallèle de Steve O’Malley (déjà remarqué au sein de formations metal repoussant les limites du genre, telles Khanate ou Burning Witch) et Greg Anderson (de Goatsnake), Sunn o))) emprunte son nom à une fameuse compagnie fondée dans les années 60 et dont la spécialité était les amplis pour basses. Quand on écoute la musique du groupe, on comprend mieux le parallèle tant cet instrument est au cœur de l’oeuvre ! Sunn o))) sort ici avec White2 son cinquième album, constitué de trois longues plages qui explorent différents déserts sonores, principalement déserts rythmiques puisqu’aucune percussion ne vient troubler l’illustration musicale du chaos que mettent en place les deux têtes pensantes de la formation et leurs collaborateurs. Hell-o)))-ween qui ouvre l’album est un morceau de près d’un quart d’heure, glauque au possible, uniquement composé de longs sustains de basse distordue. On pense à un versant sombre de Growing (auteur de deux très bon disques sur l’excellent label Kranky). En arrière plan les bourdonnements non identifiés d’un second instrument mettent en valeur le semblant de mélodie que suscitent les changements d’accords : le voyage a bien commencé.

Procession macabre

L’univers du groupe est plutôt sombre et angoissant : sur scène les musiciens et la troupe d’invités qui les accompagne, revêtent des aubes à capuchons qui ne laissent même pas distinguer leurs visages, et forment parfois une ronde qui se déplace au ralenti , transformant le show en une espèce de lente procession macabre. Les 23 minutes de BassAliens,second titre de l’album, sont plus discrètes, du moins, bien moins évidentes. Sur fond d’échos et de notes aiguës, jouées au tournevis, quelques touches plus ou moins aléatoires de guitares déboulent, bientôt rejointes par d’inquiétants grondements de basse. Les guitares se changent en gouttelettes, comme si nous étions plongés dans les profondeurs de quelque caverne humide. Toute tentative de mélodie est immédiatement avortée, la basse vient punir l’auditeur d’avoir pu croire telle chimère, en lui balançant larsens et grincements de cordes dans les oreilles. La musique se fait expèrience sensorielle, à la manière de ce que peuvent faire Wolf Eyes ou Black Dice, comme pour mieux préparer l’arrivée de la plus longue pièce de l’album, Decay2 (Nihil’s Maw).

Cauchemar sonore

Sunn o))) referme les hostilités en créant une pièce impressionante, un crescendo de nappes venues de nulle part, peu à peu hanté par des voix comme des plaintes ou des hurlements de douleur. On a l’impression d’écouter la bande son d’une visite des enfers, comme si l’on espionnait la salle des âmes, que l’on entendait les cris des suppliciés. Très lentement au milieu de ce brouillard montent un râle de basse et une voix incantatoire, celle d’ Attila Csihar, hongrois à l’origine du groupe de doom metal Mayhem, qui finit de nous plonger dans une vision de cauchemar des plus glaciales. Comme si on était immergé dans une scène du Rosemary’s Baby de Polanski avec la bande son de l’orgie d’ Eyes Wide Shut de Kubrick... le tout mis en scène par David Lynch !!! Parfum évident de souffre, malaise certain, ce final est terrible, car au bout de 20 minutes la voix se dédouble et devient de plus en plus discernable. Et même si l’on a du mal à en identifier la langue, qu’importe, l’impression maléfique dépasse ces barrières. Les instruments s’éteignent et laissent Attila seul pour nous faire frissonner. White2 est un voyage dans le cauchemar, un ensemble cohérent, une description monolithique d’un désert inquiétant : c’est une invitation des plus excitantes à explorer l’inconscient, au risque de n’y trouver au final que peine et douleur.

Partager :

publié par le 11/05/05
Informations

Sortie : 2004
Label : Southern Lord

Pour le même artiste