Tandis que le couvre-feu étouffe l’ivresse de la nuit, Stracho Temelkovski éveille nos sens par un live streaming [1] dans le cadre du festival Détours de Babel. Les premières notes résonnent, et les fenêtres s’ouvrent sur un horizon augurant un voyage aux senteurs multiples et hypnotiques.
Ce multiinstrumentiste entouré de ses "frères de son" propose une musique éclectique : son album The Sound Braka joué ce soir oscille entre jazz et musiques du monde. Un véritable périple musical depuis les Balkans jusqu’aux confins de l’Inde en passant par les rives de la Méditerranée.
Stracho enfant du pays puisque grenoblois, puise ses inspirations dans ses origines macédoniennes mais aussi au travers des riches rencontres de son parcours. Ses collaborations sont en effet multiples et variées : il travaille avec des musiciens de tous horizons, des chorégraphes, et s’implique localement dans des ateliers en milieu scolaire ou carcéral. Autodidacte est une de ses qualités, mais aussi la virtuosité. Il le prouve en passant avec aisance d’un instrument à l’autre ou encore, en jouant simultanément de la basse ou de la mandole et des percussions. Pour compléter la palette de ses talents, il nous régale d’un beatboxing.
Stracho est accompagné de cinq musiciens et, sur scène, une parfaite harmonie se dégage entre ces six compagnons tous aussi talentueux les uns que les autres. Chacun excelle et maitrise l’improvisation et les morceaux sont ainsi revisités pour notre plus grand plaisir : la beauté des mélodies est sublimée d’exotisme par le sitar pakistanais d’Ashraf Sharif Khan, ou encore de saveurs orientales avec l’incroyable Iyad Haimour (oud et flûte ney). Les doigts de l’accordéoniste Jean François Baëz et du pianiste Jean-Marie Machado virevoltent sur leurs claviers et impulsent des rythmiques enlevées. Jean-Charles Richard alterne saxophone soprano et baryton, imprimant une texture jazzy aux compositions.
Il est impossible de résister aux rythmes tantôt festifs, tantôt plus méditatifs : leurs notes vous touchent le cœur, vous invitent à danser, vous embrassent l’âme, vous embarquent pour une balade au-delà des frontières. La sobriété de la mise en scène révèle d’autant plus le brio de ce sextet à l’équilibre subtil et réussi.
Seul bémol de ce concert : la frustration de ne pouvoir partager ce moment dans la salle à leurs côtés comme prévu initialement à La Source Fontaine, ni les applaudir… Les conditions sanitaires ont en effet empêché le déroulement de cette rencontre avec un public, alors merci messieurs d’avoir maintenu le concert et nous avoir ainsi offert ce voyage entre Orient et Occident par cette retransmission. Quel délice en ces temps confinés et où le lien social est notre pire ennemi !
Vous avez soufflé un air de liberté, de partage, de poésie moderne… Nos mains se sont virtuellement liées un instant, un instant où les "frères de son"nous font tous sentir juste frères… A l’heure où les rues se vidaient peu à peu, une douce chaleur musicale s’est invitée dans nos salons avec ce live. Résolument "du dernier au premier soupir", The Sound Braka [2] est une ode à la fraternité à consommer sans modération !
