AVERTISSEMENT : cette chronique détaille beaucoup d’éléments du film et vous gâchera un peu de plaisir de la découverte, alors je vous dis tout de suite que le film est bien, allez-donc le voir et revenez ensuite ici lire ce texte et discuter le bout de gras en commentaire !
le code... sexy, haletant et speed
Quand un film porte un titre lié à l’informatique, généralement en tant membre de cette corporation on se prépare à faire la grimace et à endurer stoïquement le grand n’importe quoi qu’un scénariste fastidieux aura inventé pour rendre le code sexy, haletant et speed comme un film où Vin Diesel conduit des bagnoles. Et certains parviennent à respecter ce cahier des charges : prenons par exemple Opération Espadon où le héros, un hacker beau et musclé, doit pénétrer un serveur en quelques minutes, sous la menace d’une arme et avec une fille somptueuse qui lui fait une fellation en même temps...
Alors donc en allant voir un film appelé Source Code, c’est à dire les instructions en langage informatique qui constituent un programme, je ne m’attendais pas du tout à voir quelque chose d’un temps soit peu réaliste.... mais là c’est simple, le contenu n’a rien à avoir à la signification du mot : on imagine que le scénariste a du voir l’expression quelque part et lui trouver une quelconque signification mystique et qu’il l’a casé sur quelque chose qui n’a rien à voir.
Bizarrement c’est plutôt une bonne chose pour vous humbles mortels, à qui le source code, le vrai n’inspirerait qu’ennui et incompréhension tandis que source code, le film est plutôt un chouette film qui mérite largement d’être vu.
Un train sans fin
Source Code ne parle donc pas du tout de hackers et d’informatique mais plutôt de voyage dans le temps. Il reprend la mécanique d’un Jour sans fin ou encore de l’excellente série Day Break : le héros revit sans cesse les mêmes moments. Dans les deux exemples cités, il s’agit de la même journée, dans le cas de Colter Stevens, joué par le très bon Jake Gyllenhaal, il s’agit d’une séquence qui dure précisément 8 minutes, clôturées par l’explosion du train auquel il se trouve.
Quand il se réveille, il est dans une sorte de cockpit, en communication avec une opératrice qui lui explique ce qui se passe : les évènements qu’il vit se sont produit ce matin mais ils ne constituent qu’un avant-goût d’une attaque beaucoup plus meurtrière, pour l’éviter, les autorités doivent retrouver le responsable de l’attentat dans le train.
Avatar
Pour cela, on fait donc revivre à Colter les huit dernières minutes d’un des passagers du train, un professeur qui voyage avec sa collègue, la très belle Christina (Michelle Monaghan). A chaque flashback c’est sur elle qu’il ouvre les yeux et s’amorce alors la même séquence d’évènements, elle lui parle de sa décision de changer de vie, une femme qui renverse son café sur la chaussure de Colter, le contrôleur qui poinçonne les tickets etc etc...
Mais notre enquêteur temporel est libre d’agir et d’essayer de changer les évènements : il ne revit pas passivement les souvenirs de son "hôte", il peut explorer le train, discuter avec les gens voir les agresser quand il pense avoir trouver le coupable mais il n’est pas non plus omnipotent : il reste soumis aux règles d’un univers logique : il peut se faire arrêter par le personnel du train et "gâcher" un retour dans le passé en finissant menotté.
Colter va à chaque nouvelle tentative essayer d’en apprendre un peu plus voir de changer les évènements, en quittant par exemple le train avec Christina pour éviter qu’elle ne meure dans l’explosion mais de retour dans le présent, on lui explique qu’en fait il ne l’a pas sauvée...
Bluff
Et là il est temps de vous resservir le blabla pseudo-scientifique censé soutenir l’intrigue du film : même après la mort le cerveau garde la trace des 8 dernières minutes qu’on a vécues et le projet source code permet à une personne "compatible" de "remonter le temps" et de revivre les 8 minutes en question mais la subtilité c’est qu’en fait Colter ne voyage pas vraiment dans le temps : il ne réécrit pas les évènements, ceux-ci se sont déjà produits, il ne pourra donc jamais sauver Christina, il ne fait qu’explorer la mémoire d’un mort. Dans le film, il y a un peu plus de mots compliqués et de phrases qui n’ont pas trop de sens et pour essayer de bluffer le spectateur, on glisse même le mot "quantique" dedans.
Et c’est de bonne guerre : la meilleure science-fiction n’est pas forcément celle qui se tient scientifiquement. Le but est aussi de construire une mécanique qui fonctionne bien pour servir l’intrigue et les personnages.
Dans le cas de Source Code, cette mécanique a déjà été explorée et le réalisateur a bien su gérer les pièges de ce sous-sous-genre : en premier lieu la lassitude qui peut vite toucher le spectateur quand on lui présente la même scène mais en même temps, utiliser trop vite les ellipses ne permet pas de mettre en place correctement la machine.
Machina
Les termes "machine" et "mécanique" reviennent plusieurs fois dans cette chronique et c’est normal car on est dans un genre qui est basé sur une construction logique qui fait se répéter une séquence d’évènements selon des règles précises. Ce système est à la fois l’ennemi et l’allié du héros : ennemi car il est condamné à revivre les évènements et allié car une fois qu’il a compris les règles il peut les utiliser à son avantage (comme vous pourriez noter les résultats du loto et gagner en remontant dans le temps).
Dans le genre, la série Day Break citée précédemment est impressionnante de richesse : elle fourmille de choses qui sont en apparence des détails mais le héros en revivant les évènements peut choisir de s’y intéresser et découvrir qu’en fait il n’effleurait que la surface des choses. Le revers de la médaille c’est que la série en devenait compliquée à suivre et s’éloignait complètement du pur divertissement, d’où son annulation.
Epurer
Le réalisateur de Source Code n’a pas du tout commis la même "erreur" : il a beaucoup épuré son intrigue et du coup la machine qu’il a construit est très simple (quand on lit des critiques vantant l’intelligence de la construction et disant que le film est compliqué, c’est largement exagéré). Et elle n’offre donc pas le même plaisir intellectuel que Day Break ou Memento (autre film basé sur une mécanique).
Mais là encore on a un paradoxe : on peut aussi voir cette simplification comme une bonne chose : une mécanique parfaitement huilée, où tous les détails s’imbriquent parfaitement pour arriver à la révélation finale c’est bien mais c’est creux si le film n’a rien à dire, si les personnages, leur parcours n’ont pas de sens, et c’est une des choses que Duncan Jones semblait vouloir mettre plus en valeur que la fameuse mécanique.
Et il réussit pas trop mal : le personnage de Colter est un assemblage de stéréotypes mais Jake Gyllenhaal arrive à lui donner corps et à le rendre attachant, Michelle Monaghan n’a littéralement pas le temps de donner de la profondeur à son personnage mais pourtant elle réussit à nous donner envie qu’on puisse vraiment changer le passé pour la voir survivre et connaitre un happy ending avec le beau Colter.
Mais là encore Source Code se voit un peu diminué par la comparaison avec un film qui traite à peu près des mêmes choses :l’Armée des douze singes de Terry Gilliam, l’histoire entre Colter et Christina parait bien tiède et convenue par rapport à celle de James et Kathryn, et là pour le coup, la science-fiction est là pour créer quelque chose de beau, qu’on ne pourrait pas dire aussi bien, armé juste du réel.
Sans comparaison
Mais pourquoi forcément comparer le film par rapport à tout ce qui existe dans le genre ? Source Code est plutôt bien réalisé, porté par de bons acteurs et malgré un charabia un peu foireux, il a une certain cohérence et se finit d’une manière plutôt intelligente et qui fait plaisir, il ne sera pas une œuvre aussi géniale que l’armée des douze singes, il n’aura pas l’intelligence de day break mais il emprunte des bonnes choses aux deux et propose 1h30 de cinéma où on ne s’ennuie pas une seconde et dont on ressort content alors je dirais mission accomplie pour Duncan Jones (saviez-vous que c’était le fils de David Bowie d’ailleurs ? )