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publié par Céline Non, Mélanie Fazi, Mickaël Adamadorassy le 11/07/19
Stranger Things - Saison 3
Saison 3

Après presque deux ans d’attente, Stranger Things revenait le week-end dernier pour une troisième saison très attendue et il n’aura fallu qu’un week-end voir une seule nuit aux matelots du Cargo ! pour visionner celle-ci en intégralité. On échange nos premières impressions sur notre Slack, elles se rejoignent souvent mais on s’aperçoit aussi qu’on peut être fans de la même série et y prendre du plaisir pour des raisons différentes, être interpellés par certaines thématiques et passer à côté d’autres. Très vite émerge l’idée de vous proposer une retranscription de cette discussion-fleuve certes un peu bordélique, parfois décousue mais où on réussit (presque) à vous dire tout ce qui nous a plu ou pas dans cette saison.

N.B. : Même si nous avons tenté d’éviter les spoilers, il vaut mieux lire cet article après avoir vu la saison 3

Mickaël : Nous voilà dans un exercice inédit sur le Cargo !, la chronique collaborative... On va voir comment ça se passe au fur et à mesure mais comme il faut bien commencer quelque part et que quelqu’un doit faire sa Christine Ockrent... je me dévoue : alors mesdames vous avez aimé cette saison 3 ?

Céline : Franchement, j’ai kiffé. Je l’attendais avec impatience, et j’ai eu la chance de pouvoir la voir au Grand Rex pour la Stranger Night, toute la saison en une nuit, entourée de fans. J’avais un peu peur de m’ennuyer à certains moments, comme ce fut le cas pour la saison 2. Mais en fait pas du tout, le développement des personnages, les nouveaux qui sont introduits, le rythme, beaucoup de choses que j’ai aimées. Et on retourne encore un fois dans les années 80 avec un énorme plaisir.

Mélanie : Très agréablement surprise pour ma part. L’intrigue fantastique devient un peu anecdotique et je sais que ça a déçu pas mal de gens, mais j’ai trouvé la dynamique de la saison très réussie avec notamment la multiplication des personnages qui est très bien gérée. Et une manière assez jouissive d’assumer le grand n’importe quoi des situations et de le pousser parfois assez loin (comme le deus ex machina complètement improbable de la fin avec la constante de Planck). Au niveau de l’écriture des personnages et dialogues, ça reste toujours aussi fort. Le fantastique passe au second plan en termes d’intérêt mais ça ne m’a pas dérangée, je n’en attendais pas grand-chose.

Mickaël : j’ai bien aimé cette saison 3, en particulier le début, pour la multiplication des personnages et des thèmes évoqués par Mélanie. Par contre si j’aime les scènes de "n’importe quoi", l’aspect comédie et développement des personnages, pour moi l’aspect fantastique était important aussi

Céline : Un peu déçu pour le coup ?

Mickaël : oui, cette saison 3 pêche au moins sur trois points : 1 - cohérence et crédibilité (euh des russes qui construisent une base sous une petite bourgade américaine dans le plus grand secret tout en émettant un signal indiquant leur position tellement bien codé qu’il faut une journée pour casser le "code" ???) , 2 - on reprend des éléments déjà connus et on nous les ressert, sans spécialement le justifier ni enrichir l’univers, 3 - le fantastique c’était aussi l’élément horrifique, la mise en danger des personnages, ici même au plus fort du combat, je n’ai pas eu peur pour les personnages.

Mélanie : C’était ce que je voulais dire par "anecdotique", le fantastique est évidemment central pour l’intrigue et le suspense, mais effectivement il se répète et n’ajoute rien. Cela dit je m’aperçois que ça ne m’a pas dérangée, parce qu’au final ce n’est plus pour ça que je regarde la série depuis la saison 2. J’ai bien aimé l’aspect référentiel, le trip Profanateurs de sépultures, le genre de motif qui d’ailleurs à une époque symbolisait au cinéma la peur du communisme. Je me suis demandé s’il y avait un écho avec le choix des espions russes ici, même s’il me semble que ce motif dans les films de SF remonte plutôt aux années 50. En tout cas avec le recul, je me souviendrai beaucoup plus des scènes et des personnages que de l’intrigue fantastique pour cette saison.

Pour la cohérence et la crédibilité, j’ai lu ce même reproche ailleurs, mais on parle d’une série où des gamins sauvent le monde et où beaucoup de choses demandent une sacrée "suspension d’incrédulité", alors pour moi ça va de pair.

Céline : Je suis tellement d’accord sur la crédibilité. En plus c’est totalement assumé. Ils en jouent tellement à fond que ça en devient réjouissant à la fin (il demande quand même à une enfant de rentrer dans une base militaire, elle même les charrie sur le child endangerment). C’est justement ça et ce délire à plein tube qui fait de cette saison celle avec le plus d’humour.

Mélanie : La scène en question, je crois qu’elle a marqué tout le monde, et elle incarne bien ce que j’ai adoré dans cette saison. Faire passer un personnage par un conduit d’aération, c’est ultra classique. Mais ça l’est déjà moins d’avoir toute une scène où il faut convaincre une gamine têtue qui explique que ce qu’elle adore dans son pays, c’est le capitalisme. Le personnage de la petite Erica est génialement écrit et interprété dans cette saison. J’ai bien aimé l’accent mis sur les personnages secondaires qui ont un vrai rôle à jouer. Et j’aime beaucoup cette façon de "tordre" les situations pour habiller des rebondissements classiques

Mickaël : pour revenir à la crédibilité et la cohérence, y a de quoi digresser longuement mais si j’essaie de résumer, pour moi se placer dans un cadre fantastique ne signifie pas abolir les règles mais les changer et surtout je ne l’oppose pas à la possibilité de faire de l’humour et de partir dans des délires, ce que j’ai bien aimé aussi dans la série. Pour moi Stranger Things est capable d’avoir toutes ses qualités en même temps et c’est là où elle est à son meilleur, je prends un exemple : la scène de l’hôpital où le groupe de Mike et Nancy/Jonathan sont réunis pour la première fois, l’infirmière dit “Vous connaissez la règle, pas plus de deux visiteurs à la fois”, les personnages se séparent, côté Mike on est dans la comédie filles vs garçons, Nancy et Jonathan se font attaquer par leurs collègues journalistes assimilés par le MindFlayer (Flagelleur en VF). Il y a une vraie tension dramatique, une vraie peur pour les personnages. Et en même temps, le fantastique en transformant les méchants sexistes en méchants monstres donne une opportunité de les montrer quelque part comme ce qu’ils sont et de se venger d’eux.

Mélanie : On est d’accord sur la question de la cohérence interne, c’est un point qui me hérisse dans pas mal d’œuvres fantastiques mais qui ne m’a pas du tout dérangée ici, alors qu’ailleurs ça peut me sortir complètement d’un film ou d’une série.

Micky : Là je pense qu’il est important de préciser pour le lecteur que ce genre d’exercice me pousse à la critique et au pinaillage, ça peut donner l’impression que j’ai pas aimé, alors qu’en fait si mais ça n’empêche pas de se dire "ça aurait pu être mieux si ..." Donc ce sont des choses que j’ai notées et dans 90% des cas elles n’ont pas cassé mon immersion.

Mélanie : Tu parles de la séparation des personnages, c’est quelque chose que j’ai adoré dans cette saison par rapport aux précédentes. On n’est plus dans l’histoire d’un groupe de quatre gamins mais vraiment dans une interaction constante entre différents groupes de personnages (enfants, ados, jeunes adultes, parents) et le côté éclaté de la narration donne un grand dynamisme. J’ai aimé la façon dont chaque petit groupe dévoile une partie de l’histoire sans connaître le tableau d’ensemble. Je trouve que c’était extrêmement réussi en termes de construction, de montage alterné, et de manière de garder l’intérêt tout du long. Et l’écriture des personnages est vraiment un des grands atouts de cette série. J’ai adoré ce qu’apportent des personnages comme Max, Robin ou Erica.

Mickaël : J’en suis à deux visionnages de la saison et en re-regardant le premier épisode, je me suis fait exactement cette remarque sur la qualité de la narration et du montage, c’est très très bien fait.

Mélanie : Ça m’a frappée ici parce qu’on ne s’y perd jamais malgré la multiplication des fils de narration, et il n’y a pas vraiment d’intrigues moins intéressantes que d’autres. Et puis ça donne une scène très drôle où tout le monde se retrouve au centre commercial et personne ne comprend de quoi parlent les autres.

Mickaël : La séparation des personnages en tout cas c’est un thème intéressant :ils l’avaient tenté sur la 2 déjà, avec beaucoup moins de réussite mais ça avait quand même permis de créer des dynamiques inattendues, par exemple Steve et Dustin, le geek le plus impopulaire de la bande et le beau gosse du lycée, qui développent une relation attachante, reprise et amplifiée dans cette saison 3

Mélanie : Oui, le rôle de Steve est vraiment intéressant ici, le personnage y gagne beaucoup. J’ai aimé aussi le fait d’aborder des thèmes différents selon les groupes, comme Nancy et Jonathan qui se frottent aux difficultés de l’entrée dans le monde du travail, et au sexisme bien lourd et bien gras pour elle (d’ailleurs je me suis demandé si c’était volontaire que le pire de ses collègues ressemble autant à Donald Trump). Ces thèmes-là ne pouvaient concerner qu’eux, parce qu’ils sont plus âgés que les gamins. Après on peut regretter que certains personnages soient un peu mis en retrait, Will notamment.

Mickaël : Sur Will, totalement d’accord, il était la victime dans les deux premières saisons, et là le personnage aurait mérité un peu plus. Même physiquement il fait un peu "Mike Bis" surtout avec l’horrible coupe au bol qu’ils ont tous les deux. C’est dommage que ce soit le gamin qui a le plus d’imagination et qui a le plus subi qui finalement soit laissé un peu sur le carreau.

Céline : Je ne sais pas si je suis d’accord, ok c’est pas l’homme d’action, mais il est autant mis en valeur qu’un Lucas. En plus c’est par ce personnage qu’on aborde le mieux un des thèmes dont j’ai adoré le traitement. Le passage à la vie adulte. Lui et ses rêves, ses jeux d’enfant face à ses amis ados qui ne pensent qu’aux filles. La difficulté de grandir quand on aime ce monde qu’on s’est construit. Et je trouve le choix du perso qui ne veut pas grandir hyper intéressant, il a été privé d’un bout de sa vie, coincé dans un monde à l’envers. Est-ce qu’il veut fuir cette réalité qui a été dure pour lui ou bien est-ce qu’il veut rattraper du temps perdu ?

Mélanie : Oui, on peut le voir sous cet angle, mais ce développement m’a marquée aussi parce qu’il dit quelque chose de très ordinaire et de très juste sur ce qu’est l’expérience de l’adolescence, le fait de ne pas tous grandir au même rythme, de s’éloigner parfois de ses amis à ce moment-là parce qu’on n’a plus les mêmes centres d’intérêt. Ça m’a renvoyée à mes propres souvenirs de cet âge, d’un décalage pareil à celui de Will, et je sais que d’autres spectateurs l’ont reçu comme ça aussi. J’ai trouvé ça vraiment très fort.

Mickaël : Sur Will, en fait je suis d’accord avec vous, c’est totalement cool qu’il soit pas comme les autres, qu’il grandisse différemment mais j’ai eu l’impression parfois que ça le faisait passer pour un "boulet", genre quand il s’obstine à vouloir jouer à D&D et que les autres sont pas du tout sur la même longueur d’ondes. Les autres ont toujours une perception un peu spéciale de lui, genre à la fin ils acceptent de jouer par pitié ou Mike qui s’inquiète dès qu’il a l’air d’aller mal, ce qui est sympa en tant que pote et en même est-ce qu’il le perçoit pas toujours comme la victime

Mélanie : J’aimais bien depuis le début la relation entre Mike et lui, le côté protecteur de Mike, mais c’est vrai qu’ici ils ne sont pas tendres avec le personnage et c’est un peu dommage.

Céline : Vous voyez qu’il est mis de côté Will, mais il fait réfléchir sur plein de trucs, plus qu’un Mike et ses histoires d’amour !!

Micky : Oui mais parce qu’on regarde la série avec notre prisme à nous, on est tous des Will :). Mais si je résumais son apport dans la saison en mode connard ça serait son cou.

Céline : Et tu as lu qu’ils le faisaient passer pour un boulet, moi j’ai vu plutôt un mec qui voulaient voir ses potes et en profiter, mais qu’ils n’étaient pas là pour lui. D’ailleurs Mike, que ça soit avec El ou Will, j’ai eu envie de lui foutre des tartes. Mais il fallait un outsider pour représenter un panel de l’adolescence. Oui c’est pas un boulet, mais un outsider. Et certes ils acceptent de jouer avec lui par pitié à un moment, mais à la fin je trouve que c’est une façon de promettre de se revoir.

Mélanie : C’est clair que dans le groupe, les garçons ne frappent pas par leur maturité, contrairement à El et Max.

Céline : Contrairement à toutes les femmes de la série non ?

Mélanie : Pas faux.

Céline : Etant un peu féministe, j’aime toujours voir les femmes prendre les décisions et diriger l’action, et c’est souvent le cas avec Stranger Things.

Mickaël : sur El et Max, elles sont un peu plus matures que les garçons, ok c’est "normal" à cet âge, en tout cas ça se vérifie souvent... par contre elles restent des ados et tant mieux, surtout pour El qui n’a pas la chance d’avoir eu une vraie enfance... et une vraie garde-robe. Au 2ème visionnage, je me suis dit que clairement y a un "costumiste" (?), un styliste on va dire qui s’est fait plaisir. Les tenues d’Eleven c’est un défilé de mode 80’s !

Mélanie : Les costumes collent vraiment à mes souvenirs de l’époque, j’étais coiffée exactement comme les filles ici. Il y a un vrai souci de la reconstitution des années 80 dans la série et pour avoir connu cette époque, je suis régulièrement frappée par des petits détails que j’avais oubliés et qui ont quasiment un effet de madeleine de Proust. Un motif de housse de couette dans la saison 1, et ici la façon dont Max et Eleven s’attachent les cheveux. On n’est pas juste dans une reconstitution superficielle.

Céline : Et en plus d’être une magnifique reconstitution réaliste, c’est aussi de véritable hommages aux films et séries de l’époque. Je vais revisionner la série juste pour m’amuser à voir les clins d’oeil qu’il y a. Comme un de ces premier plans de l’épisode 1 sur cette horloge typique des années 80 qu’on retrouve dans Retour vers le futur, la chemise Magnum du Hopper. Je suis sûre qu’il y en a pleiiin d’autres à trouver

Mélanie Fazi : J’ai souvenir de références claires à E.T. dans la première saison (la façon dont Mike cache Eleven dans sa chambre), et à Stephen King qui me semble être une influence majeure de la série : un clin d’oeil à l’intrigue de Charlie à travers l’histoire de l’origine d’Eleven, puis un personnage qu’on voit dans une scène en train de lire le roman, et le groupe de gamins un peu nerds ou décalés qui rappelle beaucoup le "club des ratés" de Ça. De manière générale, la façon d’ancrer le fantastique dans le quotidien d’une petite ville ordinaire et le développement des personnages me rappellent vraiment son approche. Beaucoup plus que certaines adaptations directes de ses romans, qui sont souvent à côté de la plaque ou peu représentatives.

Céline : Les références sont souvent claires, mais faut les trouver, ça en devient un jeu. Et la saison 2 a clairement Retour vers le Futur comme référence principale, d’un côté, ça avait été annoncé. Et je les soupçonne d’avoir fait exprès de placer l’intrigue pile poil après la sortie du film pour lui rendre hommage

Mickaël : Sur cette saison, je pense qu’on est tous d’accord pour dire que la partie fantastique est largement inspirée de L’Invasion des profanateurs [de sépultures] (les deux films existent). Et par extension forcément on pense à The Faculty ?

Céline : Alors j’ai pas vu L’Invasion des profanateurs (me tapez pas !) mais j’ai très vite pensé à The Faculty.

Micky : Moi non plus je ne l’ai pas vu, je connais essentiellement parce que The Faculty fait dire à un de ses personnages qu’il repompe “exprès” ce film.

Mélanie : The Faculty était déjà un film bâti sur ce genre de références, on était quasiment dans le même exercice.

Micky : Totalement ! Je trouve The Facuty vraiment très bon parce que c’est assumé et bien utilisé. Tout comme le premier Scream, il joue avec les attentes du public et pratique une bonne forme d’auto-dérision.

Céline : C’est totalement ça qui m’a fait penser à The Faculty, et maintenant que tu le dis un peu de Scream, ils reprennent beaucoup de codes classiques du cinéma pour en jouer et y ajoutant une tartine d’humour.

Mélanie Fazi : Je me demande dans quelle mesure ils n’ont pas, sur le long terme, l’intention de faire quelque chose à la American Horror Story qui reprendrait diverses figures classiques ou clichés, un différent dans chaque saison. Au début de Stranger Things, on était dans un fantastique assez différent, très inquiétant et presque lovecraftien dans sa façon de suggérer un "ailleurs" étrange sans jamais vraiment nous le montrer. Ici on est passé à tout autre chose, quelque chose de plus gore et de beaucoup moins effrayant, mais aussi une référence à un type de fantastique différent avec ce motif de la contamination des habitants. Et là encore je pense à Stephen King qui s’est lui aussi toujours nourri de vieux films et romans fantastiques pour créer ses histoires.

Céline : C’est marrant le rapport à l’horreur que tu imagines. J’avais plutôt l’impression que la part d’horreur et sa vision évoluait avec les personnages. Genre la saison 1 faisait flipper, comme un enfant qui a peur de tout, on faisait plus face à ses peurs avec la saison 2 (et le combat face de demodogs) et avoir vraiment moins peur dans cette saison, comme des ado qui n’ont peur de rien. Le truc qui fait le plus flippé est le design de Mindflayer (j’ai cru que ses dents étaient des jambes). Bref, j’ai l’impression qu’on a moins peur parce que les enfants ont grandi.

Mélanie : Oui, c’est possible aussi. Même si pour le coup le fantastique de la saison 1 me paraissait plus adulte avec sa part de suggestion et d’étrangeté, alors qu’ici on voit clairement les monstres, ce qui pour moi aurait quelque chose de plus enfantin. Mais le sentiment d’impuissance face aux événements était plus grand avant.

Micky : Je suis d’accord avec Mélanie sur le côté plus adulte et plus sérieux de l’horreur dans la saison 1. Pour en revenir au Mindflayer il change sensiblement de design au cours du temps : au début de la saison 2, c’est une silhouette tentaculaire à la Lovecraft, puis on le voit de mieux et mieux mais il n’est pas réellement terrifiant, moi en tout cas j’avais l’impression de voir un poulpe gonflable s’agiter au gré du vent, et là dans la saison 3 c’est une créature gore.

Mélanie : C’est un peu The Thing par certains aspects, non ?

Micky : J’aurais dit Le Blob ?

Mélanie : Même le fait qu’il se cache dans les personnages, sans qu’on sache toujours bien lesquels.

Céline : Qu’il soit dans les gens, les animaux, il est clairement dégueu quand même. Et comment ils se liquéfient… beurk.

Micky : Dégueu oui mais pas très effrayant. Pour ce qui est de cette forme d’horreur moins subtile et moins effrayante, pour moi l’explication est assez simple, ça rejoint la tonalité plus humoristique de la saison. C’est possible de rire aux éclats dans un film d’horreur mais d’avoir à la fois une tonalité dramatique et des scènes potaches tout le temps je pense pas, les deux ont tendances à se neutraliser.

Mélanie : Je vois ce que tu veux dire mais je ne suis pas sûre que ce soit vraiment antinomique. Une série comme Buffy arrivait à concilier les deux d’une manière très forte. Mais clairement, l’accent de cette saison est moins mis sur le fantastique que sur l’aspect comique ou absurde des situations et sur les relations entre les personnages.

Micky : Oh là je ne vais pas relancer la discussions sur Buffy, ça va durer des heures ! (en vrai ça a duré un bon moment mais on a coupé)

Céline : Bref, on parle de toutes ces choses qu’on aime, Micky a dit un peu de ses déceptions, mais je voudrais en évoquer une. ON EN PARLE DE HOPPER ??? Parce que moi, c’était un perso que j’aimais beaucoup, totalement badass, je tape et je questionne après. Un mec fort qui fait un peu ce qu’il veut. Triste et paumé aussi. Alors oui, on est content qu’il ait une nouvelle fille en El, mais pourquoi en avoir fait une ... patate ?! Il est là pour faire rire que ça soit dans son rôle de père ou dans sa relation avec Joyce. Ça en devient tellement forcé qu’il en est presque clownesque.

Mélanie : Ça ne m’a pas dérangée, mais ce n’est pas un personnage qui m’avait tellement marquée avant. La relation avec Joyce m’a amusée même si effectivement c’est un peu forcé, et la scène avec Murray, le traducteur et l’espion russe qui s’étonnent qu’ils n’aient pas déjà couché ensemble m’a vraiment fait rire.

Céline : Cette scène n’était qu’une redite de la scène entre Jonathan et Nancy dans la saison 2. Ils ont réutilisé Murray exactement de la même façon que dans la saison 2.

Mélanie : Et puis j’ai trouvé la fin très émouvante, le passage avec la lettre qui n’a jamais été lue, ça m’a vraiment mis les larmes aux yeux.

Céline : J’avoue, j’ai eu la larme à l’œil.

Mickaël : ça aurait du être ma réaction aussi mais j’avais déjà perdu toute empathie pour le personnage à ce stade de la série.

Une question sur le féminisme… vous trouvez pas que Jonathan n’est pas à la hauteur du tout dans cette saison ? Il laisse la pauvre Nancy se faire dézinguer par ces ignobles collègues, limite en lui disant de la fermer !

Céline : Mais Jonathan ne sert a rien en général, à part faire ce que Nancy lui dit…

Mickaël : Dans la 1 c’était l’archétype de l’ado sensible artiste un peu exclu, il était même un point de vue narratif important, à égalité avec Nancy, qui le bouffe complètement dans cette saison.

Mélanie : C’est une saison dont les femmes sortent gagnantes de manière générale.

Céline : Les femmes sortent gagnantes mais doivent se battre pour se faire entendre. Et qu’est ce qu’elles sont fortes dans Strangers things, depuis le début. Quelle perso féminin n’est pas fort dans cette série ? Je vois que la mère de Nancy, mais justement elle permet à Nancy de se positionner à l’opposé, à ce qu’elle ne veut pas devenir.

Mélanie : J’ai particulièrement aimé la façon dont ils ont développé le personnage de Max ici, comme membre intégral de la bande, pas juste "la fille en plus", et qui initie Eleven à la fois au féminisme, aux comics, et la pousse à explorer ses propres goûts au lieu de suivre ce que Mike ou Hopper lui disent de faire. Et c’est un personnage qui se bagarre au même titre que les garçons.

Mickaël : Moi je voudrais défendre la mère de Nancy, elle a quand même une certaine épaisseur mais par rapport à sa génération elle a tout un carcan social et mental dont il est difficile de se défaire.

Céline : Sur ça, je suis d’accord. Elle a subi la pression de son époque. Et la voir inviter sa fille à se battre, j’ai adoré. Malgré qu’elle soit enfermée dans son rôle de femme au foyer, elle ne cantonne pas les femmes à ça, et surtout pas sa fille. Ca lui donne de la profondeur, parce que dans les saisons précédentes, c’était juste la meuf qui hurlait à son mari d’ouvrir la porte.

Mélanie : Je trouve ça important de monter aussi des personnages qui ne soient pas ouvertement des battants, sinon on tombe vite dans le cliché. Oui, c’est un personnage qui a ses propres carcans et qui agit à partir de là.

Mickaël : Avant de conclure, je voulais quand même évoquer une autre nouveauté de cette saison : la dimension sociale : avec l’arrivée d’un centre commercial à Hawkins, on voit les magasins familiaux (les “moms & pops”) fermer, le centre-ville devient une zone morte tandis que le “mall” devient non plus seulement le lieu de l’hyper-consommation mais le nouveau centre de gravité de Hawkins, l’endroit où on sort, où on vient “consommer” aussi loisirs ou culture. On découvre plus tard la responsabilité là-dedans d’un maire corrompu et cynique à l’extrême. Il y a aussi les piques sur le capitalisme dans la scène où Steve et Dustin essaie de persuader Erica de les aider.

C’est peut-être parce qu’aux Etats-Unis il serait presque inimaginable pour une série mainstream d’attaquer frontalement le capitalisme (vous vous seriez immédiatement traités de “communistes” comme dans la série et sûrement bien pire sur Fox News) mais c’est fait avec humour et subtilité et c’est totalement justifié parce que c’est un élément culturel emblématique des années 80 américaines (qui me fait toujours penser à ça), même si le “shopping mall” est un modèle qui commence dès les années 60.

Céline : Oui ça remet en question ce modèle qui commence a être pas mal critiqué de nos jours. C’est intelligent, tout comme j’y ai vu aussi une petite critique du pouvoir actuel avec des petites choses où l’on pourrait voir Trump (genre le maire qui fait ce qui veut... ). Non mais j’ai vraiment aimé cette saison, ok l’histoire de base est pas hyper originale, on frissonne pas comme dans la première saison mais tout est tellement bien fait. L’écriture, la photographie, le rythme, les références, même l’humour qui aurait pu devenir bien lourd était très bien dosé. En fait ils ont fait un beau jeu d’équilibriste. Une des seules choses qui me fait peur c’est la fin et l’ouverture sur la saison 4. J’espère qu’ils ne vont pas remettre des Russes, ça n’aurait aucun intérêt...

Mélanie : Effectivement cette dimension sociale m’a frappée aussi, et ça rejoint la place prise par la dimension féministe qu’on évoquait (et la pique envers Trump qu’il m’a semblé voir à travers ce personnage dont je parlais plus haut). Pour la suite, je suis curieuse de voir quelle direction ils vont choisir de prendre, notamment au niveau de l’évolution des personnages. Ils sont de toute manière obligés de les faire entrer dans l’adolescence puisque les acteurs grandissent en même temps mais ça peut donner quelque chose d’intéressant, un peu comme dans les adaptations de Harry Potter où les acteurs ont vraiment grandi sous nos yeux.

Mickaël : Mes acolytes ont déjà à peu près tout dit... Même si j’ai beaucoup aimé cette saison je suis aussi le plus critique à son sujet et c’est certainement parce que j’ai toujours en tête la magie de la saison 1. Ce qui me vient à l’esprit c’est encore cette scène où Will essaie de relancer la campagne de D&D alors que les autres sont passés à autre chose. Pour les fans comme moi, on peut y voir un message salutaire des frères Duffer : restez-pas coincés là-dessus les gars, une série ne gagne rien en se répétant, elle évolue, au rythme de ses personnages, elle nous emmène ailleurs. Dans la saison 3, c’est surtout vers le développement des personnages, la comédie, peut-être un peu aux dépends du fantastique. Ça serait “parfait” si la saison 4 creusait un peu plus l’Upside Down mais même sans cela, je suis déjà pressé de retrouver ces personnages auxquels je me suis attaché, les nouveaux comme les anciens (Robin je t’aime).

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publié par le 11/07/19
Informations

Sortie : 2019
Label : Netflix