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publié par gab le 14/04/05
sodastream - sodastream -
sodastream

fontaine

ça commence dans un calme et une douceur rafraîchissants en cette torpeur estivale. une guitare en arpèges, une contre-basse jouée à l’archet et cette voix d’une émotion confondante ; "able hands" donne le ton de cet album dépouillé, de cette poésie mélancolique. en effet, pour ce premier disque, (looks like a russian, 2000), les australiens de sodastream évoluent sous l’emprise d’une délicatesse infinie et d’une limpidité désarmante que l’on retrouve jusque dans leur patronyme. sodastream, "la fontaine à soda", renvoie directement à l’aspect faussement naïf de leurs compositions. ou alors naïf au sens premier du terme : une simplicité, un naturel rayonnant mais aucune ingénuité, bien au contraire. cet aspect est d’ailleurs brillamment illustré sur leur site internet (sodastream.net.au). sodastream attaque donc très fort en entamant sa discographie avec un album attachant qui trouve aisément une place de choix dans notre discothèque pourtant déjà fournie en disques mélancolique-intimistes.

plagiat

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et d’emblée la question qui me taraude depuis quelques temps, comment peut-on faire un album d’une telle émotion, d’une telle beauté et enchaîner sur un deuxième album plutôt fade à peine un an plus tard (the hill for company, 2001) ? pourtant ces disques sont très proches, même voix, mêmes morceaux dépouillés, tout juste un peu de piano en plus ... mais non, l’alchimie à l’œuvre sur looks like a russian est unique et tout simplement déroutante. la voix, les mots, la beauté de la contrebasse, dès le premier titre l’enchantement opère. les morceaux s’égrènent et viennent discrètement s’ajouter un peu de trompette, un peu d’accordéon, toujours très sobres, toujours dans le ton de l’album. le rythme s’accélère fréquemment mais en conservant toujours une douceur marquée par le chant à la limite de la justesse et d’autant plus bouleversant. le point culminant est atteint dans l’enchaînement de "40 days" et de "done with everything". "40 days" très court, très enlevé qui se fond dans son opposé mélancolique. magique. et encore cette voix entêtante. cette voix sur fond de polémique. d’aucuns diront qu’il s’agit là d’un plagiat, une pure copie du chant de stuart murdoch du groupe écossais belle and sebastian. sodastream appliquerait-il à la lettre une recette ayant déjà fait ses preuves ?

cambouis

la question n’est pas infondée puisque les similitudes sont troublantes. même timbre de voix, même fragilité, même chant dosé à souhait dans le registre du "presque-faux" si touchant. or il est indéniable que le succès de belle and sebastian vient largement de cette voix et de cette façon de chanter. il vient en outre de cette immense aptitude à la ballade que l’on retrouve aussi sur ce disque. autant de choses qui font que sodastream se retrouve inévitablement dans le rôle inconfortable d’usurpateur. oh, il y a très certainement eu une inspiration déclenchée par belle and sebastian à un moment donné, tout comme la majorité des groupes actuels s’inspirent de leurs prédécesseurs (souvent un peu plus éloignés dans le temps pour ne pas attirer les soupçons il est vrai). on ne peut donc nier cette hérédité mais quand l’élève dépasse le maître le mieux est encore de s’incliner et laisser de côté ces querelles de clocher sans grand intérêt. il se trouve que sur looks like a russian, les australiens ajoutent une vraie profondeur à la recette belle and sebastian avec des morceaux nettement plus habités en mélancolie certes, mais surtout en émotion ; et pourtant nos écossais n’en manquent pas. ce ne sont plus uniquement des chansons touchantes et somme toute assez propre sur soi. chez sodastream on met les mains dans le cambouis et la crasse (au point d’être parfois très cru comme sur "wedding day"). et cela se ressent très nettement dans l’interprétation même des morceaux. or un groupe qui se livre autant ne peut être un groupe d’imposteurs à mon sens.

épineux

ce sujet épineux étant désormais clos, j’en arrive naturellement aux paroles de looks like a russian. elles sont pour la plupart indéchiffrables à l’écoute seule ; et lues, difficilement compréhensibles pour le non-initié. cela ajoute bien-sûr un mystère et une poésie supplémentaire. mais ne vous y trompez pas, il ne s’agit pas là d’un enrobage pseudo-poétique comme savent si bien le faire certains groupes (cette notion restant typiquement française, les groupes anglosaxons n’ayant pas de problème avec leur langue puisque tout « sonne » en anglais). pas de formules à trois francs six sous ici mais un vrai talent d’écriture et une vraie personnalité. au final, l’émotion contenue dans la musique et le chant s’en trouve largement renforcée... et pour couronner le tout, sodastream possède l’art du titre ! il s’agit là d’un atout non-négligeable pour faire entrer l’auditeur dans son monde spécifique. des titres comme "what a lovely war", "excuse boots" ou encore "song in uniform" attisent la curiosité sans coup férir. et on se prend vite au jeu. d’autant plus que l’on peine parfois à retrouver dans la chanson ce qu’évoque pour nous son titre. et de repartir dans une nouvelle histoire ou interprétation. et de s’enfoncer plus profondément dans cet univers unique.

aura

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et de revenir enfin à cette question déroutante : pourquoi une telle alchimie sur cet album-ci et non sur le suivant ? pour le coup le terme de "recette" prend tout son sens puisque le deuxième album est écrit dans la lignée directe de celui-ci, concocté dans le même chaudron. comme quoi il ne suffit pas de reprendre les mêmes ingrédients pour obtenir un résultat aussi probant ; cette fois-ci cela sent quelque peu le réchauffé (malgré quelques bons moments comme "trouble on the railway" ou encore "welcome throw" qui relèvent un peu le tout). en un mot, the hill for company semble nettement moins authentique dans les sentiments qu’il dégage, d’où la grande déception pour un auditeur pleinement acquis à la cause de looks like a russian. ont-ils eu moins de temps pour peaufiner les morceaux ou au contraire ont-ils voulu trop bien faire et de ce fait privilégié les multiples prises qui font disparaître l’âme au détriment d’une exécution parfaite ? quoiqu’il en soit cet album se trouve relégué au rang d’"album correct" parmi tant d’autres, écrasé par l’aura de son aîné. espérons maintenant que le troisième opus qui sortira courant septembre 2003 verra le retour en grâce de ce groupe et que l’on fondra à nouveau devant tant de charme et de beauté. (a minor revival, parait le 08 septembre sur trifekta)

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publié par le 14/04/05