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publié par arnaud le 23/07/05
Sigur Rós - Olympia, Paris - 12/07/2005
Olympia, Paris

Après être restés cloîtrés plus d’un an et demi dans leur bunker d’Álafoss, attelés à l’élaboration d’un digne successeur au gigantesque ( ) de 2002, les islandais de Sigur Rós avaient choisi l’Olympia pour faire leur grand retour sur scène ce mardi 12 juillet. Revenons sur un événement qui aura plu sans déchaîner les passions.

Takk

à l’extérieur du temple du music-hall parisien, le nom du groupe en lettres de néon rouge, presse les derniers arrivants à s’engouffrer dans le hall. On y croise les regards éclairés et impatients des fanatiques qui côtoient les mines fermées, voire blasées des VIPs et autres critiques rock. Concert archi-complet, unique date française, salle prestigieuse : tous les éléments sont réunis pour faire de cette soirée un moment d’exception, on peut presque sentir de manière palpable l’électricité parcourir les rangs du public massé dans la fosse. Les conversations y vont bon train au sujet des nouveaux titres issus de Takk que le groupe a déjà pu présenter sur scène les soirs précédents. Dans la plupart des mains, un petit carton au recto couleur brune avec une silhouette d’enfant en filigrane et quelques oiseaux au vol improbable : les tracts qui annoncent la sortie de l’album (finalement avancé au 12 septembre) et l’extrait écoutable via le site officiel (Glósóli, à partir de la mi-août).

Caresses

Mais pour l’heure ce sont les quatre complices habituelles du groupe qui ouvrent le bal. Le quatuor Amina caresse le velours de l’Olympia de manière gracieuse, diffusant une musique aux couleurs automnales, mélange savoureux de boucles et d’influences néo-classiques, qui fait toujours la part belle aux mélodies. Sur scène, on a par moments l’impression de contempler une ruche tant les filles s’amusent à échanger leurs instruments ou leurs places, n’hésitant pas à délaisser leurs cordes habituelles pour s’encanailler dans la fantaisie : marimba, verres en cristal, boites à musique, glockenspiel, kalimba, cithare, scie musicale font bon ménage avec les claviers midi et laptop Apple. Le public, certes acquis d’avance, fait un triomphe au groupe au bout des trente minutes de leur set, et pourra prolonger la magie à l’écoute du récent AnimaminA, EP 4 titres autoproduit (distribution via divers boutiques de sons en ligne). Le court entracte ne nous laissera que le temps de constater que la salle est maintenant pleine comme un œuf, alors que les roadies s’affairent à installer la scène pour le groupe.

Voile de brume

C’est au son de Takk, introduction du nouvel album, que le groupe entre sur scène, derrière un voile blanc qui est descendu du plafond de la salle. La basse de Georg joue les premières nappes de Glósóli : lumières jaunes, ombres portées sur le tissu, brume des couleurs qui donnent une impression de flou comme si les quatre silhouettes flottaient au dessus du sol. Jónsi commence au clavier, guitare en bandoulière, voix haut perchée, texte en islandais. La rythmique répétitive installe une ambiance hypnotique que les lumières accentuent. Seuls quelques problèmes techniques, lorsque Jonsi passe sur le micro principal, viendront perturber la quiétude qui baigne la salle. Glósóli est sans doute la transition parfaite pour se remettre des mers froides qui refermaient ( ), car à l’image de la scénographie adoptée par les islandais, on se sent enveloppé dans un voile protecteur, cocon de coton douillet et rassurant qui s’étire sur près de huit minutes pour déboucher sur un final tonitruant de guitares et de cymbales. Seule la voix de Jónsi, droit comme un i, son archet à la main, reste imperturbable, telle une chaloupe glissant sur un océan déchainé.

Recueillement

Le public exulte pour tout de suite replonger dans le silence quand le chanteur se lance dans un furieux combat entre le crin et l’acier des cordes, annoncant ný batterí l’un des morceaux les plus fameux du répertoire de Sigur Rós. Pendant le concert les spectateurs hésiteront entre surexcitation et recueillement quasi religieux, s’autorisant quelques cris ou applaudissement lors de moments clefs (ici la basse de Georg sur l’intro, ou l’entrée fracassante du charley d’Orri). Pas de répit puisque le clavier-sonar du hit Svefn-g-englar se fait entendre et nous voilà partis pour plus de dix minutes d’apesanteur. Sur scène Sólrún Sumarliðadóttir, violoncelliste d’Amina, est venue prêter main forte au groupe pour jouer la ligne mélodique sur le marimba. Elle sera rejointe par le reste de la formation à l’entame de Sæglópur, l’une des réussites du nouvel album, qui commence avec un piano et un glockenspiel qui se répondent, avant de laisser place à une rythmique soutenue et les miaulements de Jónsi. Jusque là rien à redire, même si le « déballage » de tubes dès le début du concert peut laisser perplexe. Les deux nouveaux titres présentés par le groupe font bonne figure, même s’ils laissent présager d’ambiances plus légères, moins graves et mélancoliques que celles évoquées sur des pièces telles Ebow (untitled 6) ou Dauðalagið (untitled 7).

Légereté

Impression tout de suite confirmée avec Sé Lest, arythmique, trop engluée dans les cordes et les minauderies des carillons, que les vocalises de Jónsi ne parviennent pas à sauver... Le titre prend des allures anecdotiques, sonne parfois comme une chanson pour Walt Disney ( !), et sur la fin se change en valse... non vraiment pas le meilleur titre du groupe... !!! Miláno et Gong qui suivent ramènent les choses à leur place, même si elles ne surprendront pas les fans du groupe, qui les ont déjà entendues sur la tournée précédente. Elles renouent avec l’usage du hopelandic, ce langage inventé par Jónsi et qui constituait la seule présence vocale au sein de la musique des islandais depuis 4 ans. Le groupe enchaine les nouveaux titres, peut-être pas la meilleure stratégie pour marquer les esprits et donner plus d’impact aux compositions... Après les sommets atteints sur Gong, Andvari, morceau plus introspectif et bien peu démonstratif, passe un peu inaperçu. On ne s’ennuie pas mais on se surprend à observer la salle, le public...

Prévisibles

De même la suite du concert avec Vaka (untitled 1) qui enchaîne sur Viðrar vel til loftárása laisse perplexe, tant le premier semble ne fonctionner qu’en guise d’intro, et le second prendre des allures soporifiques... Et puis ce qui est gênant c’est le caractère prévisible de chaque chanson passée, comme si le groupe ne parvenait pas à exploiter au maximum son répertoire. Ici Jónsi continue de jouer avec les nerfs du public en s’appliquant à faire une pause plus ou moins longue à la fin d’un des couplets... toujours le même depuis 3 ans... Ce soir c’est le public qui aura raison de l’islandais en poussant quelques cris tout de suite tempérés par des « chut » culpabilisateurs. Après la seconde intervention l’orchestre reprendra... alors que par le passé on l’avait vu garder le silence pendant une bonne minute... ! De même la sortie de scène sur hafssól sent le déjà-vu, poussant même le vice jusqu’à utiliser les mêmes visuels que lors de la tournée précédente. Bien sûr le morceau demeure l’un des meilleurs du groupe sur scène, une montée lumineuse portée par les pizzicatos du Amina String Quartet, noyée dans les falsettos de Jónsi, pour chavirer et couler sous les coups de butoir d’Orri et Georg. hafssól, le « soleil sur la mer »... de cette vision épique seul Kjartan assis derrière son clavier ressortira indemne, jusqu’au dernier souffle dans sa tin whistle...

Pop à décibels

Le rappel lui aussi sera trop prévisible... Avec Olsen Olsen et Popplagið, Sigur Rós caresse le public dans le sens du poil... et bien sûr cela fonctionne. Mais comment trouver à redire à l’interprétation de ce morceau de conclusion ? Vraisemblablement l’un des meilleurs (le meilleur ?) du groupe, contraste saisissant avec les passages insipides du concert lorsqu’Orri commence à s’exciter sur ses fûts... Vision assez étrange aussi que celle du public dans la fosse, statique sauf pour les deux premiers rangs, alors que l’ambiance vire presque tribale sur les planches. Au balcon on se sent mal à l’aise de voir comment certains semblent imperméables à une telle débauche d’émotion et d’energie... La lente incantation de Jónsi, les râles de basse de Georg, les décibels de Kjartan, la procession improbable des archets des Amina, semblent aux ordres des éclats de cymbales d’Orri sur la droite de la scène... Quoiqu’on en dise Sigur Rós parvient toujours à faire impression en terminant ses prestations sur une telle note et quand les lumières se rallument au son d’Avalon, on a du mal à marcher, encore ivre de la bonne parole « pop » dispensée à la manière des islandais .

Authentiques

Après près de deux heures de concert, les groupes se dispersent sur les trottoirs du boulevard des Capucines, certains ont succombé au merchandising hors de prix, d’autres parlent avec excitation de l’album à venir. Impression mitigée. Et si on se laissait trop facilement manipuler par les magiciens venus d’Islande ? Ou qu’on était moins exigeant avec eux qu’avec d’autres... Ces nouveaux morceaux n’ont pas l’air aussi émotionnels et surprenants qu’auparavant, et on regrettera l’ordre des chansons ou le sentiment de déjà-vu du concert, néanmoins à les voir sur scène on ne pourra enlever à ces 8 jeunes gens la sincérité, l’enthousiasme et l’authenticité. à revoir en novembre.

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publié par le 23/07/05
Derniers commentaires
phoene - le 07/07/06 à 04:58
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j’étais ce soir-là à l’olympia et c’est la première fois que je voyais sigur ros sur scène (oui oui). effectivement, quelques petits défauts par-ci par-là dans l’agencement du set (inégalité des morceaux, montées et retombées trop prévisibles), un goût d’inachevé parfois. ceci dit, d’un point de vue émotionnel, tout était là. une énergie ineffable, une poésie et une puissance véritables, une grâce et une élégance millimétrées. malgré tous les "défauts" précités, il n’en demeure pas moins que ce fût le meilleur concert que j’ai fait en 2006. merci encore à yann de silence radio de m’avoir invitée. phoene @ haiku bang !

arnaud - le 18/07/06 à 00:20
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Attention, on parlait là du concert des Islandais de juillet 2005 !!! Je pense qu’on a de grandes chances de succomber au xcharmes groupe sur scène quand on le voit la première fois.... Mais au risque de jouer les vieux cons, Sigur R. a quand même perdu un poil de son intensité en comparaison avec les sets de 2002/2003... ; )