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publié par benoît le 29/04/09
Sigrun Sauerzapfe - « Seule dans l'appareil avec le sujet »

Formé à la perfection technique, l’œil de la photographe allemande Sigrun Sauerzapfe sait aussi divaguer sur les objets du quotidien ou s’évader au gré des rencontres, de la Baltique à la Méditerrannée où elle s’est installée.

Depuis combien de temps fais-tu de la photo et comment as-tu commencé ?

La photographie m’a fascinée dès l’âge de six ans quand mes parents m’ont offert mon premier appareil 100% automatique. C’est bien plus tard que j’ai découvert le coté technique, pendant mon apprentissage à Hamburg, dans le grand studio photo Otto, spécialisé dans la photographie publicitaire (catalogue, mode, nature morte...). Je travaillais avec des appareils très performants, Sinar et Hasselblad à dos numérique. Otto est un grand studio qui avait les moyens !

Parallèlement, je réalisais mon travail personnel en argentique dans un labo artisanal. C’est ce qui m’a amenée vers la photographie « non arrangée » - reportages, situations de la vie, portraits... J’ai appris à voir ce qui se passe autour de moi, je me suis détachée de la perfection de l’image, j’en ai accepté les défauts.

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Ebony Bones, festival Marsatac, septembre 2008

Quel matériel utilises-tu maintenant, et comment traites-tu tes images après la prise de vues ?

J’adore travailler en argentique, attendre les mini-tirages et les trier sur une grande table avec les mains. Mais souvent, mon reflex numérique prend le dessus, c’est une question de budget et de rapidité. J’essaie toujours de ne pas retoucher après. Il faut être précis au moment de la prise de vue, c’est là que j’apprécie d’avoir des bases techniques solides. Mais ce n’est pas toujours évident, et photoshop est parfois bien utile...

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Tricky, espace Julien, Marseille, novembre 2008

J’ai l’impression que parler de retouche est un peu tabou chez les photographes, ou secret, du moins...

En ce qui me concerne, pour une photo événementielle, ça ne me dérange pas d’effacer un détail qui « gène » pour rendre l’image plus lisible, je ne trouve pas ça honteux. Mais je ne me permets que des choses très basiques. Je suis impressionnée par les gens qui sont super forts en retouches, en montages, il y a de vrais talents dans ce domaine.

Pour un portrait, où c’est moi qui compose l’image, qui réalise l’idée, je me contente d’un « développement » à partir du fichier RAW (le « négatif » numérique, ndla), sans recadrer ni retoucher.

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Saul Williams, Marsatac, sept. 2008

Penses-tu que certaines personnes soient particulièrement photogéniques ?

Je pense que oui et je le sens surtout au moment de prendre la photo. A travers l’appareil, je vois l’ambiance, je sens l’esprit de la personne et je pars dans un univers intime, même si cette personne se trouve sur scène. Parfois j’ai l’impression d’être seule dans l’appareil avec le sujet.

Une expérience (bonne ou mauvaise) qui aurait changé ta façon de travailler ?

Pendant le festival Marsatac en 2008, je me suis retrouvée à côté de Patrice, backstage. Pendant un moment je suis restée sans rien faire, mais j’avais très envie de le photographier. Finalement je lui ai demandé de prendre ses chaussures en photo. Il m’a regardée, il a dit : ‘’oui pourquoi pas’’ et j’ai pris la photo. J’ai senti qu’il était un peu perplexe, on a parlé un peu et finalement j’ai senti le moment de faire un portrait de lui. Je la trouve belle cette photo car il y a une émotion, une histoire autour. Ce sont des instants comme ça qui me motivent, je sens l’énergie, l’émotion, c’est le moment où il faut déclencher. J’aime bien intervenir et arriver à mettre le modèle à l’aise pour faire le portrait. C’est comme un défi qui me motive chaque fois, surtout si je ne connais pas du tout la personne.

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Patrice, festival Marsatac, septembre 2008

Des projets ? une expo ?

Oui, une expo à Marseille tout le mois de mai. J’expose dans l’atelier d’un tapissier, puisque l’expo est consacrée aux fauteuils, chaises et canapés abandonnés. J’ai été touchée par le "destin" de ces objets dans la rue m’ont fait penser à tout les gens qui vivent dehors, qui sont exclus du système, et qui sont invisibles pour beaucoup d’entre nous. Avec mes "Lost Souls" j’essaie de sensibiliser les gens, de leur ouvrir les yeux, de montrer les histoires qui se passent autour d’eux pour amener plus d’humanité dans notre monde trop anonyme. Je vais essayer de faire participer le public, leur demander de se laisser inspirer par ces "Lost Souls" et de raconter une histoire. L’idée est de collectionner toutes les histoires et de publier un livre pour toutes les « âmes perdues », en quelque sorte.

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Toutes les photos de l’expo ont été faites en argentique et développées en traitement croisé, c’est-à-dire que j’utilise des films diapo développés comme des négatifs, ce qui donne un résultat assez contrasté avec des couleurs pêchues. Les tirages sont sur toile 70x50.

- propos recueillis par benoît derrier le 25 avril 2009 -

les blogs de sigrun sauerzapfe :

> http://photo2mars.blogspot.com/

> http://siggi-s.blogspot.com/

à lire aussi : les interviews de vinciane verguethen et robert gil

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publié par le 29/04/09