Nous voilà à la la troisième et dernier journée du Pitchfork 2017. Aujourd’hui il n’y a qu’un nom qu’on connait vraiment bien à l’affiche et c’est du... hip-hop... Mais pas n’importe qui : Run The Jewels c’est le genre de groupe qui arrive à dépasser les clivages, à la manière d’un Cypress Hill jadis et surtout pour les avoir vu à Rock en Seine il y a quelques années on sait que ça fonctionne très très bien en live. Pour le reste, on a eu des échos intrigants de Jacques, ce qu’on a écouté de BADBADNOTGOOD nous a paru intéressant mais c’est à peu près tout. A la lecture des bios des artistes du genre on sait qu’il y a peu ou pas de rock aujourd’hui mais c’est bien de sortir de sa zone de confort, de se présenter sans idée préconçue face à un groupe et de découvrir en live.
Sigrid
Ça fait un peu bizarre de voir la pop très mainstream au Pitchfork et pourtant Sigrid, c’est essentiellement ça, de la pop toute en mélodie, enjouée, aérienne voir mignonne comma le jeune fille qui la chante, une norvégienne de vingt ans à peine. Mais bon... même la musique manque de mordant, d’originalité, que le style n’est pas vraiment notre tasse de thé, il y a un groupe qui joue bien, pas un playback et Sigrid a une énergie et montre tant de plaisir à être là qu’on a pas envie de faire les rabats-joies. Surtout qu’il y a quand même un joli brin de voix et certaines chansons sont plutôt efficaces.
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Songe
Pas des masses d’info sur Sônge, un EP au compteur et du buzz pour cette jeune française qui se présente toute seule sur scène dans une semi-obscurité bleutée, on distingue juste sa silhouette vêtue d’une sorte d’imper recouvert de matérière translucide, entre mannequin d’un défilé de mode et l’extra-terrestre d’une série Z. Des LEDs intégrées dans ces lunettes lui éclairent les yeux et le haut du visage et c’est à peu près tout. Niveau scénographie c’est plutôt une réussite pour capter l’attention. Musicalement c’est de l’électro préenregistrée en grande majorité, plutôt réussie, la base rythmique c’est de la boite à rythme classique mais il y a toujours des sons intéressants dans les couches qui s’empilent en support à la voix. Qui n’est pas mal du tout. Le gros problème c’est que c’est quand même assez répétitif et que passé l’effet initial de la mise en scène, ce n’est pas simple de faire vivre cette musique toute seule sur une grande scène. On finit par se lasser un peu mais c’est déjà franchement bien pour une chanteuse électro en solo de réussir à retenir notre attention aussi longtemps.
Tom Misch
Voilà le deuxième concert improbable du jour à Pitchfork, après la chanteuse pop aux hymnes très mainstream, voilà un groupe avec un guitariste qui fait des soli de guitare jazz bavards et qui fait vibrer avec ça nos chers hipsters pitchforkiens. On a beau se frotter les yeux, c’est bien pour de vrai, Pitchfork qui célèbre l’héroisme guitaristique, s’ouvre au real book et aux accords de 7ème diminués. Bon y a un truc quand même : Tom Misch joue de la guitare jazz mais sa musique mélange plein d’autres choses en particulier du chant hip-hop et des rythmiques plutôt dansantes, tandis que les complexités harmoniques sont souvent lissées, il n’y a pas de grosses dissonances ou de bizarreries déstabilisantes. C’est une idée intéressante et qui tient la route sur quelques morceaux mais ce qui finit par déranger c’est le côté presque easy listening de la musique, tout semble un peu lisse chez Tom Misch, on pourrait tout à fait entendre ces titres au Monoprix ou sur une musique d’attente. On est un peu méchants et ce sentirait presque coupable tant le guitariste et son groupe sont sympathiques et bien sûr très bons musiciens mais c’est loin de suffire à nous passionner.
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Loyle Carner
Notre principale interrogation sur Loyle Carner c’est de savoir pourquoi diable il a passé tout le concert avec le doigt appuyé sur sa narine gauche, tout en tenant dans l’autre main son "doudou", une sorte de vêtement qu’il ne porte pas mais qui ne le quitte pas non plus. A part ça c’est du hip-hop c’est certainement pas trop mal dans le genre mais on en ressort sans opinion, positive ou négative, juste un "c’est pas mon truc et il ne m’offre aucun point d’accroche pour rentrer dans son univers"
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Jacques
Il est beau et bizarre Jacques avec son espèce de tonsure, son mini labo musical de savant fou avec des dizaines de pédales, de machines, des centaines de câbles et plein de petites loupiottes de toutes les couleurs et des dizaines de drapeaux qui remplissent tout le reste de la scène. Si ça ne suffisait pas, il fait aussi de la musique concrète avec un aquarium, une structure en méta, un tuyau, des peignes etc... qu’il sample en live et fait passer dans toute son installation. Pendant le set, il montera aussi chanter sur un escabeau avec un parapluie. Bref il se passe toujours quelque chose pendant un concert de Jacques et si sur disque on ne serait pas forcément captiver par le résultat, une électro qui reste assez répétitive et pas si originale que ça, en live c’est tellement bien mis en scène qu’on reste scotché devant ce spectacle.
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Princess Nokia
ça commence pas trop mal pour la rappeuse américaine, Princess Nokia qui a déjà un public de fans apparemment, qui connaissent par cœur les paroles de son Tomboy. Ce titre-là est plutôt pas mal minimaliste mais rentre-dedans qui contraste avec le personnage, souriant et pas du tout dans les attitudes associées au hip-hop, on découvre vite aussi que c’est une féministe très engagée dans le discours comme dans les actes d’ailleurs, lors d’un concert précédent elle n’a pas hésité descendre dans la fosse régler ces comptes avec quelqu’un qui d’après elle lui adressait des remarques sexistes. Malheureusement pour nous qui ne sommes pas fans de hip-hop, ça ne suffit pas et au bout de quelques titres comme le ventre réclame son du, on se dit qu’il est l’heure du fameux pulled pork de Pitchfork, désolé Princess.
BADBADNOTGOOD
Encore une formation jazzy au Pitchfork ? et oui, mais pourquoi pas, si la guitare virtuose de Tom Misch ne nous a pas passionné, la flûte traversière ou le saxophone pourraient eux réussir. Dès le départ, les canadiens de BADBADNOTGOOD nous propose quelque chose de dépaysant, pose un groove entraînant avec leur basse-batterie efficace. Sur tout un set, il y aura quelques moments un peu moins réussis mais la mission est quand même remplie au global avec une mention particulière pour un batteur qui fait des choses vraiment impressionnantes mais tout en gardant son rôle premier de fondation et de métronome pour les autres. C’est vraiment cette capacité des instrumentistes à montrer de la virtuosité, sans rendre laborieuse ou démonstrative la prestation d’ensemble. Alors que pour nous, totalement ignares du jazz, on a l’impression d’entendre tout le temps la même chose, ici les morceaux semblent aussi vraiment raconter chacun quelque chose de différent, avoir dès les premières notes une ambiance qui leur est propre.
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Run The Jewels
Killer Mike et El-P débarquent sur la scène du Pitchfork sur fond de « We Are The Champions » de Queen, rien que ça. "Hello Paris we are Run The Jewels and we came to burn this stage to the motherfucking ground" (Bonsoir Paris, on est Run The Jewels et on va mettre le feu à cette putain de scène )... Le ton est donné et surtout la promesse est tenue... Si vous avez lu toute notre série d’articles sur le pitchfork 2017, vous devez vous douter qu’on est loin d’être des amateurs de hipèhop mais Run The Jewels, difficile à dire pourquoi mais que ce soit ce soir au Pitchfork ou à Rock en Seine précédemment ils ont un truc... certainement que ça tient la personnalité du duo sur scène, certainement que la musique sur laquelle ils posent leur lyrics y est aussi pour quelque chose. En tout cas, il y a la même énergie ravageuse qu’un RATM, un flow ultra-efficace avec une voix qui fait le débit mitraillette tandis que l’autre appuie certaines paroles. Derrière les rythmiques sont assez simples, les sons parfois presque "technoïdes" à la Prodigy ou Asian Dub Foundation mais ça participe aussi à la forme de transe qui s’installe quand on s’immerge dans la musique du groupe de préférence dans les première moitié du public où c’est vraiment la grosse fiesta.