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publié par Mickaël Adamadorassy le 22/02/06
Shooting Dogs

Si j’avais su...

Si j’avais su d’abord que Michael Caton-Jones, le réalisateur de Shooting Dogs, était par ailleurs le réalisateur du chacal et de basic instinct 2, je ne pense pas que je serais allé voir ce film. Surtout que le synopsis n’a rien d’attrayant après une dure journée. Pourtant cela en valait la peine, même si Shooting Dogs est loin d’être parfait. Parce que si Michael Caton-Jones avoue ressentir la lassitude d’Hollywood, il ne s’est pas non plus découvert soudainement une audace, un génie capable de transfigurer l’angle choisi par le scénario, particulièrement classique pour ce genre de film, un angle double en fait : celui de la jeunesse et des idéaux mais aussi celui du pragmatisme et de la foi, à savoir un jeune bénévole et un vieux padre qui n’en n’est plus à sa première guerre.

Ca ne sera pas non plus la force des images qui frappera, même si le travail est honnête, non plus l’interprétation des acteurs eux aussi plutôt bons.

Michael Caton-Jones n’a en fait pour lui que la force de la vérité, celle des détails en particulier, qui décuplent l’atroce, qui vous font rentrer dans la machine et vous montre avec quelle minutie un génocide (ou plutôt un acte de génocide, vous verrez la distinction est cruciale) de près d’un million de personnes peut être réalisé en moins de cent jours. quelle inertie criminelle, odieuse, l’ONU aura manifesté (et qu’aurait-elle pu faire quand un représentant rwandais y siégait, quand la Belgique a une part non négligeable dans le désastre du pays, quand la France magouille pour sauver les bourreaux ?).

Si j’avais su... là on a tous su, je m’en rappelle encore. Mais ce film montre l’ensemble cohérent, un travelling dans le temps et les esprits, là où on nous a offert des plans épars, un montage partiel d’informations sans contexte. Et plus il montre l’envers du décor qui donne une autre dimension à l’horreur, comme les listes de tutsies dressées peu avant la mort du président Hutu qui allait servir de prétexte au génocide. Rien à voir avec une vengeance spontanée. ah oui il faut que je vous dise pourquoi les braves gens de l’ONU ont toujours fait attention à ne pas dire "génocides" mais "actes de génocide". Parce que s’il y a génocide, les forces de l’ONU auraient été obligés d’intervenir. Alors les massacres ne sont que des actes de génocides mais pas un génocide, à croire qu’il y a une gradation dans l’horreur...

C’est ce genre de choses que ce film vous apprend, il a ses défauts et ses qualités cinématographiques, mais il a une valeur en termes de connaissances et de réflexion, comme un documentaire donc (à mon avis une formule plus appropriée).

Des connaissances à mettre en perspective peut être à la lumière de l’actualité du jour peut être : des accusations de corruption sont portées contre l’organisme de maintien de la paix de l’ONU (cf le monde).

Alors que de gentils parlementaires (dont certains, bizarrement de droite :) , ont fait voter un bel arsenal de lois pour réduire les droits de la défense ) font leur chasse aux sorcière sur l’affaire Outreau, personnellement je me demande pourquoi on n’a jamais fait le procès de l’ONU dans cet affaire.

Peut être parce que tout le monde connaît déjà le verdict, l’ONU n’a guère plus de valeur qu’un alibi. Plus d’infos sur le génocide rwandais : le monde diplomatique - wikipedia

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Derniers commentaires
E. Gutowski - le 06/03/06 à 15:37
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Moi je suis déçue que le film n’ aille pas plus en profondeur dans les responsabilités de la France et des autres pays Européens toujours pourtant prompte donneurs de leçons. Les responsables du génocides vivent tranquillement sur le sol français alors que le Rwanda meurt encore aujourd’hui de ses blessures...

Delmasse - le 10/03/06 à 17:58
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"SAVING A DOG" ou comment la France tirait les ficelles du génocide des Tutsis

Une édifiante critique du film figure à l’adresse ci-après, et indique comment la France a tiré les ficelles de ce génocide

Cliquez ici ...

Extrait de la critique tirée de : Un étendard sanglant à laver (4 ème partie) (info # 010803/6)
Par Serge Farnel © Metula News Agency

Tuer les chiens…

Ce mercredi sort dans nos salles le film Shooting Dogs, dont la Ména a assisté, en avantpremière, à la projection. Nous vous conseillons vivement d’aller voir ce film qui retrace les circonstances dans lesquelles, le 11 avril 1994, fut perpétré l’innommable massacre des Tutsis réfugiés au sein de l’Ecole technique officielle (ETO) de Kigali. Cet établissement, administré par des prêtres catholiques salésiens, était, au moment du déclenchement du génocide, placé sous la protection de soldats belges de la Minuar (force onusienne au Rwanda), ce qui explique l’afflux de Tutsis venus y trouver refuge dès le 7 avril. Quatre jours plus tard, les soldats belges, emboîtant le pas des soldats français venus évacuer les ressortissants occidentaux, quittèrent l’ETO sans préavis, abandonnant plus de deux mille réfugiés aux milices génocidaires qui n’attendaient que ce départ pour commencer le massacre.

Le producteur et coscénariste David Belton travaillait en 1994 à Kigali pour la BBC. Ce film répond à son besoin de « rendre hommage à tous ceux dont les télévisions du monde entier ont
refusé de montrer la mort en direct sous des prétextes fallacieux ». Les personnages principaux sont un prêtre catholique, un jeune coopérant et le capitaine Luc Lemaire, chargé des soldats basés à l’ETO. Ces casques bleus faisaient partie du Kibat II du contingent belge. Malgré des efforts pour alerter l’opinion par le biais d’une équipe de la BBC alors présente sur les lieux, le coopérant allait bientôt devoir choisir entre mourir au côté des Tutsis ou profiter de l’évacuation offerte alors exclusivement aux Occidentaux.

Si ce film met en évidence l’impardonnable abandon des Tutsis par les forces de l’ONU totalement dépassées, on lui reprochera néanmoins, en ayant excessivement zoomé, aussi bien spatialement que temporellement, sur l’événement proprement dit de l’abandon des réfugiés, d’avoir fait l’impasse sur la présentation du mécanisme qui amena à ce massacre. Du processus de fomentation du génocide !

Contrairement aux forces françaises qui avaient anticipé la déroute des forces onusiennes, le contingent belge de l’ONU, traumatisé par le massacre de dix des leurs, a lui, au contraire, dû subir la situation. Le frère Gaspard Nteziryay, qui a témoigné pour African Rights, estima ainsi que « les soldats belges montraient leur dégoût pour leur incapacité à nous protéger ou à se protéger eux-mêmes ». C’est également le témoignage de Vénuste, qui fit part à African Rights de son impression que les soldats belges avaient peur. Ces témoignages ne sauraient, en aucun cas, bien sûr, justifier qu’on abandonne ainsi qui que ce soit à des tueurs.

Mais ils sont susceptibles d’expliquer en quoi les deux situations que furent celles des forces françaises et onusiennes, qu’on aurait pu, en première analyse, être tenté de comparer, étaient, en définitive, très loin d’être équivalentes.

[...]

La France tirait les ficelles

Les militaires français qui […] dirigeaient de fait l’armée rwandaise, avaient choisi leur moment précis pour intervenir à l’ETO. C’est ainsi que notre armée mit la force onusienne, responsable, en principe, de la protection des expatriés européens et des civils, devant le fait accompli. Le capitaine Luc Lemaire, de la force belge de l’ONU, à l’occurrence de l’arrivée des Français, requit et obtint de ses supérieurs l’autorisation de quitter l’ETO. Ayant, au préalable, reçu du Lieutenant-colonel Dewez l’ordre de se rendre à Gitarama afin d’évacuer des ressortissants belges, il profita de la sécurité offerte par l’escorte française pour évacuer son détachement et abandonner les civils sous sa protection à un massacre certain.

Les excellentes relations de l’armée française avec les génocidaires sont confirmées par de nombreux témoignages concordants rassemblés par African Rights. Notamment par le père Jean-Paul Lebel, qui a indiqué que les Français étaient venus car leurs relations avec les locaux étaient plutôt bonnes alors que les Belges « craignaient l’hostilité locale ».

Le rapport d’African Rights fait état de ce que « l’arrivée des soldats français, reconnaissables au drapeau sur leur uniforme et à leur béret rouge, fut une source de consternation pour les réfugiés. » Le constat précise que « leur appréhension alla croissant lorsqu’ils virent les soldats de la Minuar rassembler leurs affaires, démanteler les fusils des tranchées, démonter leur tente et regrouper tout leur matériel vers l’un des bâtiments principaux ».

Emmanuel Rugangura, lié au Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), fut l’un des seuls Rwandais évacués. Il raconte son transfert par les Français : « Les rues de Kicukiro
étaient déjà jonchées de corps quand nous sommes partis. Alors que nous traversions, nous entendions crier “Vive la France !” parmi la foule (hutue) alignée aux bords des routes. » Il explique que son convoi fut ensuite dirigé vers le lycée français : « Lorsque nous sommes arrivés là, les soldats, probablement français, ne voulaient pas nous laisser entrer. Nous sommes restés à l’extérieur sous l’oeil narquois des soldats qui gardaient l’entrée. Un peu plus loin, à l’entrée du centre sportif de Kigali, il y avait un barrage routier tenu par les interahamwe. Ils sont venus nous menacer et nous ont dit qu’ils allaient nous tuer pendant la nuit. »
Le soir venu, le soldat qui gardait l’entrée du collège leur a dit de « dégager ». Emmanuel lui répondit alors qu’il préférait être tué par une arme à feu plutôt qu’avec une machette. « Il (le soldat français) a éclaté de rire et est parti. C’était comme s’ils se moquaient de nous. ». Le témoin explique ensuite qu’ils n’eurent pas d’autre choix que de passer la nuit à l’extérieur : « On a profité de l’obscurité et de la pluie pour se glisser sous les véhicules du parking de l’école. Nous étions environ treize. Le jour suivant, une dizaine de camionnettes sont arrivées pour évacuer ceux qui avaient passé la nuit au lycée français. Nous ne faisions pas partie d’entre eux. » Emmanuel doit sa vie au représentant du PNUD qui vint à sa rescousse en véhicule blindé et à qui sa femme demanda alors la raison pour laquelle on refusait de les laisser entrer au lycée. La réponse du coopérant du PNUD fut que Boutros Boutros-Ghali n’avait pas encore donné la permission d’évacuer les locaux.

Le père Louis Peeters a affirmé que, étant donné que « les Français avaient une certaine influence sur la politique rwandaise » (c’est le moins que l’on puisse en dire. Ndlr), « comme ils étaient présents au moment de l’évacuation, ils auraient facilement pu escorter les réfugiés jusqu’au stade Amahoro ».

Au lieu de cela, un témoignage tiré du livre Conspiracy to murder (Conspiration pour tuer) de
Linda Melvern (Editions Verso, avril 2004, $ 25), nous indique que « les Français promirent aux
gens qu’ils allaient rester. » Ce faisant, ils facilitèrent la fuite du contingent belge de la Minuar.

Saving a dog

Les Français n’ont évacué que des responsables politiques hutus proches du noyau dur génocidaire, au centre duquel oeuvrait Agathe Habyarimana, la veuve du président tué le 6 avril, elle-même évacuée par le premier avion en partance de Kigali et reçue avec des fleurs offertes par l’Elysée à son arrivée à Paris.

Évacuant les uns, les assassins menacés par l’avance du Front patriotique rwandais, et abandonnant les autres, les civils tutsis à leurs bourreaux, les dirigeants français ont ainsi fait la preuve de leur connivence avec les assassins.

Boniface Ngurinzira, un politicien en tête des listes des génocidaires parmi les personnes à éliminer, avait été amené, avant le 7 avril, à l’ETO, par les casques bleus. Il eut beau supplier les militaires français de l’emmener avec eux, ces derniers lui refusèrent cette faveur. Il fut l’une des victimes du massacre de l’ETO. Aujourd’hui, une Rwandaise a demandé réparation, par voie juridique, du fait qu’il fut abandonné, avec sa famille, par les soldats de l’ONU.

Ces mêmes soldats qui reçurent l’ordre de tirer sur les chiens qui, se nourrissant des cadavres du
génocide, commençaient à poser un problème sanitaire. On dit qu’ils commençaient à s’habituer au goût de la chair humaine… Le film Shooting Dogs montre que les soldats de l’ONU préférèrent tirer sur ces chiens plutôt que d’appliquer leur doctrine de légitime défense. Pourquoi ont-ils refusé de tirer sur les piranhas que constituaient les milices interhahmwe, dont le nom, signifiant « ceux qui frappent ensemble », rappelle précisément leur mode de prédation ?

Les amis des bêtes peuvent être rassurés, nous avons appris par l’émission TV BBC/Arte que l’opération Amaryllis avait réussi à procéder à l’évacuation... du chien de l’ambassade de France !

Par-delà l’horreur

L’argument défendu par le Quai d’Orsay, selon lequel les Français ne peuvent pas avoir participé au génocide, dans la mesure où il n’y aurait eu, au Rwanda, durant le génocide, que nos soldats participant à l’opération Amaryllis, et qu’il ne s’en trouvait pas dans ce pays avant le génocide,
procède d’une imposture intellectuelle, dont il importe de remarquer la nature hautement criminelle. Le Quai d’Orsay, dont les orientations dépendent uniquement du président de la République, a pris le parti de leurrer à tout prix l’opinion internationale afin qu’elle ne puisse jamais percevoir le mécanisme par lequel la France fut partie prenante de ce génocide.

La demande exprimée […] par l’ex-ministre des Affaires Etrangères, Michel Barnier, à son homologue rwandais, Charles Murigande, consistait en fait à obtenir que ne soit accordée à la France qu’une part artificiellement minorée dans le génocide des Tutsis.

Une portion de culpabilité que notre Etat aimerait, on le comprendrait à moins, partager à part égale avec la communauté internationale. Au point où nous en sommes des connaissances factuelles révélées et vérifiées, il ne s’agit ni plus ni moins que d’une grotesque tentative de nos dirigeants d’échapper à nos responsabilités. A l’instar des miliciens génocidaires qui fuirent en se diluant dans l’exode collectif couvert par l’imposture à dénomination humanitaire Turquoise, c’est la France officielle qui organise sa propre évasion, tentant de se fondre dans une contrition collective, comme si un Etat démocratique européen pouvait disparaître dans une foule anonyme.

Une France officielle qui pourrait faire usage du film Shooting Dogs, qui a, malgré ses nombreuses qualités, cédé quelque peu à la tentation artistique de renvoyer le spectateur à une culpabilité collective, nous rendant tous responsables de l’abandon des Rwandais à leur sort.

Ceci, quand bien même les maîtres d’oeuvre associés à ce génocide, à savoir certains militaires et
politiques français, sont pourtant aujourd’hui on ne peut plus clairement identifiés.

Le réalisateur Michael Caton-Jones a lui-même déclaré que la fiction lui avait permis de sensibiliser principalement le spectateur à « l’horreur de ce moment ».

Faire comprendre l’horreur par l’émotion est une chose. Mais encore faut-il donner au spectateur les clés qui lui permettent de comprendre que, derrière l’horreur des génocides organisés, se trouvent invariablement les concepteurs de ces tragédies. Nos enquêtes circonstanciées poursuivent l’objectif complémentaire de ceux recherchés par les auteurs de Shooting Dogs et Hôtel Rwanda. Il s’agit pour la Ména de démontrer les responsabilités au-delà du doute raisonnable. De donner les moyens à la société civile de traduire les coupables du génocide des
Tutsis – tous les coupables, quels que soient leurs fonctions, leur nationalité et le lieu
géographique où ils vivent – devant la justice des hommes.

Autorisation de diffuser de la Ména réf. LAV333090306SJ - Toute diffusion de cet article sans être au bénéfice d’une autorisation expresse de la Metula News Agency est contraire à la loi et passible de poursuites pénales.

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