Si j’avais su...
Si j’avais su d’abord que Michael Caton-Jones, le réalisateur de Shooting Dogs, était par ailleurs le réalisateur du chacal et de basic instinct 2, je ne pense pas que je serais allé voir ce film. Surtout que le synopsis n’a rien d’attrayant après une dure journée. Pourtant cela en valait la peine, même si Shooting Dogs est loin d’être parfait. Parce que si Michael Caton-Jones avoue ressentir la lassitude d’Hollywood, il ne s’est pas non plus découvert soudainement une audace, un génie capable de transfigurer l’angle choisi par le scénario, particulièrement classique pour ce genre de film, un angle double en fait : celui de la jeunesse et des idéaux mais aussi celui du pragmatisme et de la foi, à savoir un jeune bénévole et un vieux padre qui n’en n’est plus à sa première guerre.
Ca ne sera pas non plus la force des images qui frappera, même si le travail est honnête, non plus l’interprétation des acteurs eux aussi plutôt bons.
Michael Caton-Jones n’a en fait pour lui que la force de la vérité, celle des détails en particulier, qui décuplent l’atroce, qui vous font rentrer dans la machine et vous montre avec quelle minutie un génocide (ou plutôt un acte de génocide, vous verrez la distinction est cruciale) de près d’un million de personnes peut être réalisé en moins de cent jours. quelle inertie criminelle, odieuse, l’ONU aura manifesté (et qu’aurait-elle pu faire quand un représentant rwandais y siégait, quand la Belgique a une part non négligeable dans le désastre du pays, quand la France magouille pour sauver les bourreaux ?).
Si j’avais su... là on a tous su, je m’en rappelle encore. Mais ce film montre l’ensemble cohérent, un travelling dans le temps et les esprits, là où on nous a offert des plans épars, un montage partiel d’informations sans contexte. Et plus il montre l’envers du décor qui donne une autre dimension à l’horreur, comme les listes de tutsies dressées peu avant la mort du président Hutu qui allait servir de prétexte au génocide. Rien à voir avec une vengeance spontanée. ah oui il faut que je vous dise pourquoi les braves gens de l’ONU ont toujours fait attention à ne pas dire "génocides" mais "actes de génocide". Parce que s’il y a génocide, les forces de l’ONU auraient été obligés d’intervenir. Alors les massacres ne sont que des actes de génocides mais pas un génocide, à croire qu’il y a une gradation dans l’horreur...
C’est ce genre de choses que ce film vous apprend, il a ses défauts et ses qualités cinématographiques, mais il a une valeur en termes de connaissances et de réflexion, comme un documentaire donc (à mon avis une formule plus appropriée).
Des connaissances à mettre en perspective peut être à la lumière de l’actualité du jour peut être : des accusations de corruption sont portées contre l’organisme de maintien de la paix de l’ONU (cf le monde).
Alors que de gentils parlementaires (dont certains, bizarrement de droite :) , ont fait voter un bel arsenal de lois pour réduire les droits de la défense ) font leur chasse aux sorcière sur l’affaire Outreau, personnellement je me demande pourquoi on n’a jamais fait le procès de l’ONU dans cet affaire.
Peut être parce que tout le monde connaît déjà le verdict, l’ONU n’a guère plus de valeur qu’un alibi. Plus d’infos sur le génocide rwandais : le monde diplomatique - wikipedia
Moi je suis déçue que le film n’ aille pas plus en profondeur dans les responsabilités de la France et des autres pays Européens toujours pourtant prompte donneurs de leçons. Les responsables du génocides vivent tranquillement sur le sol français alors que le Rwanda meurt encore aujourd’hui de ses blessures...