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publié par Fabrice Privé le 21/03/25
Shannon Wright - La Sirène, La Rochelle - 15/03/2025
La Sirène, La Rochelle

La gestation de l’album Reservoir of Love s’est faite dans la douleur : celle intime de la maladie (auto-immune), celle sourde du deuil (perte des amis Steve Albini et Philippe Couderc). Cet opus constitue pourtant la grande et bonne surprise de ce début d’année 2025. Déjà parce que sa sortie intervient cinq longues années après celle de son prédécesseur : un Providence au piano-voix aussi somptueux qu’unidimensionnel. Ensuite parce que les diverses tonalités de la musique de Shannon Wright y résonnent donc à nouveau, et de manière vibrante. Enfin parce qu’il est animé d’une pulsation et d’une pulsion vitales retrouvées, et communicatives. Ce 13ème album de Shannon Wright, en comptant large, lui porte donc finalement chance. Une chance qu’elle a choisi de forcer et de se (re)donner. Une chance dont elle nous fait profiter ce soir, dans l’atmosphère feutrée du Club de La Sirène.

Le déjà mythique titre éponyme, en forme de profession de foi, amorce le concert : "I want a reservoir of love". Mais la suite balaiera bien 25 ans d’une œuvre riche et variée. Car si Reservoir of Love n’est pas sur-représenté dans la setlist, Shannon Wright en épouse les contours en allant piocher, dans ses autres albums, la même variété d’ambiances. Particulièrement dans l’excellent Over the Sun de 2004. Fulgurations noisy ("Fractured", "Commoners Saint"), vignettes brechtiennes ("Defy this Love"), ballades déchirantes ("Countless Days"), coups de boutoir ("With Closed Eyes")... L’atmosphère est donc très changeante. Seul le folk bizarre des débuts manque peut-être à l’appel.

Mais, dans la frénésie comme dans la solennité de cette musique , il y a une constante : l’intensité. Celle de la présence de Shannon Wright. Vocale, physique, gestuelle. On admire cette chorégraphie fluide qui la voit venir délicatement s’asseoir derrière son Wurlitzer avant de glisser sur scène pour ré-empoigner sa guitare. On ressent, à chaque instant, toute l’intention mise sous sa chevelure fournie, un paravent d’intimité autant qu’un casque pour repartir au combat. Avec le renfort déterminant et déterminé de cette section rythmique d’élite : les fidèles Kyle Crabtree et Todd Cook (ah... The For Carnation). En vrai power trio, ils auront su canaliser, pendant presque une heure et demi, une énergie mouvante qui se catalyse sur les magnifiques "You’ll Be the Death", "Who’s Sorry Now ?" ou "Black Little Stray" en fin de parcours.

(Pensée furtive - en mode balle perdue - sur le chemin du retour : pour avoir "récemment" vu Cat Power, le contraste était saisissant entre la vitalité pénétrante de Shannon et la sophistication imperméabilisée de Chan).

Merci à toute l’équipe de la Sirène !

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publié par le 21/03/25