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publié par gab le 18/09/09
shannon wright
- honeybee girls
honeybee girls

à relire d’anciens articles on se dit parfois qu’on ferait mieux de s’abstenir. Et de constater deux ans après que le chroniqueur qui ne sommeillait visiblement plus trop en nous était complètement passé à côté de l’article sur Let in the light, l’album précédent de Shannon Wright. De l’article mais pas de l’album, on se rassure comme on peut, qui lui avait imprégné durablement nos sphères auditives. Tout juste l’avait-on classé dans la catégorie des albums calmes mais « moins torturés qu’à l’accoutumé », vite fait comme ça sans s’attarder, comme si de rien n’était, alors que c’était une révolution qui en sous-main ourdissait ! Comment n’avait-on pas relevé le « There’s no fight left in me » de "St Pete" pour ce qu’il était ? Le manifeste d’une nouvelle Shannon Wright ou tout au moins d’une très significative évolution de son univers. Mais peut-être nous fallait-il un deuxième album pour nous ouvrir les yeux.

rupture

Et pourtant ce nouvel album, Honeybee girls, commence de façon on ne peut plus shannon-wrightivement classique avec trois morceaux qui auraient très bien pu se trouver sur de précédents albums que ce soit dans l’écriture ou l’interprétation musicale, si ce n’est pour ce même feeling « moins torturé qu’à l’accoutumé » à nouveau clairement palpable. C’est relativement subtile mais l’intention dans l’interprétation n’est plus la même, l’agressivité et le mal-être se sont dissous, et même les morceaux les plus dynamiques paraissent plus apaisés dans l’esprit. Concrètement ceci est bien entendu surtout décelable sur le chant, du moins pour les trois premiers morceaux car une fois assurée que l’auditeur a bien retrouvé ses marques, voici que Shannon bifurque vers de nouveaux espaces musicaux et qu’une véritable rupture dans l’album s’opère.

registre

Une fois n’est pas coutume, Shannon Wright s’éloigne donc d’un son très direct et un chant clair pour tenter de nouvelles ambiances plus feutrées mises en place au moyen de nappes synthétiques, de réverbe plus ou moins prononcée sur la voix ou encore de boucles électroniques. C’est d’ailleurs ce travail sur la voix qui frappe d’entrée de jeu et demande à l’habitué shannon-wrightesque le plus d’efforts d’adaptation. Il est clair qu’on ne l’attendait pas vraiment dans ce registre là mais, une fois l’adaptation réalisée, on ne regrette pas une seconde ces expérimentations. Surtout lorsque celles-ci mènent au troublant "Father", morceau le plus abouti dans cette nouvelle veine et accessoirement un de ses morceaux les plus marquants toutes périodes confondues.

tendance

Mais alors qu’on croit être entré dans le vif du sujet, dans l’univers sombre de cet album, voici que Shannon Wright nous reprend à contre-pied avec un "Sympathy on Challen avenue" à la musique presque légère et lumineuse, définitivement plus joyeuse (la musique, pas les paroles). Et ce sera ainsi tout au long de l’album, de découvertes en rebondissements, Shannon et son équipe brouillent allègrement les pistes et nous livrent un disque ressemblant fort à un album de transition, nettement moins homogène que par le passé, dans lequel ils explorent les différentes options à leur disposition sans se contraindre à choisir exclusivement l’une d’entre elles. Et si on ne peut que louer cet esprit défricheur, l’auditeur psychorigide qu’on doit être se trouve quelque peu décontenancé par tous ces changements de direction. On voit donc moins, au final, l’ensemble comme un album que comme une somme de morceaux, d’où notre tendance à revenir principalement sur les morceaux réellement marquants que sont "Father" et "Strings on epileptic revival". Les deux seuls morceaux au bout du compte sur lesquels on ne se pose plus de questions, où la réflexion laisse place aux sentiments, où le corps même épouse la musique ; deux chansons indomptables comme Shannon Wright sait si bien les faire.

penchant

Terminons comme l’album sur la reprise des Smiths, "Asleep", que Shannon jouait déjà en concert en 2001 à la guinguette pirate. Sans surprises, ce morceau se classe à nouveau un peu à part sur le disque mais sans pour le coup heurter nos sens le moins du monde. Il perd là son penchant suicidaire pour redevenir la berceuse enfantine qu’il sait si bien être et vient clore tout en douceur Honeybee girls. Une douceur qui sied parfaitement à Shannon Wright, tous ceux qui l’ont rencontrée (comme nous lors de cette récente interview) pourront en témoigner. Et qui sait, sa plus grande révolution, celle de la douceur extrême, est-elle peut-être déjà en marche ...

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publié par le 18/09/09