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publié par Sfar le 14/03/09
David Fakenahm
- Here and Now
Here and Now

La belle inconscience

Au départ c’est une histoire d’amis : l’ami d’un ami plus précisément. David Fakenahm, je l’ai d’abord croisé au détour d’échanges hargneux concernant cette "nouvelle" mouvance d’artistes folkeux qui m’insupportent au plus haut point. tous ces apôtres de Ray Lamontagne sont, à mon avis, responsables du ramollissement général de la planète indé pop rock beurfolk de ces derniers années. Et vas-y que je te prends une guitare et que je chantonne avec ma voix plaintive #22 histoire d’attendrir de pauvres âmes charitables et bien naïves. Mais qu’on se le dise : il y a encore sur cette planète des êtres que cela ne charme pas ! Toutes les époques et toutes les luttes connaissent leur lot de résistants. Et je suis fière de faire partie de ceux-là.

David Fakenahm, sans forcément revendiquer une filiation ultra folkeuse, ne cache pas non plus son goût et une belle connaissance de ce courant musical. Forcément, ces influences, pour moi nauséabondes, ne peuvent qu’être très présentes dans son nouvel album Here and Now. Autant dire que rien ne me prédestine à m’enthousiasmer plus que de raison pour une œuvre sans doute de qualité mais qui ne révolutionnera pas mon écoute musicale.

Alors, lorsqu’un jour de folie, dans un élan alliant témérité et belle inconscience, David Fakenahm me proposa d’écouter Here and Now et de lui dire ce que j’en pensais, voire de l’écrire ici-même, je ne sus pas s’il s’agissait-là d’une proposition honnête ou d’un sadique défi impossible pour moi à relever. Mais que s’était-il passé dans la tête de ce garçon ? Souffrait-il de masochisme, traversait-il une crise existentielle autodestructrice ? L’envie d’embrasser le diable était-elle plus forte que la peur d’une carrière brisée par la mauvaise foi et l’aigreur d’une rabat-joie qui ne pouvait pas aimer ses morceaux !

Du surprenant ...

D’abord, une première approche de l’objet très agréable : la pochette est superbe avec un très beau et doux graphisme réalisé par Nine Fakenahm. La qualité de production est indéniable. Quand on voit des artistes plutôt réputés et surtout censés être de vrais professionnels (les trois Z.L. avec leurs copains rappeurs honteusement cachés dans l’Angle Mort) nous proposer un album mixé avec des moufles avec un son dont on se demande si quelqu’un a passé plus d’une minute trente à le retravailler... et qu’en parallèle nous avons Here and Now, autoproduit, dont le son est très pur et les arrangements fort judicieux, cela met en bonnes conditions pour apprécier cet album.

Et pourtant tout n’est pas gagné, de manière fort logique je débute l’écoute par la piste #1. “10 minutes ago” ne m’inspire guère un enthousiasme musical, pour moi c’est trop mou, ce sont les genres d’accords à la guitare avec lesquels j’ai un peu de mal. Le chant est lourd et même avec un timbre et un phrasé assez proche d’Eddie Vedder, j’ai sincèrement un peu de mal à accrocher. Ce n’est pas grave il ne s’agit que de la première piste sur les 12 que proposent l’album. C’est alors qu’on enchaine sur “Can You See Love... ?” et là c’est... comment dire, pour moi de l’ordre du supplice car le morceau débute avec un chant choral un peu à la Beach Boy, mais voyez-vous comme si les Beach Boy avaient été mis sous une dose massive de Trangsène. (Il faut savoir une chose : en plus de mon allergie folk, les beach boy font partie de mes insupportables notoires). Pourtant, le morceau se poursuit plutôt agréablement, beaucoup moins lourd que le précédent, avec un peu plus d’entrain mélodique, voilà que je me plais à l’écouter dans son intégralité (ce doit être le second effet Beach Boys).

C’est à ce moment que l’angoisse de l’effet dominos me saisit. j’ai du mal à entrer dans l’album et si je poursuis mon écoute et que pour moi c’est encore pire ? je me refuse à dire du bien de quelque chose que je n’aurais pas aimé ! Il ne manquerait plus qu’on fasse comme sur d’autres webzines ! Sur Le Cargo ! nous n’avons pas peur de dire la vérité au risque de lancements de fatwas Mendelsoniennes ou Stuck in the soundiennes à notre encontre. Si je chronique cet album, c’est un coup à perdre l’ami de mon ami et par ricochet à perdre mon ami Harpo’s thumb ! Défilent alors dans ma tête dix mille excuses que je pourrai toujours fournir à David quand il viendra aux nouvelles. Après avoir retenu les deux plus crédibles : celle du tsunami qui a atteint Strasbourg emportant ma cdthèque au passage ou celle de « c’est mon chat qui a mangé ton album avant d’avoir pu l’écouter », j’ose quand même la poursuite des 10 titres restant.

...au passionnant

C’est alors que se produit pour moi ce qui tient du miracle musical. Les morceaux s’enchainent et le charme opère de plus en plus. Ahhh cette voix grave, ce chant, rien de plaintif, c’est sombre, c’est beau, c’est pur. Que ce soit avec “Floods”, “No Talk No Love” ou “Forbid” les mélodies sont entrainantes et envoûtantes. Les morceaux plus doux sont tout aussi agréables : “30 Years And 66 Days”, “21st Century Bitch” ou “Cardboard” nous emportent en pleines errances nostalgiques et mélancoliques. On se plaît à les écouter et les réécouter. Tous ces morceaux naviguent joliment dans nos têtes. parmi la douzaine de titres de Here and Now on ne trouve pas une, ni deux mais trois (OUi m’sieurs, dames) pas moins de trois perles musicales absolument remarquables. Quel régal : que ce soit à l’écoute d’“Untitled #1” avec son riff de guitare magique et entêtant, du planant instrumental “Wood” ou encore avec le tubbesque “The Man Who Told Stories” dans la lignée des plus beaux voyages que pourrait proposer un Eddie Vedder.

Mais pourquoi j’aime donc ce qui est censé être pour moi un album de la pire espèce ? Sans doute parce David Fakenahm n’est pas un artiste folk pur et dur, parce que dans ses réalisations passées, il a aussi touché au rock et à la pop. Même si Here and Now est à forte dominante folk, il s’agit là d’un ingénieux mélange des genres. Il y a dans cet album une qualité de réalisation et d’interprétation indéniable. Ce travail soigné a su allier inspiration, douceur et efficacité.

L’album de David Fakenahm va bien au-delà d’un album de découverte d’un artiste inconnu (ou peu connu). Here and Now est à la fois un aboutissement et une mine de richesses artistiques que l’on commence tout juste à exploiter. Vivement la scène et les futurs projets.

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publié par le 14/03/09
Derniers commentaires
Bertrand - le 14/03/09 à 13:28
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Tu donnes envie d’écouter des disques.

ChloroPhil - le 14/03/09 à 16:01
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c’est bien de lire une chronique (honnête) qui commence mal (pour l’artiste) et qui finit bien... envie d’écouter (ou plutôt de re-écouter) ce que fait l’ami Fakenahm du coup !

alex ! - le 14/03/09 à 22:07
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Je confirme tout le bien que tu écris à la fin de ton article. J’ai moi aussi fait l’acquisition de Here and now, et après 2 ep et un 1er album prometteurs, cette dernière réalisation confirme tout le bien que l’on pouvait penser de David. Untitled#1, Forbid et The man who told stories sont de vraies pépites, mais le reste vaut aussi sacrément son pesant de cacahuètes.

Informations

Sortie : 2009
Label : Autoproduit