Ce début de septembre est un peu frustrant pour l’amateur de séries : celles qui ont occupé notre été s’achèvent mais celles qu’on regarde le reste du temps n’ont pas encore repris. Alors quand on tombe sur le pilote d’une série qu’on connaît pas, on a vite fait de le récupérer et puis si ça s’appelle Revenge et que le g est écrit avec le symbole de l’infini, on se dit qu’il y a peut être plus à creuser que le titre ne le laisse supposer.

Littles boxes

... et en fait non... le pilote de Revenge dessine les contours d’un soap assez classique ; dans le cadre déjà, une ville balnéaire américaine plutôt huppée (située par le terme générique « The Hamptons », qui se réfère à un ensemble de villes de Long Island comptant parmi les plus chères des USA), mais aussi dans les secrets que ce décor de rêve, le genre où l’on pourrait se croire toujours en vacances, doit forcément cacher.

Sur un modèle très féodal, on a au centre des intrigues les Grayson, la famille la plus riche de la ville, la mère, la fort justement nommée Victoria tient sa court avec les autres femmes riches de la ville. Avec tous les sourires un peu faux, les œuvres de charité qu’on organise pour se donner bonne conscience, tout ce qu’on attend en fait.

Et le père joue au golf, dans une chambre d’hôtel, avec la meilleure amie de la mère. Et leur fille est jeune, belle, met des bikinis trop osés mais elle a quand même des A dans toutes les matières. Et le fils adoré est à la fac, il a tout d’un bon parti mais l’été dernier il s’est encastré dans un arbre avec sa copine du moment sous l’effet de l’alcool. Lui a survécu, elle moins mais bien sûr influence familiale oblige il n’a été condamné à rien.

Queen Victoria

Bref on est assez content que la série soit censée appuyer là où ça fait mal et que l’héroïne soit si déterminée à obtenir sa revanche et faire voler en éclats les apparences... même si révéler les courants sous-terrains d’une petite ville tranquille, on a vu mieux niveau originalité...

Néanmoins Revenge a quelques cartes à jouer : déjà le fait que le rôle de Victoria soit revenu à Madeleine Stowe (actrice de cinéma, inoubliable dans « l’Armée des 12 singes » de Terry Gilliam par exemple), elle a une présence à l’écran, un mélange de force et de vulnérabilité qui donne à la fois envie de la détester dans son rôle de matriarche machiavélique ; et en même temps il a des signes qui montrent qu’il y a peut être plus derrière le cliché, qu’elle a encore un cœur pour souffrir. Par exemple cette lueur qu’elle a dans le regard quand elle découvre que son mari la trompe avec sa meilleure amie.

La comtesse de Monte-Cristo ?

Face à elle, il y a Emily VanCamp (Everwood, Brothers & Sisters), qui joue Emily Thorne, une nouvelle venue dans la ville qui n’en est pas du tout une en fait : elle y a habité avec son père durant son enfance, ce qu’on voit lors de petits flashbacks qui établissent la force de la relation entre le père et la fille, c’est simple sur le principe mais c’est très bien foutu et les acteurs réussissent à faire qu’on y croit.

L’Emily adulte c’est un peu plus compliqué, déjà dans Everwood, j’avais trouvé un côté un peu lisse, un air de poupée à Emily VanCamp, en même temps il faut reconnaître qu’elle est plutôt jolie et que quelques années en plus réussissent à faire qu’on la voit un peu moins comme la jeune ado d’Everwood, qui est d’ailleurs le contre-pied total de son personnage de Revenge. Pour l’instant elle se débrouille plutôt bien, ce côté un peu lisse finalement colle plutôt bien à la psychologie d’un personnage totalement dévouée à sa vengeance et qui en pressent déjà les limites (à commencer par la solitude)

Judas

Car on parle de bien de vengeance dans cette série et vous vous demandez peut être de quel acte scélérat Emily demande la réparation : si Emily est de retour dans cette ville, après un passage en bad girl teinte en brune dans une prison, c’est pour venger son père, trahi par ceux qu’il pensait être ses amis et accusé à tort d’avoir financer des terroristes (d’où une scène un peu facile où on voit un commando en armes s’emparer du père et de la fillette terrorisée..).

Et parmi ces judas, il y a évidemment Victoria Grayson qui était la maîtresse du père d’Emily et on sent que la série s’oriente vers un face à face mortel entre ces deux personnages féminins qui ont en fait beaucoup en commun, à commencer par l’amour pour un même homme et on est curieux de voir ce qu’il en reste derrière la façade de granit de Victoria.

C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes

Oui... nous sommes bien dans le pur soap, et ça ne tiendra pas à grand chose que ça tourne à la pure soupe mais pour l’instant les deux actrices principales réussissent à donner de la consistance à leur duel et puis dès le début on a pas mal à se mettre sous la dent avec le choix plutôt judicieux de casser la linéarité en présentant en ouverture de la série les fiançailles d’Emily et du fils Grayson, en soit c’est déjà étonnant mais la tournure que ça prend complique encore considérablement les choses et amène à se poser beaucoup de question.. mais là encore le procédé a déjà été maintes fois utilisé.

Beaucoup de facilité donc, pas mal de poncifs, et je ne vous parle même pas des incohérences ou des trucs un peu gros à avaler (une fillette blonde est impliquée dans un énorme scandale quand le FBI vient arrêter son père dans leur maison, 10 ans plus tard une jeune fille blonde vient habiter toute seule dans la même maison et personne ne fait le rapprochement, étrange quand même) mais bon il y a encore un petit goût de vacances dans cette série et Madeleine vs Emily, j’avoue, j’ai envie de voir la suite.

C’est peut être là la seule originalité de la série, le fait que ce soit deux personnages féminins forts qui soient sur le ring et c’est plutôt agréable pour le spectateur, surtout qu’elles ont des techniques plutôt efficaces pour s’imposer face aux personnages masculins, soit juste par des injonctions verbales glaçantes (Victoria) soit en flanquant une bonne raclée à l’offenseur (Emily).