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publié par Mickaël Adamadorassy le 25/02/04
Sang et Or (talaye sorkh) - jafar panahi
jafar panahi

hussein est un petit truand sans ambition le jour et un livreur de pizzas la nuit. mais sa vie ressemble au fond à un crépuscule permanent, dans l’état de semi-hébétude médicamenteuse qui le caractérise. le film commence par sa tentative de casse dans une bijouterie, tellement mal planifiée qu’elle se finit de manière absurde et tragique quand l’apprenti gangster se retrouve piégé et finit par se tirer une balle dans la tête. le film raconte à rebours les évènements qui vont mener à ce dénouement. on suit hussein sur son scooter dans un téhéran séparé entre la ville haute et la ville basse, où le luxe et la misère se cotoient de manière sordide. au fil des rencontres d’hussein, de ses humiliations, de sa confrontation avec la richesse presque indécente des classes aisées, c’est aussi un portrait de la société iranienne que le réalisateur nous dresse.

une réalisation en or

sang et or est le troisième film de jafar panahi, un réalisateur déjà repéré et récompensé pour ces films précédents (une caméra d’or à cannes en 1995 et un lion d’or à venise en 2000). sa nouvelle oeuvre se place dans la continuité de ce cv déjà prestigieux : la séquence d’ouverture du film place déjà la barre très haut, la manière dont le retour en arrière en particulier s’effectue est très bien pensée. plans, cadrages, lumières, tout est très bien léché et surtout aide à se glisser dans la peau d’hussein, à nous faire partager son état si particulier, cette lenteur, cette hébétude face à ce monde parfois chaotique auquel il doit faire face.

la violence est un désordre fondamental

car il est bien question de chaos, de désordre, dans la tête de hussein comme à l’extérieur puisque le film est fait de rencontres au hasard, d’accidents absurdes et tragiques. et c’est ce qui fait la qualité du film pour moi : en parallèle à la trame principale, ce patchwork de rencontres, d’évènements insolites venant un peu au hasard, qui en donnant de la profondeur aux personnages secondaires apporte aussi un éclairage sur le pays, sa culture et finalement, par un jeu des reflets plutôt réussi, sur le personnage principal. dommage qu’au final, ce procédé nuise un peu à la progression dramatique de l’histoire ...

un léger goût d’inachevé

le film fonctionne donc à rebours, ce qui fait qu’il n’y a pas de doutes possibles sur la fin. bien sûr après avoir été témoin de toute l’histoire d’hussein, le spectateur comprend beaucoup mieux comment ce personnage a pu en arriver là mais il y a comme un goût d’inachevé comme si le procédé narratif se retournait un peu contre l’histoire elle-même finalement. comme si, à force de se contenter de suggérer par petites touches, on avait fini par désamorcer un peu le côté dramatique et choquant de l’histoire. bien sûr, on peut objecter que le réalisateur évite de tomber dans le pathos mais il manque pour moi quelque chose pour faire de ce film déjà bon, un grand film et ce quelque chose on l’a manqué de peu. dommage... un autre reproche qu’on pourrait faire au film serait sa lenteur même si elle est une partie intégrante du personnage de hussein. il y a quelques séquences où le refus de l’ellipse provoque la lassitude, l’intérêt n’étant maintenu que par le côté incongru de la situation, dans le cas des policiers en planque qui arrête des fêtards et où l’on voit la même scène se répéter au moins cinq ou six fois.

au final, même si on se perd un peu à la fin dans les tiroirs de ce film ambitieux, son scénario très bien ficelé et plutôt "frais", l’interprétation convaincante du personnage de hussein qui donne beaucoup de substance à l’histoire et la réalisation sans faille qui ménage en plus quelques effets intéressants en font quand même un très bon choix. plus qu’un film de gangters comme on a pu le lire, sang et or est la vision critique d’un réalisateur doué sur les réalités sociales de son propre pays (où le film n’est d’ailleurs pas sorti en salles car jugé comme "trop sombre")

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publié par le 25/02/04