prétexte
la parution du deuxième album de rufus wainwright aurait pu servir de prétexte pour nous permettre une petite revanche sur dreamworks qui avait au moins mis un an à faire parvenir officiellement le premier album éponyme en france. après le matraquage eels, la maison de disques avait attendu 1999 pour nous régaler avec un magnifique ouvrage agrémenté d’un cd bonus (dont une reprise en français qui figure à present sur la b.o.f. du moulin rouge). mais à l’écoute de ce poses toute rancune est oubliée. rufus wainwright confirme son atypisme dans le paysage pop actuel. compositions hors-norme, production gracieuse et musicien hors-pair, il ne manquait que sa voix au timbre si particulier pour nous conforter dans notre passion.
gimmicks brouillons
"cigarettes and chocolate" ouvre cet album et se propose comme un lien logique, une merveille qui égale les "april’s fool" et "imaginary love" dont on se repaissait au fil des mois. la pureté du son est étonnante, à l’heure où beaucoup optent pour les gimmicks brouillons et l’on pourrait craindre une redite d’un premier opus parfait. au contraire l’artiste n’a pas peur d’explorer, de fuire en avant plutôt que de se reposer sur une recette fructueuse. à l’image de cette collaboration surprenante avec son confère d’écurie et membre des propellerheads, alex gifford sur un envoutant "shadows", où rufus wainwright ose noyer sa pop subtile dans les méandres d’expérimentation réussies.
même acabit
autres exemples : "the greek song" où des choeurs s’échappent d’un délicieux mélange de folklore et de pop, "evil angel" et son ambiance hitchcockienne qui n’a rien à envier au dernier jay jay johanson ou bien ce "tower of learning" qui sous son apparente facture pop classique prend un accent moderne avec un petit rythme sec et une guitare planante. en avançant dans cet album, on comprend mieux le leitmotiv de rufus wainwright et la politique de dreamworks. entre forest for the trees, les eels et elliott smith, rufus trouve sa place dans une entreprise de sophistication de la pop américaine traditionnelle. la présence de butch norton (batteur des eels) officiant aux fûts à l’occasion et sur scène couramment ne confirme que cette impression. comme les précédents eels, l’album de day one ou le folk amélioré d’elliott smith, la force des chansons de rufus wainwright réside en la saveur qu’elles procurent immédiatemment, une simple écoute devrait suffir à conquérir n’importe quelle oreille normalement constituée. des merveilles comme "grey gardens", "rebel prince" ou "the consort" auraient suffies à sauver de la médiocrité n’importe quel album. mais quand elles sont accompagnées de chansons du même acabit, plus que le respect, cet artiste mérite l’admiration. avis aux amateurs de la beauté, objective plus que jamais.