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publié par Renaud de Foville le 07/06/00
royal trux - jamais deux albums semblables

même si nous n’avons vraiment pas aimé le maxi waterpark on ne reste pas indifférent face à un groupe aussi entier et indépendant que les royal trux... une rencontre avec la chanteuse du groupe est un drôle de moment... impressionnante, c’est le moins que l’on puisse dire, elle reste d’une gentillesse incroyable devant mon anglais plus qu’approximatif et répond avec humour à toutes nos questions, même quand on ne parle plus musique...

le cargo ! : que s’est il passé entre le single waterpark et l’album pound for pound... cela n’a pas grand chose à voir, est ce le même groupe qui a fait les deux ?

royal trux : oui, c’est bien le même groupe ! c’est une approche complètement différente : nous n’avons jamais fait deux albums semblables, c’est trop ennuyeux. pound for pound a été enregistré en 4 jours, on a voulu faire passer le son que nous avons sur scène. c’est la raison pour laquelle le son est plus brut, spontané. water park et d’autres morceaux sur veterans & desorder ont été travaillés titre par titre sur un 24x32 pistes : on peut revenir à un morceaux, effacer, ajouter, « empiler ». le résultat final est en surface tangible et sensé mais de par cet « empilage » de sons et le travail de production, il se peut qu’à chaque nouvelle écoute tu découvres un détail que tu n’avais pas entendu auparavant. comme celui-ci est en quelque sorte une illustration de ce que nous sommes sur scène - bien que cela ne soit pas un album live - tous les morceaux principaux ont été enregistrés d’une seule traite, comme si on les jouait pendant un concert. nous n’avons rien effacé, rien retiré. quand on n’aimait pas le résultat, on recommençait tout du début. c’est pour ça que ces deux albums ont des sons très différents.

le cargo ! : pound for pound est votre dixième album, n’est ce pas (plus des mini album et des remix) ? tout cela en un peu plus de 10 ans. pourquoi ce rythme ? avez vous beaucoup de chansons en stock ?

royal trux : non, pound for pound est notre neuvième album. on a fait neuf albums en onze ans. on est tout le temps en train d’écrire de nouveaux morceaux. ca coule de source pour nous, je suppose qu’on peut dire qu’on est naturellement faits pour ça, cela ne nous est jamais difficile. aussi, nous sommes les seuls maîtres de nos emplois du temps, on fait ce qu’on veut. tu vois, je pense que pour beaucoup de groupes, quand ils commencent à jouer ensemble, la musique est un moyen d’arriver a leur fin. par conséquent, plus cela fait longtemps qu’ils sont ensemble plus leur désir de décrocher un hit, ou au moins la reconnaissance du public, grandit. les années passées à atteindre ce but ne sont que plans marketing et autres plannings de sorties et tournées, etc... des trucs abstraits qui au final ne changent absolument rien. nous on ne fait pas de plans sur la comète, tout comme nous pensons que nos fans n’en font pas pour nous non plus. quand on enregistre pound for pound, ils savent qu’on ne recommencera pas une deuxième fois, que le prochain album sera différent. ils savent tout ça. certaines personnes préfèrent ou aiment moins tel ou tel album, mais au final c’est toujours du royal trux, ça fait partie d’un tout.

le cargo ! : vous avez la réputation d’être très intègre dans votre travail ? etes vous d’accord ? est ce un combat de tous les jours ou le seul moyen de faire les choses pour vous ?

royal trux : en fait, on a toujours procédé de cette manière, ça a toujours été comme ça. on a pas besoin de pression. travailler sous pression ça peut aussi être très stimulant mais nous on ne subit aucune pression pour faire quoi que ce soit. on a pas besoin de fric, on fait juste ce que l’on aime.

le cargo ! : est ce toujours les mêmes musiciens qui vus accompagnent en studio ou en tournée ? comment les choisissez vous ?

royal trux : neil et moi écrivons toutes les chansons ensemble. depuis le début, il y a onze ans, il y a eu un roulement de musiciens qui ont joué avec nous. les musiciens sur pound for pound jouent avec nous très régulièrement depuis un bout de temps en fait. ce sont les plus flexibles et les plus compétents de tous ceux avec qui nous avons joué. les possibilités avec le groupe tel qu’il est aujourd’hui sont presque sans limites. alors on reste ensemble jusqu’à ce que cela ne fonctionne plus. on est un groupe, on reste ensemble. et bien sûr on tournera avec ce line-up.

le cargo ! : travaillez vous juste à deux ou avec un producteur ?

royal trux : non, nous produisons tout nous même. on a fait appel à un producteur sur un seul album parmi tous ceux qu’on a enregistrés. c’était david briggs, tu connais ? il a produit les premiers neil young, easy action d’alice cooper, il a aussi produit spirit et 12 genes & doctor sardonic. c’est un type fabuleux, il a produit cet album pour nous peu de temps avant sa mort. sinon, on a produit tous les autres nous même. on fait aussi pas mal de production pour d’autres groupes. il y a plein de producteurs formidables, des tonnes. mais quand on fait appel à un producteur, il devient un mentor du groupe et on doit faire des... je ne veux pas dire compromis, mais en tous cas des révisions dans notre vision du projet, parce qu’il y a ce mentor supplémentaire du groupe et son job de former et d’organiser les chansons de l’album dans son ensemble et c’est un truc qu’on adore faire nous même. mais il y a beaucoup de producteurs très intéressants et avec lesquels il serait génial de travailler, mais cela ne vaut pas le coup de dépenser 60000$, du temps et de faire l’effort puisque nous sommes aussi producteurs. on vient de finir de produire un album super important pour un groupe de dreamworks, 8 semaines en studio - c’est long - c’était super et très stimulant. on a aussi produit le dernier album de delta 72 et le dernier brother jt, le dernier make up ou le dernier palace brothers. on a fait beaucoup de travail de production, on se considère comme producteur aussi. alors l’idée d’avoir quelqu’un d’autre aux commandes, c’est très excitant et je suis sûre qu’un jour on le fera. ca fera partie du tout, mais pas tout de suite.

le cargo ! : expérimentez vous beaucoup en studio ou est ce déjà très écrit ?

royal trux : oui, neil et moi écrivons les chansons ensemble : je joue au piano, j’improvise, je chante des bouts, j’écris des paroles et colle des mélodies dessus, il écrit et il trouve des mélodies, c’est un échange de vases communicants. les paroles c’est ce qu’il y a de plus important. chaque morceau traite d’un sujet différent, faut te les faire traduire par quelqu’un... ca ne parle pas de nous précisément mais cela vient directement de nos propres expériences. on parle de choses que l’on connaît, qu’on a vécues. oui, c’est le contexte qui est très vivant, comme tout contexte humain... j’veux dire un humain bien vivant, pas un mort ! nos paroles proviennent de nos expériences personnelles mais elles ne sont pas écrites afin de manipuler les personnes que les entendent, afin qu’il ressentent des sensations précises, comme la mélancolie, la tristesse, la joie. elles ne sont pas sensées influencer qui que ce soit. c’est pas évident de dire exactement ce que tu veux et d’être juste, sans imposer une émotion. ca fait partie de la tâche.

le cargo ! : avez vous fait une vidéo pour pound for pound ?

royal trux : on en fait pas de clips vidéo. on a joué dans des films et si.. on a fait deux vidéos, deux amis à nous qui ont réalisé des vidéos passant de temps en temps sur mtv, ils les ont réalisées pour nous. mais on ne dépense ni argent, ni temps, ni effort à faire des mini-films qui représentent ce qu’une chanson devrait arriver à faire passer sans. j’adore utiliser l’art pour présenter chaque album, mais en ce qui concerne l’image du groupe on est plutôt bigarré comme bande, on vient d’un peu partout, il n’y a pas « d’uniforme ».

le cargo ! : je crois que tu peins aussi ?

royal trux : oui, je peins. j’ai peint accelerator, je ne sais pas si tu connais cet album, j’ai peint notre coffret, j’ai peint notre album cats and dogs, l’album thank you aussi et j’ai fait tous les dessins pour notre album twin infiniive. je fais plein de choses de ce genre pour notre musique.

le cargo ! : qu’aimes tu en peinture ?

royal trux : j’aime tous les peintres, je pense que, s’il faut choisir, ? ? ? (impossible de comprendre le nom) est l’un de mes peintres préférés. bien que ce que je fais moi ne ressemble en rien à quoi que ce soit, mais quelque part je ressens un affinié avec son travail, c’est vraiment l’un de mes préférés. susan rockberg - j’aime aussi les vieux trucs aussi comme delacroix, c’est plus décadent, et j’adore énormément de choses chez picasso, rosenberg j’adore aussi - enfin tout ça ce sont des noms habituels - mais ce sont de très belles choses que j’aime regarder. en ce moment j’ai une artiste que j’adore, elle s’appelle rita ackerman - elle est de new york. je lui ai envoyé plusieurs peintures que j’avais et elle les a réuni en une seule pour le dos de la pochette de pound for pound. c’est une artiste géniale.

le cargo ! : et tu t’intéresses à d’autres formes d’art ?

royal trux : j’adore la photographie. oui, j’aime l’art nouveau, c’est abstrait comme christople qui fait des trucs barrés que j’adore. j’adore l’œil qu’à un photographe, plus encore que la photo papier en elle même. tout est dans cet œil, dans le regard pour moi. il y a des photographes qui sont connus depuis longtemps, mais moi j’aime vraiment tony richardson, nen golden... royal trux a un photographe dans son staff, elle s’appelle nina govayan. elle fait beaucoup d’expos, ses photos sont géniales.

le cargo ! : j’ai vu une expo au musée d’art moderne de paris et il y a avait une illustration sonore, aimerais tu faire cela avec la musique de royal trux ?

royal trux : oui, je ne connais personne ayant fait ça. il y a une artiste de londres, elyzabeth peyton, j’ai vu une émission de télé qui lui était consacrée, et elle utilisé notre musique comme fond sonore. en fait, j’en connais un autre, steve keen qui a fait plein de peintures de neil & moi & aussi des peintures abstraites inspirées de chansons à nous. en fait, pleins d’artistes nous envoient des trucs par la poste des dessins, des collages, plein de collages.

le cargo ! : pourriez vous créer à partir d’une œuvre d’art existante comme source d’inspiration ?

royal trux : à ma connaissance, dans mon enfance, la référence pour moi proche de ce concept, c’est andy warhol et le velvet underground. il y a aussi un groupe à new york, le no neck blues band qui travaille de cette façon. pleins de groupes essaient d’imposer ce genre de chose autour de leur musique afin de la développer a plus grande échelle. mais je ne sais pas faire apparaître sous une image plus large. je ne sais pas si ces mélanges sont toujours opportuns, ça peut être bien comme ça peut être nul... enfin pas nul, mais pas toujours réussi. le mélange n’est pas toujours réussi, enfin c’est une opinion subjective, personnelle...

le cargo ! : votre musique est largement influencé par blues ?

royal trux : oui, c’est influencé par le blues, mais aussi par augusto pablo, billy caughvan, aussi un peu de live experience de miles davies, les nouveaux orchestres de john mc laughlin & miles davies, ce genre de choses. la musique électronique ? the mood or the moog ? le moog était un de nos principaux instruments en 1989, quand personne ne l’utilisait. c’était ringard. on la utilisé sur un morceau sur 7 inch, en 1993. une chanson dansante, pleine de samples mais aussi de guitare live... c’est un morceau génial, je l’adore, je l’adore...

le cargo ! : est ce facile pour vous d’écrire ?

royal trux : oui, c’est facile d’écrire. faut juste pas trop penser, à moins que tu veuilles faire dans le cérébral et décortiquer, c’est à toi de choisir. mais pour ce qui est des sujets sur lesquels écrire, il y en a toujours.

le cargo ! : vous avez enregistré pound for pound très rapidement, un peu comme l’album de neil young avec les pearl jam...

royal trux : oui, en 4 jours. je connais cet album de neil young avec les pearl jam, il est génial, très immédiat... brut et différent ! tu vois, enregistrer un album et jouer live sont deux choses carrément différentes. alors quand tu fais un album qui se veut être une illustration de ce qu’est un groupe live, des fois il est perçu comme plus immédiat et stimulant parce que jouer live, c’est comme ça ! alors qu’un album enregistré instrument par instrument, piste par piste a tendance à être perçu comme plus profond, plus intense...

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publié par le 07/06/00