accueil > articles > albums > Rome Buyce Night

publié par arnaud le 31/10/05
Rome Buyce Night
- Luminaires
Luminaires

DEFINITION

épargnons-nous l’épineuse question de définition du terme post-rock que revendique Rome Buyce Night, groupe originaire de la région nantaise, dont Luminaires est le cinquième effort autoproduit. Nous dirons juste que la musique prend ici des allures instrumentales et expérimentales, refusant la facilité et mettant tout en œuvre pour ne pas tomber dans le systématisme.

RAPPROCHEMENTS

Loin de nous aussi la facile et sempiternelle comparaison avec les ténors du genre puisque les paysages sonores de l’album sont loin de calquer le schéma du crescendo orgasmique, ou celui de la chevauchée épique, toutes guitares (ou cordes) dehors. De ce fait nous passerons tout de suite à autre chose, en écrivant plutôt que Rome Buyce Night chasse sur des terres moins fréquentées. Celles de certains space-rockers tels Yume Bitsu ou Surface Of Eceon (membres actifs du collectif The Vessyl), pour les guitares noyées dans le delay (Hellojed). Sur le titre final (sobrement intitulé ---) parcouru par un piano délicat, on retrouve aussi des ambiances éthérées et contemplatives, comme celles construites par l’Islandais Stafrænn Hákon. Mais la nuance est toujours de rigueur, le planant toujours contrebalancé par un refus évident de la mélodie et un travail sur le côté répétitif, voire hypnotique, de la composition. Dans ce sens on est plus proche du psychédélisme de la fin des 60’s (période sonore aussi déclinée par Yume Bitsu et consorts), des dérives krautrock du Fly Pan Am (dans les petits motifs répétitifs qui apparaissent le long de Renov par exemple) ou des ambiances du dernier Tarentel.

FAUSSES PISTES

Le central Warpin/Warpout semble presque rendre hommage aux climats du We Move Through Weather des Californiens : rythmique soutenue mais s’appuyant essentiellement sur les cymbales, guitare au e-bow très présente, basse répétitive à l’arrière plan. Au premier abord tout semble être ici voué au chaos, mais au fil du morceau les éléments se mettent doucement en place au gré des couches sonores, et quand la caisse claire se met en marche on sombre dans une déconstruction claustrophobe des ambiances mises en place jusqu’alors. Les fausses pistes sont nombreuses et procurent un sentiment jouissif d’interaction avec l’auditeur, comme si le groupe voulait laisser le champ libre à l’exploration de sa musique, que les idées vagabondent, quitte à s’égarer, ou même faire fausse route. Ainsi Ecco, qui ouvre le disque, peut paraître stérile à la première écoute. Le morceau suggère l’explosion potentielle sans jamais se décider à allumer la mèche et au moment où l’on réalise que l’intérêt de la chose est à chercher ailleurs, la piste stoppe nette. Dans cette façon de gérer les attentes et les frustrations, le morceau est une totale réussite. Sous ses allures « passe-partout » et sa fausse nonchalance, Rome Buyce Night rappelle parfois les Canadiens de Southpacific, eux aussi adeptes de mélodies minimalistes et répétitives, flirtant avec la rupture sans jamais l’atteindre réellement. C’est le cas sur Luminaires, second morceau de l’album, traversé par un extrait sonore issu d’un documentaire sur les Amérindiens.

NUANCES

L’utilisation de ces samples vocaux manque néanmoins de pertinence. Impression que, comme bien souvent chez certains groupes instrumentaux, ils servent d’alibi maladroit comme pour combler une attente (plus ou moins réelle) du public. Passer plus de cinq minutes sans paroles n’est pourtant pas si difficile, surtout quand la musique parle d’elle-même - et c’est le cas ici. Sur Sombrautone (avec ses réminiscences dubesques dans la guitare rythmique, pas si éloignées que ça du dernier album des Français de Lab°), le mélange fonctionne plutôt bien quand débarquent les voix, mais on a du mal à comprendre pourquoi elles reviennent en fin de parcours, surtout lorsque c’est le même extrait qui est utilisé. On pourra aussi regretter l’absence - ou la disparition - de la basse sur certains morceaux, laissant parfois un grand vide dans le mix. Mais comme la notion d’improvisation live semble prendre une grande part dans le processus créatif du trio, il est probable que la majeure partie des pistes du disque aient été enregistrées de cette manière sans rajouts postérieurs. Gageons que le groupe doit prendre toute sa dimension sur scène, mais en attendant de le croiser près de chez vous, il n’y a pas d’hésitations à avoir concernant l’acquisition de cet album : Rome Buyce Night saura toucher de manière diffuse mais subtile. Luminaires est un disque prometteur, qui plonge l’auditeur dans un univers singulier et assez loin du cliché habituel du post-rock français. à ce titre il n’en est que plus remarquable.

Partager :

publié par le 31/10/05
Informations

Sortie : 2005
Label : autoprod