Voilà quelque temps déjà que le Cargo suivait Robi de près, de session en interview, de la scène de la Loge aux premières parties de Dominique A. Une découverte en forme de grande claque, accompagnée d’une intuition qui s’affirmait à chaque concert et que pourraient résumer les paroles de « Tout ce temps » : « Il peut, il va se passer quelque chose. » De fort et d’intense, et qui ne ressemblerait à rien d’autre.
Au cordeau
Robi, c’est avant tout une voix, dans tous les sens du terme. Ce qui force l’attention dès la première écoute, c’est ce talent pour faire sonner les mots. Textes scandés, psalmodiés, mots qui claquent et s’entrechoquent, et la tension contenue que leur imprime la voix de Chloé Robineau. Des mots taillés au cordeau qui témoignent d’un talent rare pour l’épure, qui foncent droit au but sans s’encombrer de fioritures. Et qui renvoient souvent l’auditeur à ses propres ressentis – comme cette formule ô combien évocatrice dans « On ne meurt plus d’amour » : « Je n’ai rien appris, rien chaque fois/Sinon qu’on n’en meurt pas. »
Et puis il y a cette stupéfiante capacité à créer des refrains accrocheurs, comme autant de classiques immédiats. Qui éblouissent parfois par leur simplicité même. Celui de « Ma route » est exemplaire : « Ma route est la même/Je n’ai pas le temps », scandé en boucle, ça pourrait n’avoir l’air de rien. Mais chantés par Robi et soutenus par les basses cinglantes de Jeff Hallam et les chœurs de Dominique A, les mots trouvent aussitôt leur place, leur raison d’être, c’est ainsi et il ne pourrait pas en être autrement. Si la langue française s’accommode moins facilement que l’anglais de la simplicité en chanson ou en littérature, y parvenir avec une telle évidence force d’autant plus le respect.
Diapason
Les arrangements, tout du long, savent être au diapason de ces mots et de cette voix : ils ont la même franchise brute, la même immédiateté. Le son est souvent rêche et âpre, mais on entre dans cet album avec une insolente facilité. Au bout de deux écoutes, tout nous est déjà familier. Trois mots, trois notes de guitare, trois accords de basse, il n’en faut souvent pas plus. Quelque chose comme la sécheresse du blues mariée à la froideur de la coldwave. Robi s’offre d’ailleurs le luxe d’une splendide reprise de Trisomie 21, « Il se noie », qui respecte l’original tout en se l’appropriant pleinement, au point qu’elle semble singulièrement à sa place au milieu de ses propres compositions.
Sous la neige
Vers la fin, l’album acquiert une tonalité plus douce. Sur « Ou pour toujours », le dépouillement se fait sublime et sensuel, opposant basses grondantes et voix caressante pour un final tout en émotion. Une douceur cotonneuse enveloppe la mélancolie des mots comme une couche de neige. L’hiver et la joie : un titre approprié pour un album qui brasse les contraires et appelle à l’oxymore. Le clair dans l’obscur, le feu sous la glace, autant d’images évoquant le clip en noir et blanc d’« On ne meurt plus d’amour » où Robi se dédouble selon un motif hypnotique. Description adéquate d’une musique qui sait être glaciale et festive à la fois, comme sur « Où suis-je » dont le refrain entêtant et les claviers eighties invitent à la danse. L’hiver pour la froideur du son et des émotions convoquées. La joie pour celle qui vous gagne à chaque écoute.
On a su, dès la première note entendue, dès le premier concert reçu de plein fouet, qu’on adopterait pleinement la musique de Robi et qu’on pouvait en attendre beaucoup. Cet album est bien la magnifique confirmation qu’on espérait. Il est temps à présent qu’il devienne pour d’autres – si possible très nombreux – une magnifique révélation.
De très jolis mots justes pour l’évocation subtile de cette artiste que j’ai hâte d’entendre en Alsace ! très chouette critique,enfin pur moi tout y est c’est à dire en suspend, sur le fil, merci encore à l’auteur !