un peu trop arty
avec recoil, on ne sait pas trop quoi penser (voilà une chronique qui commence bien et qui sait s’affirmer !). on se laisse séduire, assez facilement, mais avec un léger flottement, un sentiment un peu d’énervement qui ne disparaît pas tout à fait tout au long de ce dernier album, liquid. n’est ce pas un peu trop sophistiqué, un peu trop arty sans pour autant tenir toutes ses promesses, à l’image de sa pochette ou de sa partie cd rom. attirante mais sonnant un peu creux : le design art moderne fait impression, mais ne tient pas la route très longtemps et la partie cd rom est sans aucun intérêt avec un clip, quelques pauvres photos et les paroles des chansons que l’on a déjà dans le booklet... et la musique, alors ? je ne sais pas si je fais une névrose particulière ou si, effectivement, le cinéma fait des ravages sur les dernières productions indés, mais liquid peut se présenter comme une bof d’un film qui n’existe pas, ou même carrément une bande son, un peu comme celles des feuilletons radiophoniques, que l’on entendaient surtout après guerre (en plus sophistiqué je vous rassure tout de suite).
feuilletons radiophoniques
une longue histoire mis en musique, en son et en ambiance en tous cas ils devraient peut être monter un club de frustrés des bof à labels, car ils sont de plus en plus nombreux, et ils demanderont à jay jay johanson de superviser leur design ! c’est principalement dans les années 80 que l’on a vu fleurir les bo avec des extraits des dialogues du film antre les différents morceaux, avec un exemple parmi tant d’autres la magnifique bof d’angel heart. si recoil s’inspire de cette méthode, c’est plutôt pour présenter un mix général. de très longs textes - que l’on peut lire dans le livret tout en les écoutant - sont la plupart du temps lus ou même joués. la construction est étudiée, selon les voix les textes sont lus par nicole blackman ou retho buhle, ou bien ils sont chantés - entre le blues, le gospel et la soul - entre autres par les voix magnifiques du golden gate jubilee quartet !
passages délirants
si l’effet est assez impressionnant au début - un peu glaçant même pour certains - cela ne dure pas... la musique est froide et l’ensemble ne prend pas. l’exercice était particulièrement difficile il est vrai, et alan wilder est allé jusqu’au bout de ses idées, mais n’arrivant pas à donner une âme à son univers. on reste un peu en dehors de ce monde qu’il a voulu construire avec liquid. en fait, à part quelques coup de génie comme la bof de l’étrange noël de mr jack de danny elfman (un vrai chef d’œuvre à écouter en boucle), on s’attache à une bof aussi belle et forte soit elle parce qu’elle nous fait revivre des scènes et des émotions que nous ont procuré un film. ici avec liquid, pas de références. elles sont à créer de toutes pièces et recoil n’y est pas vraiment arrivé. parfois on espère, avec le très beau "jezebel" par exemple. sublimé par la soul mystique du golden gate jubilee quartet, ce morceau est une vraie réussite. avec son passage central vaudou - très angel heart, qui est une référence que l’on peut retrouver plusieurs fois sur liquid - on se rapproche d’une vraie bof, on arrive à avoir ses références, ses images qui nous manquent tant dans la plupart des autres morceaux. mais hélas cela tourne vite en rond, on a vite compris ce que alan wilder et son recoil voulait et les surprises ne sont pas au rendez vous. a renfort de synthé très ambiant plus ou moins impressionnant (quelques passages et idées fulgurantes ou intéressantes comme l’intro en bruitage cinématographique du déglingué "strange hours" ou de "black box (pt2)" , une pure bande son de cinéma), de très belles voix " jouant " le texte ou le chantant sur un mode bluesy qui offrent les meilleurs moments de l’album. liquid est une tentative pas toujours réussie ("want, breathe control" et "chrome" sont trop ressemblants. on s’ennuierait presque !). mais quelques belles idées, quelques passages délirants nous donnent envie de tenir jusqu’au bout - faut pas exagérer, ce n’est pas un supplice non plus !!! liquid part d’une idée, d’un concept aurait-on dit 25 ans plus tôt - passionnant et gonflé mais ne réussit pas vraiment son coup. on a l’impression que wilder n’a pas toujours su très bien où se placer : bof, bande son, concept album ou histoire mise en musique.... ? on cherche, on ne sait pas très bien et cette hésitation nous empêche de totalement s’imprégner de liquid.