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publié par Ben Gaston, Natalia Algaba le 03/05/19
Pongo + Dope Saint Jude + Sink Ya Teeth + Ionnalee + Otha - Les Femmes S'en Mêlent 2019 - 06/04/2019

Cette dernière soirée du festival est résolument placée sous le signe de la musique électro et urbaine avec une programmation qui nous invite à danser

Personnellement j’étais très curieuse de voir en direct celle qu’on surnomme « la reine du kuduro », Pongo , cependant la découverte de l’incroyable artiste sud-africaine Dope Saint Jude reste un des moments les plus forts de la soirée. Mais n’avançons pas trop vite et revenons au détail de cette dernière soirée du festival.

Otha : une invitation à danser pour les plus timides et un désir de connexion réelle dans l’ère de réseaux sociaux. Dès 20h Le Trabendo devient un dance-floor grâce à la jeune, timide et talentueuse Otha. Il y a encore peu de monde dans la salle quand la norvégienne débarque sur la scène intérieure accompagnée de Tyler, son compagnon, dj et claviériste, avec qui elle a commencé ce projet. Long cheveux roux, visage angélique, habillée dans un style normcore années 80 (jean taille haute et pull patchwork en couleurs qui deviennent fluorescentes grâce aux jeux de lumières), elle entame son set avec « I’m on Top », une critique des réseaux sociaux et des fausses vies idéalisées que les gens s’entêtent à montrer. Le public est encore très timide, seulement deux personnes dansent, pourtant ses beats et sa douce voix nous emportent et on ne peut pas s’empêcher de suivre le rythme. Otha nous présente alors le titre suivant « Hey Vancouver » et explique qu’elle est ravie d’être à Paris. C’est la première fois qu’elle joue à la capitale et même la première fois de sa vie qu’elle joue dans un festival. « C’est incroyable ! » lance-t-elle.

Peu à peu la salle se remplit alors que la troisième chanson du set marque le ton de la soirée : on est venus pour s’amuser, pour danser ! « We drink and we dance » répète-t-elle dans ses paroles. Elle a une voix très douce qui nous fait penser à certaines chansons du duo britannique Everything but the girl . « One of the girls », son premier single, s’enchaîne et Othaley Husøy, de son vrai nom, danse discrètement sans trop se lâcher alors que le public, qui a l’air de bien connaître les paroles, n’hésite plus à danser et chanter cet hymne dancefloor. Otha est discrète, introvertie, mais elle parvient à la fin du set à mettre le feu dans la salle. On se croirait à une soirée à 4h du mat, lumières bleues tamisées, de la fumée et des beats puissants qui accompagnent les paroles « Look at me, look at me, just dance, just dance ! ». L’audience crie, lève les bras, se lâche et danse. Il est à peine 20h30, ça a commencé fort mais il faut qu’on garde des forces pour le reste de la soirée ! Après trente minutes de set Otha nous avoue « J’étais terrifiée ! Merci ! » et elle quitte la scène.

On ne nous avait pas menti, comme l’annonçait le festival « La relève de Robyn, Lykke Li et autres princesses pop scandinaves est assurée ». En effet, Otha se déclare fan de Robyn qu’elle adore et dont son album « Body talks » l’a énormément inspirée. Otha nous a conquis grâce à sa timidité et à sa musique pop-électro où elle exprime une envie de connexion dans ce monde ultra-connecté où, paradoxalement, les gens sont de plus en plus isolés.

Ionnalee : une fée scandinave icône gay A 21h c’est au tour de Ionnalee de nous présenter sa performance. On ne la connaissait pas et pourtant on a découvert par la suite qu’elle a 44 millions de vue sur Youtube, que ses fans du monde entier ont soutenu sa tournée sur Kickstarter afin qu’elle puisse aller dans plusieurs pays, et qu’il y a des millions de fanatiques partout dans le monde près à tout pour la voir au plus près ! En effet Le Trabendo s’est complètement rempli et nous aurons vraiment du mal à trouver un endroit pour prendre des photos, tellement ses fans se battent pour être au premier rang ! C’est la première fois que la diva scandinave joue à Paris et elle va remercier son public de l’avoir aidée à venir.

Jonna Lee, de son vrai nom, est donc venue nous présenter sa performance audiovisuelle qui commence avec un écran noir derrière elle où on voit apparaître la phrase « to whom it may concern » (le nom de son label où elle a enregistré ce nouveau projet) et ensuite « Everyone afraid to be forgotten », titre de son album-film sorti en février 2018. La performance est une sorte d’électro futuriste psychédélique où Ionnalee, habillée d’une combinaison argentée au plus près de son corps, fait une chorégraphie bien orchestrée devant un écran où défilent des images de robots, d’étoiles, des formes géométriques... Elle nous fait penser à une fée sortie d’une légende scandinave, avec ses longs cheveux blonds. Les fans sont ravis et elle ne va pas hésiter à venir au plus près d’eux pour les toucher, « Je vous aime Paris ! Je suis submergée », lance-t-elle. Le set s’ensuit au plus grand plaisir de ses fans qui dansent et chantent sur tous les titres et vers la fin, elle va rajouter à sa tenue d’abord un manteau de plumes et ensuite un manteau de lumières qu’elle fait bouger comme un papillon dans une chorégraphie pour le moins surprenante. Après une heure de concert, et avant de quitter la scène, elle adresse quelques mots à son public dévoué : « Je suis très émue, vraiment merci, je n’oublierai jamais cette soirée. Merci Paris ». Alors que quelques fans se battent pour avoir la setlist, la salle se vide complètement.

Setlist : Intro (Samaritan) 1. WORK 2. o 3. BLAZING 4. OPEN SEA 5.t 6. play 7. TEMPLE 8. chasing kites 9. SAMARITAN 10. y 11. goods

Sink Ya Teeth : une puissante danse-music post punk avec des beats vintages. Pas facile de jouer après cette performance. Les fans d’Ionnalee sont pour la plupart partis et c’est dans une salle presque vide que commence le concert du duo pop synthé post-punk Sink Ya Teeth à 22h15. La scène aussi à l’air tellement vide après la folle performance d’Ionnalee… il faut dire que Sink Ya Teeth ne sont que deux avec peu d’instruments sur scène, peu d’équipement, pas d’écran, et un jeu de lumière très humble par rapport au show précédent.

Les deux anglaises venues de Nordwich, Maria Uzor, à la basse et la MAO, et Gemma Cullinford, qui tape puissamment sur le synthétiseur Roland, joue du Korg et fait la voix principale, sont venues nous présenter leur premier album sorti l’été dernier : une musique rencontre entre la new wave et l’électro, entre punk et rock-house, avec des beats très 80s. Une musique dansante avec une ligne de basse puissante et souvent répétitive à laquelle s’ajoutent des percussions rythmiques décalées et qui puisent leur inspiration aussi bien dans des groupes qui ont un son électro comme New Order ou Talking Heads ou plus récemment LCD SoundSystem, que dans la musique funk noire américaine des années 80 comme Larry Heard ou James Brown.

Le set débute avec « Freak 4 the Kick », les deux anglaises restent un peu trop sages, chacune à leur place, et même si le son est puissant, on a du mal à rentrer dans leur univers. Gemma danse comme un militaire dans un défilé et essaie de faire rentrer le public dans le show : elle communique beaucoup entre les chansons, explique les titres et essaie même de parler en français, sans trop de succès. Les titres traitent de l’actuel président des États Unis, d’une amie harceleuse, du sentiment de vide et de solitude, de la dépendance frénétique à la religion chez les évangélistes…pas très gai tout cela ! A la fin du concert Gemma nous explique à quel point elle était ravie d’être à Paris, c’était sa première fois et en plus elle lisait un livre de Jean Genet sur Paris et Montmartre ! « C’est incroyable ! » s’exclame-t-elle avant d’annoncer la dernière chanson du set. Un set très humain malgré les beats et sons électroniques enregistrés.

Setlist : 1. Freak 4 the Kick 2. All the thoughts 3. Petrol Blue 4. Control 5. Friends 6. Complicated 7. Glass 8. Pushin 9. If you see me 10. Substitutes

Dope Saint Jude : Le hip hop au service de la cause féministe et queer. Le hip hop pour l’égalité ! La soirée se poursuit avec le hip hop venu d’Afrique du Sud et l’énergie débordante de Dope Saint Jude qui va nous offrir un concert enflammé, incroyablement funkie, féministe, engagé, positif, motivant, dansant et dynamique. Elle a réussi à mettre le feu dans la salle qui s’est à nouveau bien remplie. Difficile de classer cette artiste venue de Cape Town, porte-parole du mouvement queer dans son pays, rappeuse, productrice, activiste, dragking qui revendique l’égalité des classes, des races et des genres. Catherine St Jude, de son vrai nom, est une métisse qui a grandi dans une Afrique du Sud d’après l’apartheid où la société était encore très divisée comme elle le montre dans ses paroles d’un lyrisme percutant. Elle utilise le rap pour dénoncer l’oppression des certaines communautés comme la sienne, celle d’une femme « brown », queer et gay.

A 23h20 elle débarque sur scène accompagnée de sa troupe : elles sont trois sur scène, une DJ au fond, et une autre MC qui, avec beaucoup de talent, relaye Dope de flow nerveux et tout aussi engagés. Elles forment un trio très positif, plein d’énergie. Dès son arrivée, Dope hurle : « Faites du bruit ! on veut du fucking bruit ! », le ton du concert est donné. Elle demande à la salle de suivre ses « hip » par des « hop ». Les deux rappeuses sautent, font des squats, bougent sans cesse à droite et à gauche pendant que derrière, un écran projette des images de Dope, de sa bande de dragkings, des clips et on voit même apparaître en boucle le nom de Michelle Obama, icône noire et modèle de femme forte revendiquée par Dope.

Dope a une force incroyable dans ses beats, dans ses paroles et dans ses gestes empruntés des rappeurs américains. Elle se revendique féministe et nous raconte son histoire : nous parle des femmes de sa vie, de leur force, de sa mère décédée il y a trois ans et de sa grand-mère, femme de ménage. Elle pense à toutes les femmes de son quartier… « C’est un rêve d’être à Paris », nous dit-elle, « un rêve de pouvoir sortir de ma ville, de mon pays et de pouvoir voyager grâce à ma musique ». L’activisme de Dope passe aussi par la revendication d’une éducation publique gratuite et de qualité qui permette de mettre fin aux inégalités : « L’éducation publique gratuite est le seul moyen d’avoir une société égalitaire » lance-t-elle. Et elle dédie le titre suivant aux étudiants qui ont manifesté en Afrique du Sud pour une université gratuite. Enfin, elle n’oublie pas les enfants de son quartier et nous annonce qu’elle vend un magazine Resilient, comme le nom de son EP, fait par des artistes féminines et queer dont les bénéfices seront renversés à une association pour l’éducation des enfants.

Dope est très engagée, ses paroles parlent des difficultés d’être une femme noire ou métisse en Afrique du Sud et dans le monde. Avec « Brown Baas » elle répète face au public : « Do you know what it’s like to be brown for a girl like me ? for a girl like me ? Do you know what it’s like to be Baas for a brown like me ? » où elle parle des difficultés d’être métisse, « brown », dans son pays. Sa dernière chanson, elle la dédie aux femmes dans la salle : « Grrl like », « Je suis à l’endroit parfait pour ça » lance-t-elle. Elle lève le poing, nous levons le poing avec elle. En effet, le public du festival est maintenant un public essentiellement féminin, hétéros, lesbiennes, queer, des femmes puissantes aussi bien sur scène que dans la salle. On est conquis, ravis d’avoir croisé sa route. Son énergie, sa force, sa positivité, son attitude, son caractère, son engagement ont été pour moi un des moments les plus forts de la soirée. Dope Saint Jude est une jeune femme engagée et déterminée à porter loin et fort la voix des sans voix.

Setlist : 1. Preshow 2. Sposed 2B 3. Real Talk 4. XXPlosive 5. Where I’m From 6. Didn’t come to play 7. Outro 8. Attitude 9. Riot 10. Brown Baas 11. Liddy 12. Grrrl Like

Pongo : La reine angolo-portugaise du Kuduro électronique Á 00:25 vêtue d’une robe et d’un béret noirs, gigantesques boucles d’oreilles dorées, collier doré autour du cou, ongles longilignes brillants, la jeune femme de 26 ans apparaît sur scène accompagnée des français Axel et Antonin aux différentes percussions électroniques : synthés, Roland Sampling Pad et batterie. Dès son arrivée elle impose sa présence et son kuduro électronique. « Bonsoir Paris ! Are you ready ? Let’s go ! » crie-t-elle. Et Le Trabendo redevient un énorme dancefloor. « Vous connaissez le Kuduro ? » lance-t-elle au public en anglais, un anglais qu’elle parle mal, mais on adore ses explications quand même. Pour les non connaisseurs, le kuduro (littéralement « cul dur »), une danse et un mouvement musical qui prisent les syncopes synthétiques ultra rapides, est un style musical à son image, un mélange de break dance, de samba angolaise et de dance, qu’elle découvre très jeune, à 14 ans, dans la banlieue de Lisbonne.

Engrácia, de son vrai nom, nous emmène ainsi à son Angola natal à travers ses déhanchés et ses pas de danse tribal. Quelle énergie ! elle remplit la scène, va à l’encontre du public, ouvre les bras, tend le micro et invite l’audience à danser et à chanter. Elle nous a présenté les 5 titres de son EP en solitaire « Baia » dont ses singles « Tambulaya » et « Kuzola » et même des chansons de son époque avec le groupe Buraka Som Sistema comme « Kalemba (wegue, wegue) » . Pour cette dernière chanson elle invite les femmes du public à monter sur scène avec elle, et nous avons le droit à une scène envahie de femmes qui dansent, dont une qui enlève son t-shirt pour danser de façon torride avec Pongo. Ce fut un moment de connexion par la musique, une extraordinaire fin de soirée !

Pongo était notre coup de coeur quand on a écouté la programmation de LFSM, on avait hâte de la voir en live et on commençait à douter si elle serait notre préférée de la soirée après avoir découvert l’énergie de Dope Saint Jude. Mais ce fut un régal !On est sous le charme de cette jeune femme expressive et puissante et de son flow particulier qui crie l’amour de son pays et le « Kuzola » (amour en kimbundu, un dialecte angolais) et on n’a qu’une envie, la revoir très vite. 2019 est sans doute son année !

Et ainsi on est arrivé à la fin de ces trois jours de musiques féminines très éclectiques où on a fait de belles découvertes et on a eu la chance de revoir des chanteuses qu’on connaissait déjà et qu’on suivait depuis longtemps. Nous sommes partis après Pongo mais nous avons laissé quelques personnes en compagnie de la DJ Ficken Chipotle.

Nous avons bien profité du festival, nous avons dansé, chanté sur différents styles musicaux et nous reviendrons bien sûr l’année prochaine car ce type de festival qui soutient la musique au féminin mérite d’exister.

Nous remercions Stéphane Amiel de nous avoir permis de mieux connaître son festival de l’intérieur.

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