Et nous voila reparti pour une nouvelle édition de Rock en Seine, si le festival n’a pas bougé de l’habituel domaine de Saint-Cloud, votre serviteur a lui déménagé à Montreuil, soit l’autre terminus de la ligne 9 qui amène au festival et l’une des plus longues lignes du métro parisien. On essaie donc un raccourci impliquant plusieurs correspondances et évidemment on arrive en retard pour Rori dont nous n’entendons que les dernières notes mais sa pop-rock efficace semble avoir rencontré une belle adhésion. Dans les premiers rangs bien sûr les fans de Lana Del Rey sont déjà là en masse. Mais pour nous il s’agit tout de suite d’aller à l’autre bout du festival car on est bien décidés à profiter de tout ce que cette première journée à à offrir.
Nell Mescal
On arrive à la scène Firestone juste pour le début du set de Nell Mescal dans une belle robe bleu turquoise qui joue face à un public plutôt conséquent pour un début de festival et en plein dans un soleil de fin d’après-midi presque aveuglant par moment : dans notre guide, on avait dit être partagé sur sa musique qu’on trouvait encore un peu "verte". Le constat est plus ou moins le même : la voix féminine est jolie, les compositions folk/rock honorable qui gagnent à être joué en live par un groupe complet qui se veut plutôt rock avec un guitariste lead qui va des petites mimiques et tout qui vont bien. Neal aura besoin d’un peu plus de temps pour se détendre et occuper la scène mais elle s’en sort plutôt bien. Le morceau qui fait décoller cet agréable entrée en matière n’arrivera pas, sur disque il y a bien "Homesick" qui donne la pêche et a un potentiel tubesque mais la version live n’est pas transcendante mais bon le set n’a rien de désagréable et on se dit qu’à 21 ans, avec une voix capable de très belles choses, on y reviendra volontiers !
Towa Bird
On attendait du rock et de l’énergie en pagaille sur la grande scène avec Towa Bird , c’est bien ce qu’on a eu mais il y a des mais. genre mais qui est Towa Bird ? vous pourriez connaître comme la guitariste d’Olivia Rodrigo ... parce qu’elle a buzzé sur Tik Tok avec des reprises. Nous on connait à peine la première et pas grande du deuxième mais cela explique sûrement pourquoi elle joue sur la grande scène et pourquoi elle a déjà un public, jeune, qui semble familier de son répertoire.
L’autre "mais" est que même si l’intention est rock, même si la jolie Firebird toute noire avec son nom desssus que Towa brandit n’est pas là pour faire de la décoration, les morceaux sont de facture assez classique et avec juste trois musiciens sur scène le son n’est pas suffisamment massif pour compenser.
Là encore on ne se plaindra pas parce qu’il y a une certaine présence, que Towa ne ménage pas ses efforts pour occuper toute la grande scène et puis tout simplement de bons riffs de guitare sur une pulsation binaire bien en place, on est programmé pour hocher la tête. Il nous manque juste quelque chose d’un peu différenciant ou le petit plus d’émotion ou le riff imparable.
Rachel Chinouriri
Si on avait suivi nos propres recommandations, il n’est même pas sûr qu’on serait aller voir Rachel Chinouriri mais c’est aussi ce qu’on aime dans les festivales : ces moments hors scripts où on se retrouve devant un artiste qu’on avait pas prévu de voir et on s’aperçoit qu’en fait c’est très bien. Et Rachel ça va être exactement ça : on l’avait catégorisé soul/r’n’b et en fait c’est n’est qu’une des facettes de sa musique qui parfois flirte avec quelque chose d’assez rock. Mais peu importe les petites cases, ce qui fonctionne en premier lieu c’est le charisme de la chanteuse, ses sourires, sa bonne humeur, sa manière d’occuper tout le devant de la scène. Derrière elle de super musiciens. La voix est belle, la musique à la pêche et il se passe vraiment un truc avec le public. Voilà notre premier coup de cœur de la journée, on ne l’avait pas du tout vu venir et il n’en est que meilleur.
Pomme
Pomme est une des artistes qu’on a le plus aimés ses dernières années, présente sur le site à travers plein de chroniques, de photos et de sessions. Sur disque comme sur scène elle nous a offert de purs moments de grâce mais depuis le double Olympia et un album qu’on a beaucoup moins aimé on l’avait un peu perdu de vue et si on est contents pour elle que son public soit aussi dingue d’elle, chante très fort toutes les paroles de toutes les chansons, pour nous ça casse la petite bulle magique dans laquelle on aimait se plonger à ses concerts.
On ne savait pas trop à quoi s’attendre donc pour nos retrouvailles surtout dans un festival, ce qui pour nous est le cadre le plus difficile pour une musique aussi intimiste qui joue autant sur les fragilités, les fêlures. Et là face à un public qui attend depuis des heures Lana Del Rey.
Et bien Pomme nous a tout simplement épaté. En partie parce qu’on a loupé des épisodes et qu’elle a maintenant un groupe capable de tenir avec elle une aussi grande scène, qui comporte en plus de super musiciennes qu’on connait bien sur Le Cargo ! Zoé Hochberg à la batterie, Pauline Denize au violon et Michelle Blades à la basse. La formation précédente de Pomme n’était pas moins talentueuse mais on avait toujours l’impression d’entendre des chansons où on sentait qu’elles avaient été écrites par Pomme en solo et qu’on avait essayé d’ajouter un groupe par dessus après. Ce soir dans le décor tout choupi et tout champis (une private joke sur un couvre chef de Pomme qui est devenu toute une scénographie), on a vraiment une impression de cohérence avec un groupe qui remplit tout l’espace sonore autour de la voix toujours aussi belle et toujours émouvant qu’on connaissait déjà.
Et l’autre surprise, c’est qu’on se rencontre que le public de Lana réserve un accueil plutôt chaleureux à cette musique qui est si loin de celle de leur artiste et ce même quand Pomme fait ce qu’on ne penserait pas qu’elle ferait : se lancer dans quelques titres en solo à l’auto-harpe, assise sur un tabouret en fond de scène, face à quelques dizaines de milliers de personne. Certes c’est totalement Pomme, totalement ce qu’elle fait aux autres concerts mais on a coutume de dire qu’il vaut mieux privilégier les tubes, les titres remuants, qui crée une masse sonore pour éviter que passer les premier rangs les gens décrochent et reprennent le récit de leurs vies respectives. On remercie infiniment les fans de Lana de ne pas avoir fait ça et d’avoir en majorité respecté ça car c’était beau.
Comme tout ce set de Pomme et on va vous spoiler la fin : Lana Del Rey musicalement c’était cool, elle avait un show comme on n’en avait jamais vu en bon fan de concerts indé qui ne met que rarement les pieds dans un Bercy etc. mais à côté de Pomme, son set nous a paru assez plat et pour nous la vraie reine de la grande ce soir là, c’était la fille avec l’univers bizarre plein de champignons et les lâchers de bulle de savons.
YOA
mais on dit bien "la reine de la grande scène" car ce soir pour les gens courageux, ceux qui n’avaient pas envie d’attendre Lana pendant une heure pour avoir une place un peu meilleure, il y avait une autre reine, YOA et là encore voilà un projet pas évident à porter en live qui nous a nous fait une très belle impression. Sur disque, Yoa c’est très bien et on le sait depuis un moment déjà mais comment traduire ça en live ? ça ne se prête pas tellement au musicien, elle n’a pas encore le budget pour des shows à la Madona. Mais peu importe comme dans ses textes, elle ose la prise de risque, la mise à nu. Et c’est donc seule sur scène dans une agréable fraicheur de nuit estivale qui s’installe qu’elle nous délivre un set qui tient très bien la route et dont les effets de lumière et de fumée fonctionnent bien (et là heureusement que la nuit est tombée car en journée la scène Firestone est tellement blindée de soleil qu’il n’y a rien n’a faire en terme d’éclairage créatif.
Lana Del Rey
Lana c’est un peu l’Amélie Poulain de rock indé : une source de débats inutiles et de procès d’intentions douteux autour de son histoire qui nous éloigne de la musique elle-même. Si on s’en tient à celle-ci, y a du correct et y a même du très bon. Alors on retourne devant la grande scène sans aprioris. Comme prévu on "paie" notre choix d’avoir été à YOA en étant très très loin de la scène et et pas d’accès au crash pour les photos, comme pour Billie Eillish l’année d’avant, on ne comprend pas cette pratique détestable vu l’espace immense devant la grande scène il n’a aucune raison de filtrer mais bon on digresse.
On a jamais vu de comédie musicale à Broadway, ni de spectacle à Bercy de ces artistes qui n’ont pas un groupe de musiciens mais une troupe de danseurs. Alors ce que nous présente Lana Del Rey sur la grande scène .. . c’est d’abord un retard de presque une demi-heure d’autant plus agaçant que c’est soit du temps de concert en moins soit des galères supplémentaires pour rentrer.
Mais bon passons : la chanteuse américaine nous a donc présenté un spectacle XXL occupant toute la largeur et la hauteur de la scène, une succession de tableaux superbement décorés, éclairés, dansés. Et elle au milieu des danseurs, qui chante son répertoire.
Il y a des moments superbes, des chorégraphies impressionnantes, un côté larger than life, une esthétique qui est raccord avec l’univers de la chanteuse et la personnalité qu’elle dégage.
Du début à la fin la scénographie nous impressionne et on a vraiment l’impression de découvrir une forme de concert, ou plutôt de spectacle musical qu’on ne connait pas.
Par contre, alors qu’on avait pas du tout d’a priori négatif sur Lana, au contraire les deux derniers albums nous ont paru vraiment bon, la musique ne nous a pas impressionnés plus que ça et la prestation scénique de Lana comme son chant encore moins. Rien de flamboyant, en plissant les yeux pour essayer de distinguer ce qui se passe sur scène (des fois on triche et on regarde les écrans géants sinon on voit vraiment rien à cause de la scénographie justement parfois prévue même pour une caméra qui filme du dessus), Lana on la trouve un peu absente, pas totalement investi dans ce qu’elle fait et chante, voir une certaine forme de mollesse qui n’est pas l’indolence, l’hédonisme et l’onirisme que semble suggérer le visuel.
Bon autour de nous, même si loin de la scène il n’y a que des fans raides dingues de Lana , qui connaissent tout par cœur et ils ont l’air de vivre le meilleur moment de leur vie alors tout est relatif hein mais pour nous l’expérience est surtout belle pour l’image et parce qu’elle est totalement exotique par rapport à ce qu’on connait. Ce n’est sûrement par l’écho que vous aurez ailleurs mais pour nous ce jour 1 de Rock en Seine 2024 appartient pour toujours à Pomme et à Yoa.